SCENE DERNIER E.

JUPITER, AMPHITRYON, NAUCRATES, ARGATIPHONTIDAS, POLIDAS, POSICLES,

CLEANTHIS, SOSIF.

JUPITER annoncé par le bruit du tonnere, armé de fon foudre, dans un nuage fur fon aigle. RE, fous tes propres traits, voi Jupiter paroître. Egarde, Amphitryon, quel eft ton impofteur; A ces marques, tu peux aifément le connoître ; Et c'eft affez, je crois, pour remettre ton cœur Dans l'état auquel il doit être,

Et rétablir chez toi la paix & la douceur,
Mon nom qu'inceffamment toute la terre adore,
Etouffe ici les bruits qui pouvoient éclater.
Un partage avec Jupiter

N'a rien du tout qui déshonore;
Et, fans doute, il ne peut être que glorieux,
De fe voir le rival du fouverain des Dieux.
Je n'y vois, pour ta flamme, aucun lieu de m

mure;

Et c'est moi, dans cette aventure, Qui, tout Dieu que je fuis, dois être le jaloux. Alcméne eft toute à toi, quelque foin qu'on emploie, Et ce doit, à tes feux, être un objet bien doux, De voir que, pour lui plaire, il n'eft point d'autre

voie,

Que de paroître fon époux ;
Que Jupiter, orné de fa gloire immortelle,
Par lui-même n'a pû triompher de fa foi;
Et que ce qu'il a reçû d'elle,

N'a, par fon cœur ardent, été donné qu'à toi

SOSIE.

Le Seigneur Jupiter fait dorer la pilule.

JUPITER.

Sors donc des noirs chagrins, que ton cœur a fouf ferts;

Et rens le calme entier à l'ardeur qui te brûle ; Chez toi doit naître un fils qui, fous le nom d'Her cule,

Remplira de fes faits tout le vafte univers.

L'éclat d'une fortune, en mille biens féconde
Eera connoître à tous, que je fuis ton support;
Et je mettrai tout le monde

Au point d'envier ton fort.
Tu peux hardiment te flatter
De ces efpérances données.
C'eft un crime, que d'en douter-
Les paroles de Jupiter

Sont des arrêts des deftinées.
Il fe perd dans les nues.)
NAUCRATES.

Certes, je fuis ravi de ces marques brillantes..
SOSIE.

Meffieurs, voulez-vous bien fuivre mon sentiment
Ne vous embarquez nullement

Dans ces douceurs congratulantes,
C'eft un mauvais embarquement;

Et d'une & d'autre part, pour un tel compliment,”
Les phrafes font embarraffantes.

Le grand Dieu Jupiter nous fait beaucoup d'honneur, Et la bonté, fans doute, eft pour nous fans feconde; Il nous promet l'infaillible bonheur

D'une fortune, en mille biens féconde,

Et chez nous il doit naître un fils d'un très-grand

Et

cœur,

que

Tout cela va le mieux du monde ;
Mais enfin coupons aux difcours ;
chacun chez foi doucement fe retire.
Sur telles affaires toujours,
Le meilleur eft de ne rien dire.
F.IN.

L'AVARE,

L'AVAR E,

COMEDIE

Tome V

H