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MERCURE.

Point de quartier; immuable eft la loi.
Si, d'entrer là-dedans, tu prens encor l'audace,
Mille coups en feront le fruit.
SOSIE.

Las! A quelle étrange difgrace,
Pauvre Sofie, es-tu réduit?
MERCURE.

Quoi! Ta bouche fe licencie

A te donner encore un nom que je défens ?
SOSIE.

Non, ce n'eft pas moi que j'entens ;
Et je parle d'un vieux Sofie,
Qui fut jadis de mes parens,
Qu'avec très- grande barbarie,

A l'heure du dîné, l'on chaffa de céans.
MERCURE.

Prens garde de tomber dans cette frénéfie,
Si tu veux demeurer au nombre des vivans.
SOSIE à part.

Que je te rofferois, fi j'avois du courage,
Double fils de putain, de trop d'orgueil enflé

MERCUR E.

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MERCURE.

Tu tiens, je crois, quelque langage

SOSIE.

Demandez, je n'ai pas foufflé.
MERCURE.

Certain mot de fils de putain
A pourtant frappé mon oreille;
Il n'eft rien de plus certain.
SOSIE.

C'est donc un perroquet que le beau temps réveille.

MERCURE.

Adieu. Lorsque le dos pourra te démanger,

Voilà l'endroit où je demeure.
SOSIE feul.

O ciel! Que l'heure de manger,

Pour être mis dehors, eft une maudite heure!
Allons, cédons au fort dans notre affliction,
Suivons-en aujourd'hui l'aveugle fantaisie:
Et,
, par une jufte union,
Joignons le malheureux Sofie,
Au malheureux Amphitryon.

Je l'apperçois venir en bonne compagnie.

SCENE VIII.

AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS, POSICLES, SOSIE dans un coin du théatre, fans être apperçû.

AMPHITRY ON à plufieurs autres officiers qui l'accompagnoient.

A Rrêtez-là, Meffieurs. Suivez-nous d'un peu

loin,

Et n'avancez tous, je vous prie,,
Que quand il en fera befoin.
POSICLES.

Je comprens que ce coup doit fort toucher votre

ame.

AMPHITRY ON,'

Ah! De tous les côtés, mortelle eft ma douleur ;
Et je fouffre pour ma flamme,
Autant que pour mon honneur.
POSICLES.

Si cette reffemblance eft telle que l'on dit,
Alcméne, fans être coupable.
AMPHITRYON.

Ah! Sur le fait dont il s'agit,

L'erreur fimple devient un crime véritable;

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Et, fans confentement, l'innocence y périt.
De femblables erreurs 9

donne,

quelque jour qu'on leus

Touchent des endroits délicats;

Et la raifon bien fouvent les pardonne,
Que l'honneur & l'amour ne les pardonnent pas.
ARGATIPHONTIDAS.

Je n'embarraffe point là-dedans ma pensée ;
Mais je hais vos Meffieurs de leurs honteux délais,
Et c'eft un procédé dont j'ai l'ame blessée,
que les

Et

gens de cœur n'approuveront jamais. Quand quelqu'un nous emploie, on doit, tête baiffée,

Se jetter dans fes intérêts.

Argatiphontidas ne va point aux accords..
Ecouter, d'un ami, raifonner l'adverfaire,
Pour des hommes d'honneur n'eft point un coup à

faire;

Il ne faut écouter que la vengeance alors.

Le procès ne me fauroit plaire,

Et l'on doit commencer toujours, dans fes transports,
Par bailler, fans autre myftére
De l'épée au travers du corps.
Oui, vous verrez, quoi qu'il avienne,
Qu'Argatiphontidas marche droit fur ce point;
Et, de vous, il faut que j'obtienne
Que le pendard ne meure point
D'une autre main que de la mienne.
AMPHITRYON.

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SOSIE à Amphitryon.

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Je viens, Monfieur, fubir, à deux genoux 7
Le jufte châtiment d'une audace maudite.
Frappez, battez, chargez, accablez-moi de coups,
Tuez-moi dans votre courroux,

Vous ferez bien, je le mérite;
Et je n'en dirai pas un feul mot contre vous.

AMPHITRYON..

Léve-toi. Que fait-on?

SOSIE.

L'on m'a chaffé tout net

Et, croyant à manger m'aller comme eux ébattre, Je ne fongeois pas qu'en effet

Je m'attendois là pour me battre. Oui, l'autre moi, valet de l'autre vous, a fait Tout de nouveau le diable à quatre.. La rigueur d'un pareil deftin, Monfieur, aujourd'hui nous talonne Et l'on me def-Sofie enfin,

Sui-moi.

Comme on vous def-Amphitryonne.
AMPHITRION.

SOSIE.

N'eft-il pas mieux de voir s'il vient perfonne

SCENE IX.

CLEANTHIS, AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS, POLIDAS,.

NAUCRATES,POSICLES,SOSIE.

CLEANT. HI'S.

O Ciel!

AMPHITRYON.

Qui t'épouvante ainfi?

Quelle eft la peur que je t'infpire?

CLEANTHIS.

Las! Vous étes là haut, & je vous vois ici.
NAUCRAT E Sà Amphitryon.
Ne vous preffez point, le voici,
les clartés qu'on defireg

Four donner, devant tous,

Et qui, fi l'on peut croire à ce qu'il vient de dire, Sauront vous affranchir de trouble & de fouci.

SCENE X.

MERCURE, AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS, POLIDAS, NAUCRATES, POSICLES, CLEANTHIS, SOSIE.

MERCURE.

Oui, vous l'allez voir tous; & fachez par avance,

Que c'eft le grand maître des Dieux,
Que, fous les traits chéris de cette reffemblance,
Alcméne a fait du ciel defcendre dans ces lieux.
Et quant à moi, je fuis Mercure,
Qui, ne fachant que faire, ai roffé tant foit peu
Celui dont j'ai pris la figure;

Mais, de s'en conføler, il a maintenant lieu;
Et les coups de bâtons d'un Dieu
Font honneur à qui les endure.
SOSIE.

Ma foi, Monfieur le Dieu, je fuis votre valet
Je me ferois paffé de votre courtoisie.

MERCURE.

Je lui donne à préfent congé d'être Sofie,
Je fuis las de porter un vifage fi laid;
Et je m'en vais au ciel, avec de l'ambrofie,
M'en débarbouiller tout-à-fait.
(Mercure s'envole dans le ciel.)
SOSIE.

Le ciel, de m'approcher, t'ôte à jamais l'envie !
Ta fureur s'eft par trop acharnée après moi;
Et je ne vis de ma vie

Un Dieu plus diable que toi,

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