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Mais que, de gaieté de cœur,

On paffe aux mouvemens d'une fureur extrême; Que, fans caufe, l'on vienne, avec tant de rigueur, Bleffer la tendreffe & l'honneur

D'un cœur qui chérement nous aime ;

Ah! C'eft un coup trop cruel en lui-même,
Et que jamais n'oubliera ma douleur.
JUPITER.

Oui, vous avez raison, Alcméne, il fe faut rendre.
Cette action, fans doute, eft un crime odieux,
Je ne prétens plus le défendre.

Mais fouffrez que mon cœur s'en défende à vos yeux;
Et donne au vôtre à qui fe prendre
De ce tranfport injurieux.

A vous en faire un aveu véritable,
L'époux, Alcméne, a commis tout le mal,
C'eft l'époux qu'il vous faut regarder en coupable;
L'amant n'a point de part à ce transport brutal,
Et, de vous offenfer, fon cœur n'eft point capable.
Il a pour vous, ce cœur, pour y jamais penser,
Trop de refpect & de tendreffe ;
Et, fi de faire rien à vous pouvoir bleffer
Il avoit eu la coupable foibleffe,

De cent coups, à vos yeux, il voudroit le percer. Mais l'époux eft forti de ce respect foumis

Ой pour vous l'on doit toujours être ; A fon dur procédé l'époux s'eft fait connoître ; Et, par le droit d'hymen, il s'eft crû tout permis. Oui, c'eft lui qui, fans doute, eft criminel vers

vous,

Lui feul a maltraité votre aimable perfonne;
Haïffez, déteftez l'époux,

J'y confens; & vous l'abandonne.

Mais, Alcméne, fauvez l'amant de ce courroux
Qu'une telle offenfe vous donne ;
N'en jettez pas fur lui l'effet,
Démêlez-le un peu du coupable;
Et, pour être enfin équitable,

Ne le puniffez point de qu'il n'a pas fait.

AL CMEN E.

Ah! Toutes ces fubtilités

N'ont que des excufes frivoles,
Et, pour les efprits irrités,

Ce font des contre-temps que de telles paroles.
Ce détour ridicule eft en vain pris par vous.
Je ne diftingue rien en celui qui m'offense,
Tout Ꭹ devient l'objet de mon courroux;
Et, dans fa jufte violence,

Sont confondus & l'amant & l'époux. Tout deux, de même forte, occupent ma pensée ; Et, des mêmes couleurs, par mon ame bleffée, Tous deux ils font peints à mes yeux, Tous deux font criminels, tous deux m'ont offenfée; Et tous deux me font odieux.

JUPITER.

Hé bien, puifque vous le voulez, Il faut donc me charger du crime. Qui, vous avez raifon, lorfque vous m'immolez A vos reffentimens, en coupable victime. Un trop jufte dépit contre moi vous anime; Et tout ce grand courroux qu'ici vous étalez, Ne me fait endurer qu'un tourment légitime. C'eft, avec droit, que mon abord vous chaffe, Et que, de me fuir en tous lieux, Votre celére me menace.

Je dois vous être un objet odieux, Vous devez me vouloir un mal prodigieux. Il n'eft aucune horreur que mon forfait ne paffe, D'avoir offenfé vos beaux yeux. C'est un crime à blefler les hommes & les Dieux ; Et je mérite enfin, pour punir cette audace, Que, contre moi, votre haine ramaffe Tous fes traits les plus furieux.

Mais mon cœur vous demande grace;

Pour vous la demander je me jette à genoux;
Et la demande au nom de la plus vive flamme,'-
Du plus tendre amour dont une ames
Pune jamais brûler pour vous.

Si votre cœur, charmante Alcméne

Me refufe la grace où j'ofe recourir;

Il faut qu'une atteinte foudaine
M'arrache, en me faisant mourir
Aux dures rigueurs d'une peine
Que je ne faurois plus fouffrir..
Oui, cet état me défespére.
Alcméne, ne préfumez pas

Qu'aimant, comme je fais, vos célestes appas,
Je puiffe vivre un jour avec votre colére..
Deja de ces momens la barbare longueur

Fait, fous des atteintes mortelles,

Succomber tout mon trifte cœur ; Et, de mille vautours, les bleffures cruelles N'ont rien de comparable à ma vive douleur. Alcméne, vous n'avez qu'à me le déclarer; S'il n'eft point de pardon que je doive espérer, Cette épée auffi-tôt, par un coup favorable,

Va

a percer à vos yeux le cœur d'un miférable, Ce cœur, ce traître cœur trop digne d'expirer,Puifqu'il a pû fächer un objet adorable.

Heureux, en défcendant au ténébreux féjour,
Si, de votre courroux, montrépas vous raméne;
Et ne laiffe en votre ame, après ce trifte jour,
Aucune impreffion de haine,
Au fouvenir de mon amour.

C'est tout ce que j'attens pour faveur fouveraine
ALCME N E..

Ah, trop cruel époux !

JUPITER.

Dites, parlez, Alcménes

AL CME NE.

Faut-il encor pour vous conserver des bontés,
Et vous voir m'outrager par tant d'indignités?

JUPITER.

JUPITER.

Quelque reffentiment qu'un outrage nous cause, Tient-il contre un remords d'un cœur bien enflammé?

ALCMEN E.

Un cœur bien plein de flamme à mille morts s'expofe,

Plutôt que de vouloir fâcher l'objet aimé.

JUPITER.

Plus on aime quelqu'un, moins on trouve de peine... AL CME NE.

Non, ne m'en parlez point, vous méritez ma haine. JUPITER.

Vous me haïffez donc ?

AL CMEN E.

J'y fais tout mon effort;

Et j'ai dépit de voir que toute votre offense
Ne puiffe de mon cœur, jufqu'à cette vengeance,
Faire encore aller le transport.
JUPITER.

Mais pourquoi cette violence,

Puifque, pour vous venger, je vous offre ma mort ? Prononcez-en l'arrêt, & j'obéis fur l'heure. ALCMEN E.

Qui ne fauroit haïr, peut-il vouloir qu'on meure? JUPITER.

Et moi, je ne puis vivre, à moins que vous quittiez Cette colére qui m'accable;

Et

que vous m'accordiez le pardon favorable,
Que je vous demande à vos piéds.
(Sofie & Cleanthis fe mettent auffi à genoux.)
Réfolvez-ici l'un des deux,
Ou de punir, ou bien d'abfoudre.
ALCMEN E.

Hélas! Ce que je puis réfoudre
Paroît bien plus que je ne veux!
Tome V

F

Pour vouloir foutenir le courroux qu'on me donne
Mon cœur a trop fû me trahir;
Dire qu'on ne fauroit hair,
N'eft-ce pas dire qu'on pardonne?
JUPITE R.

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Ah! Belle Alcméne,il faut que comblé d'allégreffe...
ALC MEN E.
Laiffez. Je me veux mal de mon trop de foiblesse.

JUPITER.

Va, Sofie, & dépêche-toi,

Voi, dans les doux tranfports dont mon ame est charmée,

Ce que tu trouveras d'officiers de l'armée,

Et les invite à dîner avec moi.

(bas à part.)

Tandis que d'ici je le chaffe,
Mercure y remplira fa place.

SCENE VII.

CLEANTHIS, SOSIE.

SOSIE.

HE bien, tu vois, Cléanthis, ce ménage.

Veux-tu qu'à leur exemple, ici, Nous faffions, entre nous, un peu de paix auffi, Quelque petit rapatriage

CLEANTHIS.

C'est pour ton néz, vraiment. Cela se fait ainfi.
SOSIE.

Quoi! Tu ne veux pas ?

CLEAN THIS.
Non.

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