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CLEANT HIS à part,

Voyez s'il me viendra feulement aborder.
Mals je veux m'empêcher de rien faire paroître.
SOSIE à part.

La chofe quelque fois eft fàcheufe à connoître,
Et je tremble à la demander.

Ne vaudroit-il pas mieux, pour ne rien hazarder,
Ignorer ce qu'il en peut-être?

1

Allons, tout coup vaille, il faut voir,
Et je ne m'en faurois défendre.
La foibleffe humaine eft d'avoir
Des curiofités d'apprendre

Ce qu'on ne voudroit pas savoir.

Dieu te gard, Cléanthis.

CLEAN THIS.

Ah, ah! Tu t'en avifes,

Traître, de t'approcher de nous !
SOSIE.

Mon Dieu! Qu'as-tu? Toujours on te voit en cour

roux,

Et fur rien tu te formalifes ?

CLEAN THIS.

Qu'appelles-tu fur rien? Di?

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SOSIE.

J'appelle fur rien,

fur rien, s'appelle en vers, ainfi qu'es

Et rien, comme tu le fais bien,
Veut dire rien, ou peu de chose.
CLEAN THIS.

Je ne fais qui me tient, infâme
Que je ne t'arrache les yeux,

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Et ne t'apprenne où va le courroux d'une femme..

SOSIE.

Holà. D'où te vient donc ce transport furieux

CLEAN THIS.

Tu n'appelles donc rien le procédé peut-être,
Qu'avec moi ton cœur à tenu?

Et quel

SOSIE.

CLEANTHIS.
Quoi! Tu fais l'ingénu ?
Eft-ce qu'à l'exemple du maître,

Tu veux dire qu'ici tu n'es pas revenu ?
SOSIE.

Non, je fais fort bien le contraires
Mais je ne t'en fais pas le fin.

Nous avions bû de je ne fais quel vin,
Qui m'a fait oublier tout ce que j'ai pu faire.
CLEAN THIS.

Tu crois, peut-être, excufer par ce traît...

SOSIE.

Non, tout de bon, tu m'en peux croire

J'étois dans un état, où je puis avoir fait
Des chofes dont j'aurois regret ;

Et dont je n'ai nulle mémoire.
CLEAN THIS.
Tu ne te fouviens point du tout de la maniére
Dont tu m'as fû traiter étant venu du port?
SOSIE.

Non plus que rien; tu peux m'en faire le rapport
Je fuis équitable & fincére,
Et me condamnerai, moi-même, fi j'ai tort.

CLEANTHIS.

Comment! Amphitryon m'ayant fû difpofer
Jufqu'à ce que tu vins, j'avois pouffé ma veille
Mais je ne vis jamais une froideur pareille,
De ta femme il fallut moi-même t'avifer;
Et, lorfque je fus te baiser,

Tu détournas le néz, & me donnas l'oreille.
SOSIE,

e;

Bon.

CLEAN THIS.

Comment, bon?"

SOSIE.

Mon Dieu ! Tu ne fais pas pourquoi,
Cléanthis, je tiens ce langage.

J'avois mangé de l'ail, & fis en homme fage
De détourner un peu mon haleine de toi.
CLEAN THIS.

Je te fûs exprimer des tendreffes de cœur ;
Mais, à tous mes difcours tu fus comme une fouche;
Et jamais un mot de douceur
Ne te put fortir de la bouche.
SOSIE à part.

Courage.

CLEANTHIS.

Enfin, ma flamme eut beau s'émanciper, Sa chafte ardeur, en toi, ne trouva rien que glace; Et, dans un tel retour, je te vis la tromper Jufqu'à faire refus de prendre au lit la place, Que les loix de l'hymen t'obligent d'occuper. SOSIE.

Quoi! Je ne couchai point?

CLEAN THIS.

Non, lâche.

SOSIE.

Eft-il poffible?

CLEANTHIS.

Traître, il n'eft que trop affuré;

C'eft de tous les affronts, l'affront le plus fenfible;
Et, loin que ce matin ton cœur l'ait réparé,
Tu t'es d'avec moi féparé,

Par des discours chargés d'un mépris tout visible.
SOSIE à part

Vivat Sofie.

CLEANTHIS.

Hé quoi ! Ma plainte a cet effet ?
Turis après ce bel ouvrage ?
SOSIE.

Que je fuis de moi fatisfait !
CLEAN THIS.

Exprime-t-on ainfi le regret d'un outrage?
SOSIE.
Je n'aurois jamais cru que j'euffe été fi sage.
CLEAN THIS.

Loin de te condamner d'un fi perfide trait,
Tu m'en fais éclater la joie en ton visage.

SOSIE.

Mon Dieu ! Tout doucement. Si je parois joyeux,
Croi que j'en ai, dans l'ame, une raifon très-forte;
Et que, fans
y penfer, je ne fis jamais mieux,
Que d'en ufer tantôt avec toi de la forte.

CLEAN THIS.

Traître, te moques-tu de moi ?
SOSIE.

Non, je te parle avec franchife.

En l'état où j'étois, j'avois certain effroi,
Dont, avec ton difcours, mon ame s'eft remife.
Je m'appréhendois fort, & craignois qu'avec toi
Je n'euffe fait quelque fottife.
CLEAN THIS.

Quelle eft cette frayeur, & fachons donc pourquoi?

SOSIE.

Les médecins difent, quand on eft yvre, Que, de fa femme, on fe doit abftenir; Et que, dans cet état, il ne peut provenir Que des enfans pefans, & qui ne fauroient vivre. Voi, fi mon cœur n'eût fû de froideur fe munir, Quels inconvéniens auroient pû s'en ensuivre.

CLEAN THIS.
Je me moque des médecins
Avec leurs raifonnemens fades.
Qu'ils réglent ceux qui font malades;

Sans vouloir gouverner les gens qui font bien fains:
Ils fe mêlent de trop d'affaires,

De prétendre tenir nos chaftes feux gênés;
Et fur les jours caniculaires,

Ils nous donnent encore, avec leurs loix févéres
De cent fots contes par le néz.

Tout doux.

SOSIE.

CLEAN THIS.

Non, je foutiens que cela conclut mal; Ces raifons font raifons d'extravagantes têtes. Il n'eft ni vin, ni temps qui puiffe être fatal Aremplir le devoir de l'amour conjugal; Et les médecins font des bêtes.

SOSIE.

Contr'eux, je t'en supplie, appaise ton courroux
Ce font d'honnêtes gens, quoique le monde en dife.
CLEAN THIS.

Tu n'es pas où tu crois. Envain tu files doux.
Ton excufe n'eft point une excufe de mife;

Et je me veux venger, tôt ou tard, entre nous, De l'air dont, chaque jour, je vois qu'on me méprife.

Des difcours de tantôt je garde tous les coups,
Et tâcherai d'ufer, lâche & perfide époux,
De cette liberté que ton cœur m'a permife.

Quoi ?

SOSIE.

CLEAN THIS.

Tu m'as dit tantôt que tu confentois fort
Lâche, que j'en aimaffe un autre.
SOSIE.

Ah! Pour cet article, j'ai tort,

Je m'en dédis; il y va trop du nôtre.

Garde

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