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ALCMEN E montrant le nœud de diamans à fa

Sofie !

ceinture.

AMPHITRY ON.

Le Voici.

SOSIE tirant de fa poche un coffret.
Elle fe moque, & je le tiens ici,
Monfieur; la feinte eft inutile.
AMPHITRY ON regardant le coffret.

Le cachet eft entier.

ALCMENE préfentant à Amphitryon le

neud de diamans.

Eft-ce une vifion?

Tenez. Trouverez-vous cette preuve affez forte? AMPHITRY ON.

Ah ciel! O jufte ciel !

AL CME NE.
Allez, Amphitryon,

Vous vous moquez d'en ufer de la forte;

Et vous en devriez avoir confufion.

AMPHITRYON.

Romps vîte ce cachet.

SOSIE ayant ouvert le coffret.
Ma foi, la place eft vuide.

Il faut que, par magie, on ait fû le tirer,
Ou bien que, de lui-même, il foit venu, fans guide,
Vers celle qu'il a fû qu'on en vouloit parer.
AMPHITRY ON à part.
O Dieux, dont le pouvoir fur les chofes préfide,
Quelle eft cette aventure, & qu'en puis-je augures,
Dont mon amour ne s'intimide?
SOSIE à Amphitryon.

Si fa bouche dit vrai, nous avons même fort;
Et, de même que moi, Monfieur, vous étes double.

Tai-toi.

AMPHITRYON.

ALCMENE.

Sur quoi vous étonner fi fort,

Et d'où peut naître ce grand trouble?
AMPHITRY ON à part.

O ciel ! Quel étrange embarraş !
Je vois des incidens qui passent la nature;
Et mon honneur redoute une aventure,
Que mon efprit ne comprend pas.
AL CMEN E.

Songez-vous, en tenant cette preuve sensible
A me nier encor votre retour preffé?
AMPHITRY ON.

Non; mais, à ce retour, daignez, s'il eft poffible,
Me conter ce qui s'eft paffé.
ALCMENE.

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Puifque vous demandez un récit de la chofe
Vous voulez dire donc que ce n'étoit pas vous.
AMPHITRY ON.

Pardonnez-moi; mais j'ai certaine cause
Qui me fait demander ce récit entre nous.
AL CM EN E.

Les foucis importans, qui vous peuvent faifir
Vous ont-ils fait fi vite en perdre la mémoire ?
AMPHITRY ON.

Peut-être ; mais enfin vous me ferez plaifir
De m'en dire toute l'hiftoire.

ALC MEN E.

L'histoire n'eft pas longue. A vous je m'avançai
Pleine d'une aimable furprise;
Tendrement je vous embraffai,

Et témoignai ma joie, à plus d'une reprise.

AMPHITRY ON à part.

Ah! D'un fi doux accueil je me ferois paffé.
ALCMENE.

Vous me fîtes d'abord ce préfent d'importance,
Que du butin conquis vous m'aviez deftiné.
Votre cœur avec véhémence,

M'étala de fes feux toute la violence,

Et les foins importuns qui l'avoient enchaîné,
L'aife de me revoir, les tourmens de l'abfence,
Tout le fouci que fon impatience,

Pour le retour s'étoit donné,

Et jamais votre amour, en pareille occurence
Ne me parut fi tendre & fi paffionné.

AMPHITRY ON à part.

Peut-on plus vivement fe voir affaffiné?
ALCME NE.

Tous ces tranfports, toute cette tendreffe, Comme vous croyez bien, ne me déplaifoient pas ; Et s'il faut que je le confefle,

Mon cœur, Amphitryon, y trouvoit mille appas. AMPHITRY ON,

Enfuite, s'il vous plaît ?

AL CMEN E.

1

Nous nous entrecoupâmes De mille queftions qui pouvoient nous toucher. On fervit. Tête à tête, enfemble nous foupâmes 3 Et, le foupé fini, nous nous fûmes coucher. AMPHITRYON.

Enfemble?

ALCMEN E.

Affurément. Quelle eft cette demande ?
AMPHITRYON à part.

Ah! C'eft ici le coup le plus cruel de tous
Et dont à s'affurer trembloit mon feu jaloux.
AL CMEN E.

D'où vous vient, à ce mot une rougeur fi grande?
Ai-je fait quelque mal de coucher avec vous?

AMPHITRY ON.

Non ce n'étoit pas moi, pour ma douleur fenfibles
Et qui dit qu'hier ici mes pas fe font portés,

Dit, de toutes les fauffetés,
La fauffeté la plus horrible.
AL CMEN E.

Amphitryon!

AMPHITRY ON.

Perfide!

AL CMENE.

Ah! Quel emportement ?

AMPHITRYON.

Non, non, plus de douceur & plus de déférence.
Ce revers vient à bout de toute ma conftance;
Et mon cœur ne retpire en ce fatal moment,
Et que fureur, & que vengeance.
ALCMEN E.

De qui donc vous venger? & quel manque de foi
Vous fait ici me traiter de coupable?

AMPHITRYON.

Je ne fais pas; mais ce n'étoit pas moi,
Et c'est un défefpoir, qui de tout rend capable.
AL CMEN E.
Allez, indigne époux, le fait parle de foi ;
Et l'impofture eft effroyable.

C'eft trop me pouffer là-deffus,
Et d'infidélité me trop voir condamnée.

Si vous cherchez, dans ces transports confus,
Un prétexte à brifer les nœuds d'un hyménée
Qui me tient à vous enchaînée

Tous ces détours font fuperflus;
Et me voilà déterminée

A fouffrir qu'en ce jour nos liens foient rompus.
AMPHITRYON.

Après l'indigne affront que l'on me fait connoître,
C'eft bien à quoi, fans doute, il faut vous préparer.
C'est le moins qu'on doit voir; & les chofes peut-

être,

Pourront n'en pas là demeurer. Le déshonneur eft fûr, mon malheur m'eft visible, Et mon amour en vain voudroit me l'obscurcir. Mais le détail encor ne m'en eft pas fenfible; Et mon jufte courroux prétend s'en éclaircir.

Votre frere déjà peut hautement répondre,
Que, jufqu'à ce matin, je ne l'ai point quitté,
Je m'en vais le chercher, afin de vous confondre
Sur ce retour qui m'eft fauffement imputé.
Après, nous percerons jufqu'au fond d'un mystére,
Jufques à préfent inoui;

Et, dans les mouvemens d'une jufte colére,
Malheur à qui m'aura trahi.

SOSIE.

Monfieur...

AMPHITRYON.

Ne m'accompagne pas,

Et demeure ici pour m'attendre.
CLEAN THIS à Aleméne.

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puis rien entendre.

Laiffe-moi feule, & ne fui point mes pas.

SCENE I I I.

CLEANTHIS, SOSIE.

CLEANTHIS à part.

Il faut que quelque chofe ait brouillé fa cervelle ;

Mais le frere fur le champ
Finira cette querelle.

SOSIE à part.

C'eft ici, pour mon maître, un coup affez touchant; Et fon aventure eft cruelle.

Je crains fort, pour mon fait, quelque chofe approchant;

Et je m'en veux, tout doux, éclaircir avec elle.

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