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longueur eft de foixante toifes fur quarante de large. Dans fon milieu, il y a une infinité de jets d'eau qui, réunis ensemble, font une gerbe d'une hauteur & d'une groffeur extraordinaire.

A coté de la grande allée royale, il y en a deux autres qui en font éloignées d'environ deux cens pas; celle qui eft à droit en montant vers le château, s'appelle l'allée du Roi, & celle qui eft à gauche, l'allée des prés. Ces trois allées font traverfées par une autre qui fe termine à deux grilles qui font la clôture du petit parc. Les deux allées des côtés & celle qui les traverse ont cinq toifes de large; mais, à l'endroit où elles fe rencontrent, elles forment un grand efpace qui a plus de treize toifes en quarré. C'eft dans cet endroit de l'allée du Roi, que le fieur Vigarani avoit difpofé le lieu de la comédie. Le théatre qui avançoit un peu dans le quarré de la place, s'enfon çoit de dix toifes dans l'allée qui monte vers le château, & laiffoit pour la falle un efpace de treize toifes de face, fur neuf de large.

L'exhauffement de ce falon étoit de trente piéds jufqu'à la corniche, d'où les côtés du platfonds s'élevoient encore de huit piéds jufques au dernier enfoncement. Il étoit couvert de feuillée par dehors ; &,

par dedans, paré de riches tapifferies que le Sieur du Metz, intendant des meubles de la couronne, avoit pris foin de faire difpofer de la maniére la plus belle & la plus convenable pour la décoration de ce lieu. Du haut du platfonds pendoient trente-deux chandeliers de cristal, portant chacun dix bougies de cire blanche. Autour de la falle étoient plufieurs fiéges difpofés en amphithéatre, remplis de plus de douze cent perfonnes ; &, dans le parterre, il y avoit encore fur des bancs une plus grande quantité de monde. Cette falle étoit percée par deux grandes arcades, dont l'une étoit vis-à-vis du théatre, & l'autre, du côté qui va vers la grande allée. L'ouverture du théatre étoit de trente-fix piéds, &, de chaque cô Tome V

té, il y avoit deux grandes colonnes torfes de bronze & de lapis, environnées de branches & de feuilles de vignes d'or; elles étoient pofées fur des piédestaux de marbre, & portoient une grande corniche auffi de marbre, dans le milieu de laquelle on voyoit les armes du Roi fur un cartouche doré accompagné de trophées; l'architecture étoit d'ordre Ionique. Entre chaque colonne il y avoit une figure; celle qui étoit à droit repréfentoit la Paix, & celle qui étoit à gauche figuroit la victoire, pour montrer que fa Majefté eft toujours en état de faire que fes peuples jouillent d'une paix heureuse & pleine d'abondance, en établiffant le repos dans l'Europe, ou d'une victoire glorieufe & remplie de joie, quand elle eft obligée de prendre les armes pour foutenir fes droits.

Lorfque leurs Majeftés furent arrivées dans ce lieu, dont la grandeur & la magnificence surprirent toute la cour, & quand elles eurent pris leurs places fous le haut dais qui étoit au milieu du parterre, on leva la toile qui cachoit la décoration du théâtre;& alors, les yeux fe trouvant tout-a-fait trompés, l'on crut voir effectivement un jardin d'une beauté extraordinaire.

A l'entrée de ce jardin, l'on découvroit deux paliffades fi ingénieufement moulées qu'elles formoient un ordre d'architecture, dont la corniche étoit foutenue par quatre termes qui repréfentoient des Satyres. La partie d'en bas de ces termes, & ce qu'on appelle guaine étoit de jaspe, & le reste de bronze doré. Ces Satyres portoient fur leurs têtes des corbeilles pleines de fleurs ; &, fur les piédestaux de marbre qui foutenoient ces mêmes termes, il y avoit de grands vafes dorés auffi remplis de fleurs.

Un peu plus loin, paroiffoient deux terraffes revêtues de marbre blanc qui environnoient un long canal. Au bord de ces terraffes, il y avoit des marques dorés qui vomiffoient de l'eau dans le canal; &, au deffus de ces mafques, on voyoit des vales de bronze

doré, d'où fortoient auffi autant de véritables jets d'eau.

On montoit fur ces terraffes par trois degrés, & fur la même ligne où étoient rangés les termes, il y a voit d'un côté & d'autre, une allée de grands arbres entre lefquels paroiffoient des cabinets d'une architecture ruftique. Chaque cabinet couvroit un grand baffin de marbre foutenu fur un piédeftal de même matiére, & de ces baffins fortoient autant de jets d'eau.

Le bout du canal le plus proche étoit bordé de douze jets d'eau qui formoient autant de chandeliers ; &, à l'autre extrémité, on voyoit un fuperbe édifice en forme de dôme. Il étoit percé de trois grands portiques au travers defquels on découvroit une grande étendue de pays.

D'abord l'on vit fur le théatre une collation magnifique d'oranges de Portugal, & de toutes fortes de fruits chargés à fond & en pyramides dans trente-fix corbeilles qui furent fervies à toute la cour par le maréchal de Bellefonds, & par plufieurs Seigneurs, pendant que le Sieur de Launay, intendant des menus plaifirs & affaires de la chambre, donnoit de tous côtés des imprimés qui contenoient le fujet de la comédie & du ballet.

Bien que la piéce qu'on repréfenta doive être confidérée comme un impromptu & un de ces ouvrages où la néceffité de fatisfaire fur le champ aux volontés du Roi ne donne pas toujours le loifir d'y apporter la derniére main, & d'en former les derniers traits, néanmoins il eft certain qu'elle eft compofée departies fi diverfifiées & fi agréables qu'on peut dire qu'il n'en a guére paru fur le théatre de plus capable de fatisfaire tout enfemble l'oreille & les yeux des fpectateurs. La profe dont on s'eft fervi eft un langage trèspropre pour l'action qu'on repréfente; & les vers qui fe chantent entre les actes de la comédie conviennent si bien au sujet & expriment fi tendrement les paffions

dont ceux qui les récitent doivent être émûs, qu'il n'y a jamais rien eu de plus touchant. Quoiqu'il femble que ce foient deux comédies que l'on joue en même temps, dont l'une foit en profe & l'autre en vers, elles font pourtant si bien unies à un même sujet qu'elles ne font qu'une même piéce, & ne représéntent qu'une feule action.

A

'ACTEURS DES INTERMEDES de la Comédie de George Dandin.

GEORGE DANDIN.

BERGERS danfans, déguisés en valets de fête.. BERGER S jouant de la flûte.

CLIMENE, bergére chantante.

CLORIS, bergère chantante.

TIRCIS, berger chantant, amant de Climéne.
PHILENE, berger chantant, amant de Cloris.
UNE BERGERE.

BATELIERS, danfans.

UN PAYSAN, ami de George Dandin.
CHŒUR DE BERGERS, chantans.
BERGERS & BERGERES, danfans.
UN SATYRE, chantant.

UN SUIVANT DE BACCHUS, chantant,
CHOUR DE SUIVANS DE BACCHUS, chan-

tans.

CHŒUR DE SUIVANS DE L'AMOUR,chan

tans.

UN BERGER, chantant.

SUIVANS DE BACCHUS & BACCHANTES, danfans.

SUIVANS DE L'AMOUR, danfans.

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Damiania wave eve INTERMEDES

DE LA COMÉDIE

DE GEORGE DANDIN.

PREMIER INTERMEDE.

SCENE PREMIERE.

GEORGE DANDIN, BERGERS, guifés en valets de fête, BERGERS jouant de la flute.

PREMIERE

ENTREE.

Quatre bergers déguisés en valets de fête, accompagnés de quatre bergers jouant de la flûte, entrent en danfant, & obligent George Dandín de danfer avec

сих.

George Dandin

mal fatisfait de fon mariage, & n'ayant l'efprit rempli que de fâcheufes penfees. quitte bien-tôt les bergers avec lefquels il n'a demeu ré que par contrainte,

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