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chaleur de leur reffentiment. C'eft par là que je trou verai moyen de me venger de vous, & je ne fuis pas la premiére qui ait fû recourir à de pareilles vengeances, qui n'ait pas fait difficulté de fe donner la mort, pour perdre ceux qui ont la cruauté de nous pouffer à la derniére extrémité.

GEORGE DANDIN.

Je fuis votre valet. On ne s'avife plus de fe tuer foi-même ; & la mode en eft paffée il y a long-temps. ANGELIQUE.

C'est une chofe dont vous pouvez vous tenir fûr; &, fi vous perfiftez dans votre refus, fi vous ne me faites ouvrir, je vous jure que, tout-à-l'heure, je vais vous faire voir jufque où peut aller la réfolution d'une perfonne qu'on met au désespoir.

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Bagatelles, bagatelles, c'eft pour me faire peur.

ANGELIQUE.

Hé bien, puifqu'il le faut, voici qui nous contentera tous deux, & montrera fi je me moque.

(Aprés avoir fait femblant de fe tuer.) Ah! C'en eft fait. Faffe le ciel que ma mort foit vengée comme je le fouhaite, & que celui qui en eft la caufe, reçoive un jufte châtiment de la dureté qu'il a eue pour moi !

GEORGE

DANDIN.

Ouais! Seroit-elle bien fi malicieufe, que de s'être tuée pour me faire pendre? Prenons un bout de chandelle pour aller voir.

SCENE I X.

ANGELIQUE, CLAUDINE.

ST.

ANGELIQUE à Claudine.

T. Paix. Rangeons-nous chacune immédiatement
contre un des côtés de la
porte.

SCENE X.

ANGELIQUE & CLAUDINE entrant dans la maison, au moment que George Dandin en fort, & fermant la porte en dedans, GEORGE DANDIN une chandelle à la main.

L

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A méchanceté d'une femme iroit-elle bien jufques-là?

(feul, après avoir regardé par tout.) Il n'y a perfonne. Hé, je m'en étois bien douté, & la pendarde s'eft retirée, voyant qu'elle ne gagnoit rien après moi, ni par prières, ni par menaces. Tant mieux, cela rendra fes affaires encore plus mauvaifes; & le pere & la mere qui vont venir, en verront mieux fon crime.

(après avoir été à la porte de fa maison pour rentrer.) Ah, ah! La porte s'eft fermée. Holà, oh, quelqu'un qu'on m'ouvre promptement.

SCENE X I.

ANGELIQUE & CLAUDINE à la fenê tre, GEORGE DANDIN.

ANGELIQUE.

Omment! C'eft toi? D'où viens-tu,

bon

Cendard? Eft-il l'heure de revenir chez foi, quand le jour est prêt de paroître, & cette maniére de vie eft-elle celle que doit fuivre un honnête mari?

CLAUDINE.

Cela eft-il beau d'aller yvrogner toute la nuit, & de laiffer ainfi toute feule une pauvre jeune femme dans la maison?

GEORGE DANDIN,

Comment! Vous avez.

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ANGELIQUE.

Va, va, traître, je fuis laffe de tes déportemens, & je veux m'en plaindre, fans plus tarder, à mon pere & à ma mere.

GEORGE DANDIN.

Quoi! C'eft ainfi que vous ofez....

SCENE XII.

MONSIEUR DE SOTENVILLE & MADAME DE SOTENVILLE en déshabillé de nuit, COLIN portant une Lanterne, ANGELIQUE & CLAUDINE à la fenêtre, GEORGE DANDIN.

ANGELIQUE à M. & Madame de Sotenville. Pprochez, de grace, & venez me faire raifon A de l'infolence la plus grande du monde, d'un

mari à qui le vin & la jaloufie ont troublé, de telle forte, la cervelle, qu'il ne fait plus ni ce qu'il dit', ni ce qu'il fait ; & vous a lui- nême envoyé quérir pour vous faire témoins de l'extravagance la plus étrange dont on ait jamais ouï parler. Le voilà qui revient, comme vous voyez, après s'être fait attendre toute la nuit ; &, fi vous voulez l'écouter, il vous dira qu'il a les plus grandes plaintes du monde à vous faire de moi, que, durant qu'il dormoit, je me fuis dérobée d'auprès de lui pour m'en aller courir, & cent autres contes de même nature qu'il eft allé rèver.

GEORGE DANDIN à part.

Voilà une méchante carogne.

CLAUDINE.

Oui, il nous a voulu faire accroire qu'il étoit dans la maifon, & que nous étions dehors; & c'eft une folie qu'il n'y a pas moyen de lui ôter de la tête. M. DE SOTENVILLE.

Comment! Qu'eft-ce à dire cela?

Madame D E SOTENVILLE.

Voilà une furieufe impudence, que de nous envoyer

querir.

GEORGE DANDIN.

Jamais..

....

ANGELIQUE.

Non, mon pere, je ne puis plus fouffrir un mari de la forte, ma patience est pouffée à bout; & il vient de me dire cent paroles injurieufes.

M. DE SOTENVILLEà George Dandin. Corbleu, vous étes un mal-honnête homme.

CLAUDINE.

C'est une confcience de voir une pauvre jeune femme traitée de la façon, & cela crie vengeance au

ciel.

GEORGE DANDIN.

Peut-on...

M. DE SOTENVILLE.

Allez, vous devriez mourir de honte.

GEORGE DANDIN.

Laiffez-moi vous dire deux mots.

ANGELIQUE.

Vous n'avez qu'à l'écouter, il va vous en conter de belles.

GEORGE DANDIN à part.

Je défefpére.

CLAUDINE.

Il a tant bû, que je ne pense pas qu'on puiffe durer contre lui; l'odeur du vin qu'il fouffle eft montée jufqu'à nous.

GEORGE DANDIN.

Monfieur, mon beau-pere, je vous conjure...
M. DE SOTENVILLE.

Retirez-vous, vous puez le vin à pleine bouche.
GEORGE DANDIN.

Madame, je vous prie...

Madame DE SOTENVILLE.

Fi, ne m'approchez pas, votre haleine eft empeftée. GEORGE DANDIN à M. de Sotenville.

Souffrez que je vous . . .

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