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SCENE VII.

GEORGE DANDIN, LUBIN.

GEORGE DANDIN bas à part.

Oici mon homme de tantôt. Plût au ciel qu'il

V pût le réfoudre à vouloir rendre témoignage au

pere & à la mere de ce qu'il ne veulent point croire. LUBIN.

Ah! Vous voilà, Monfieur le babillard, à qui j'avois tant recommandé de ne point parler, & qui me l'aviez tant promis. Vous étes donc un caufeur, & vous allez redire ce que l'on vous dit en fecret. GEORGE DANDIN.

Moi ?

LUBIN.

Oui. Vous avez été tout rapporter au mari, & vous étes caufe qu'il a fait du vacarme. Je fuis bien aife de favoir que vous avez de la langue, & cela m'appren dra à ne vous plus rien dire.

GEORGE DANDIN.

Ecoute, mon ami.

LUBIN.

Si vous n'aviez point babillé, je vous aurois conté ce qui fe paffe à cette heure; mais, pour votre pu nition, vous ne faurez rien du tout.

GEORGE DANDIN. Comment ? Qu'est-ce qui ce paffe? LUBIN.

Rien, rien. Voilà ce que c'eft' d'avoir caufé; vous n'en tâterez plus, & je vous laiffe fur la bonne bou che.

GEORGE DANDIN.

Arrête un peu.
Tome V.

V

Point.

LUBIN.

GEORGE DANDIN.

Je ne te veux dire qu'un mot.

LUBIN.

Nennin, nennin. Vous avez envie de me tirer les vers

du néz,

Non,

GEORGE DANDIN.

ce n'eft pas cela.

LUBIN.

Hé, quelque fot. Je vous vois venir.

GEORGE DANDIN.

C'eft autre chofe. Ecoute.

LUBIN.

Point d'affaire. Vous voudriez que je vous diffe que Monfieur le Vicomte vient de donner de l'argent à Claudine, & qu'elle l'a mené chez fa maîtreffe. Mais je ne fuis pas fi bête.

GEORGE DANDIN.

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GEORGE DANDIN feul.

E n'ai pû me fervir, avec cet innocent, de la per fée que j'avois. Mais le nouvel avis qui lui ef échappé feroit la même chofe ; &, fi le galant eft chez moi, ce feroit pour avoir raifon aux yeux du

pere & de la mere, & les convaincre pleinement de l'effronterie de leur fille. Le mal de tout ceci, c'est que je ne fais comment faire pour profiter de cet avis. Si je rentre chez moi, je ferai évader le drôle ; &, quelque chofe que je puiffe voir, moi-même, de mon déshonneur, je n'en ferai point crû à mon ferment, & l'on me dira que je rêve. Si, d'autre part, je vais querir beau-pere & belle-mere, fans être für de trouver chez moi le galant, ce fera la même chose; & je retomberai dans l'inconvénient de tantôt. Pourrois-je point m'éclaircir doucement, s'il y eft encore? (Après avoir été regarder par le trou de la ferrure.) Ah, ciel ! Il n'en faut plus douter, & je viens de l'appercevoir par le trou de la porte. Le fort me donne ici de quoi confondre ma partie; &, pour achever l'aventure, il fait venir, à point nommé, les juges dont j'avois befoin.

SCENE I X.

MONSIEUR DE SOTENVILLE, MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.

E

GEORGE DANDI N.

Nfin, vous ne m'avez pas voulu croire tantôt, & votre fille l'a emporté fur moi; mais j'ai en main de quoi vous faire voir comme elle m'accommode; &, Dieu merci, mon déshonneur eft fi clair maintenant, que vous n'en pourrez plus douter.

M. DE SOTENVILLE. Comment mon gendre, vous en étés encore làdeffus à

GEORGE DANDIN.

Oui, j'y fuis; & jamais je n'eus tant de sujet d'y être.

Madame D E SOTENVILLE. Vous nous venez encore étourdir la tête ?

GEORGE DANDIN.

Oui, Madame; & l'on fait bien pis à la mienne. M. DE SOTENVILLE.

Ne vous laffez-vous point de vous rendre importun?
GEORGE DANDIN.

Non. Mais je me laffe fort d'être pris pour dupe.
Madame D E SOTEN VILLE.

Ne voulez-vous point vous défaire de vos pensées extravagantes?

GEORGE DAND IN.

Non, Madame; mais je voudrois bien me défaire d'une femme qui me déshonore.

Madame D E SOTENVILLE.

Jour de Dieu, notre gendre, apprenez à parler.
M. DE SOTENVILLE.

Corbleu, cherchez des termes moins offenfans que ceux-là.

GEORGE DANDIN.

Marchand qui perd, ne peut rire.

Madame DESOTENVILLE. Souvenez-vous que vous avez épousé une Demoi

felle.

GEORGE DANDIN.

Je m'en fouviens affez; & ne m'en fouviendrai que trop.

M. DE SOTENVILLE. Si vous vous en fouvenez, fongez donc à parler d'elle avec plus de refpect.

GEORGE DANDIN. Mais que ne fonge-t-elle plutôt à me traiter plus honnêtement? Quoi ? Parce qu'elle eft Demoiselle, il faut qu'elle ait la liberté de me faire ce qui lui plaît, fans que j'ose souffler ?

M. DE SOTENVILLE.

Qu'avez-vous donc, & que pouvez-vous dire ? N'avez vous pas vû ce matin qu'elle s'eft défendue de connoître celui dont vous m'étiez venu parler ? GEORGE DANDIN.

Oui. Mais, vous, que pourrez-vous dire, fi je vous fais voir maintenant que le galant eft avec elle? Madame DESOTEN VILLE.

Avec elle?

GEORGE

DANDIN.

Oui, avec elle, & dans ma maison.

M. DE SOTEN VILLE.

Dans votre maison?

GEORGE DANDIN.

Oui, dans ma propre maifon.

Madame D E SOTENVILLE. Si cela eft, nous ferons pour vous contr'elle. M. DE SOTENVILLE.

Oui. L'honneur de notre famille nous eft plus cher que toute chofe ; &, fi vous dites vrai, nous la renoncerons pour notre fang, & l'abandonnerons à vatre colére.

GEORGE DANDIN.

Vous n'avez qu'à me fuivre.

Madame D E SOTENVILLE. Gardez de vous tromper.

M. DE SOTENVILLE.

N'allez pas faire comme tantôt.

GEORGE DANDIN.

Mon Dieu ! Vous allez voir. ( montrant Clitandre qui fort avec Angélique. ) Tenez. Ai-je menti ?

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