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on doit porter toute forte de refpe&t; & que c'eft fort mal fait à vous d'en user comme vous faites.

(Angélique fait figne de la tête à Clitandre.) Oui, oui, mal fait à vous, & vous n'avez que faire de hocher la tête, & de me faire la grimace. ANGELIQUE.

Moi? Je ne fais ce que vous voulez dire.

GEORGE DANDIN. Je le fais fort bien, moi; & vos mépris me font connus. Si je ne suis pas né noble, au moins fuisje d'une race où il n'y a point de reproche ; & la famille des Dandins...

CLIT ANDRE derrière Angélique, fans étre apperçu de George Dandin.

Ur moment d'entretien.

GEORGE DANDIN fans voir Clitandre.

Hé?

ANGELIQUE.

Quoi? Je ne dis mot.

(George Dandin tourne autour de fa femme, & Cli tandre fe retire , en faisant une grande révérence è George Dandin.)

SCENE I V.

GEORGE DANDIN, ANGELIQUE.

GEORGE DANDIN.

LE voilà qui vient roder autour de vous.

ANGELIQUE.

Hé bien? Est-ce ma faute? Que voulez-vous que j'y faffe?

GEORGE DANDIN. Je veux que vous y faffiez ce que fait une femme qui ne veut plaire qu'à fon mari. Quoi qu'on en puifle dire, les galans n'obfédent jamais que quand

on le veut bien; il y a un certain air doucereux qui les attire, ainfi que le miel fait les mouches; & les honnêtes femmes ont des maniéres qui les favent chaffer d'abord.

ANGELI Q U E. Moi, les chaffer? Et par quelle raifon? Je ne me fcandalife point qu'on me trouve bien faite, & cela me fait du plaifir.

GEORGE DANDIN.

Oui? Mais quel perfonnage voulez-vous que joue un mari pendant cette galanterie ?

ANGELIQUE.

Le perfonnage d'un honnête homme, qui eft bien aife de voir fa femme confidérée.

GEORGE DANDIN. Je fuis votre valet. Ce n'eft pas là mon compte, & les Dandins ne font point accoûtumés à cette mode là.

ANGELIQUE.

Oh, les Dandins s'y accoûtumeront, s'ils veulent; car, pour moi, je vous déclare que mon deffein n'eft pas de renoncer au monde, & de m'enterrer toute vive dans un mari. Comment ? Parce qu'un homme s'avife de nous époufer, il faut d'abord que toutes chofes foient finies pour nous, & que nous rompions tout commerce avec les vivans? C'eft une chofe merveilleufe que cette tyrannie de Meffieurs les maris, & je les trouve bons de vouloir qu'on foit morte à tous les divertiffemens, & qu'on ne vive que pour eux. Je me moque de cela, & ne veux point mourir fi jeune.

GEORGE DANDIN. C'eft ainfi que vous fatisfaites aux engagemens de la foi que vous m'avez donnée publiquement? ANGELIQUE.

Moi ? Je ne vous l'ai point donnée de hon cœur, & vous me l'avez arrachée. M'avez-vous, avant le mariage, demandé mon consentement, & fi je vou

lois bien de vous? Vous n'avez confulté pour cela que mon pere & ma mere, ce font eux, propre ment, qui vous ont époufé; & c'eft pourquoi vous ferez bien de vous plaindre toujours à eux des torts que l'on pourra vous faire. Pour moi, qui ne vous ai point dit de vous marier avec moi, & que vous avez prife fans confulter mes fentimens, je prétens n'être point obligée à me foumettre en efclave à vos volontés; & je veux jouïr, s'il vous plaît, de quelque nombre de beaux jours, que m'offre la jeuneffe, prendre les douces libertés que l'âge me permet, voir un peu le beau monde ; & goûter le plaifir de m'ouïr dire des douceurs. Préparez-vous-y pour votre punition; & rendez graces au ciel de ce que je ne fuis pas capable de quelque chofe de pis. GEORGE DANDIN.

Oui? C'eft ainfi que vous le prenez ? Je fuis votre mari, & je vous dis que je n'entens pas cela.

ANGELIQUE.

Moi, je fuis votre femme, & je vous dis que je l'en

tens.

GEORGE DANDIN à part.

Il me prend des tentations d'accommoder tout fon vifage à la compote, & le mettre en état de ne plaire de fa vie aux difeurs de fleurettes. Ah! Allons, George Dandin; je ne pourrois me retenir, & il vaut mieux quitter la place.

SCENE V.

ANGELIQUE, CLAUDINE.

CLAUDINE.

'Avois, Madame, impatience qu'il s'en allât pour

J'Avois

vous rendre ce mot de la part que vous favez,

Voyons.

ANGELIQUE.

CLAUDINE à part.

A ce que je puis remarquer, ce qu'on lui écrit ne lui déplaît pas trop.

ANGELIQUE.

Ah! Claudine, que ce billet s'explique d'une façon galante! Que, dans tous leurs difcours, & dans toutes leurs actions, les gens de cour ont un air agréable! Et qu'est-ce que c'eft, auprès d'eux, que nos gens de province ?

CLAUDIN E.

Je crois qu'après les avoir vûs, les Dandins ne vous plaisent guéres.

ANGELIQUE.

Demeure ici, je m'en vais faire la réponse.

CLAUDIN E feule..

Je n'ai pas befoin , que je penfe, de lui recomman der de la faire agréable. Mais voici...

SCENE V I.

CLITANDRE, LUBIN, CLAUDINE.

CLAUDIN E.

Raiment, Monfieur, vous avez pris là un had bile meffager.

CLITAN DRE.

Je n'ai pas ofé envoyer de mes gens; mais, ma pauvre Claudine, il faut que je te récompense des bons offices que je fais que tu m'as rendus.

(Il fouille dans fa poche.)

CLAUDIN E.

Hé! Monfieur, il n'est pas néceffaire. Non, Monfieur, vous n'avez que faire de vous donner cette

peine-là; & je vous rens fervice, parce que vous le méritez, & que je me fens au cœur de l'inclination pour vous.

CLITANDRE donnant de l'argent à Claudine, Je te fuis obligé.

LUBIN à Claudine.

Puifque nous ferons mariés, donne-moi cela que je le mette avec le mien.

CLAUDINE.

Je te le garde auffi-bien que le baiser.

CLITANDRE à Claudine.

Di-moi, as-tu rendu mon billet à ta belle maîtreffe?

CLAUDINE..

Oui. Elle est allée y répondre.

CLIT ANDRE.

Mais, Claudine, n'y a-t-il pas moyen que je la puiffe entretenir?

CLAUDINE.

Oui, venez avec moi, je vous ferai parler à elle. CLITAN DR E.

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Mais le trouvera-t-elle bon & n'y a-t-il rien à rifquer?

CLAUDINE.

Non, non. Son mari n'eft pas au logis ; &, puis, ce n'eft pas lui qu'elle a le plus à ménager; c'eft fon pere & fa mere; & pourvû qu'ils foient préve nus, tout le reste n'est pas à craindre.

CLITANDRE.

Je m'abandonne à ta conduite.

LUBIN feul.

Teftiguenne, que j'aurai là une habile femme! Elle

a de l'efprit comme quatre.

SCENE

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