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monde, que de te prendre pour fon ambassadeur ; & il s'eft allé fervir là d'un homme bien chanceux. LUBIN.

Va, une autrefois, je ferai plus fin; & je prendraž mieux garde à moi.

CLAUDINE.

Oui, oui, il fera temps.

Ne parlons plus de cela. Ecoute.

Que veux-tu que j'écoute?

Tourne un peu ton vifage devers moi.

LUBIN.

CLAUDINE.

LUBIN.

CLAUDINE.

Hé bien, qu'est-ce?

LUBIN.

Claudine.

Quoi ?

CLAUDINE.

LUBIN.

Hé, là, ne fais-tu pas bien ce que je veux dire

Non.

CLAUDINE.

LUBIN.

Morgué, je t'aime.

CLAUDINE.

Tout de bon ?

LUBIN.

Oui, le diable m'emporte; tu me peux croire, puifque j'en jure.

CLAUDINE.

A la bonne heure.

LUBIN.

Je me fens tout tribouiller le cœur quand je te regarde.

CLAUDINE.

Je m'en réjouïs.

LUBIN.

Comment eft-ce que tu fais pour être fi jolie?
CLAUDIN E.

Je fais comme font les autres.

LUBIN.

pour

Vois-tu, il ne faut point tant de beurre faire
un quarteron. Si tu veux, tu feras ma femme, je
ferai ton mari; & nous ferons tous deux mari &
femme.

CLAUDINE.
Tu ferois peut-être jaloux comme notre maître.
LUBIN.

Point.

CLAUDINE.

Pour moi, je hais les maris foupçonneux; & j'en veux un qui ne s'épouvante de rien, un fi plein de confiance, & fi fûr de ma chafteté, qu'il me vît, fans inquiétude, au milieu de trente hommes.

LUBIN.
Hé bien, je ferai tout comme cela.

CLAUDINE.

C'eft la plus fotte chose du monde que de fe défier d'une femme & de la tourmenter. La vérité de l'affaire eft qu'on n'y gagne rien de bon, cela nous fait fonger å mal; & ce font fouvent les maris, qui, avec leurs vacarmes, fe font eux-mêmes ce qu'ils font.

LUBIN.

Hé bien, je te donnerai la liberté de faire tout ce qu'il te plaira.

CLAUDINE. Voilà comme il faut faire pour n'être point trompé. Lorsqu'un mari se met à notre difcrétion, nous ne prenons de liberté que ce qu'il nous en faut ; & il en eft, comme avec ceux qui nous ouvrent leur bourfe, & nous difent, prenez. Nous en ufons honnêtement; & nous nous contentons de la raifon. Mais ceux qui nous chicanent, nous nous efforçons

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forçons de les tondre, & nous ne les épargnons

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Va, je ferai de ceux qui ouvrent leur bourse, & tu n'as qu'à te marier avec moi.

CLAUDINE.

Hé bien bien, nous verrons.

LUBIN.

Vien donc ici, Claudine.

CLAUDINE.

Que veux-tu ?

LUBIN.

Vien, te dis-je LA U DINE.

Ah! Doucement. Je n'aime pas les patineurs.
LUBIN.

Hé ! Un petit brin d'amitié.

CLAUDINE.

Laiffe-moi-là, te dis-je, je n'entens pas raillerie.

Claudine.

Hai!

LUBIN.

CLAUDIN E repoussant Lubin.

t

LUBIN.

Ah! Que tu es rude à pauvres gens ! Fi, que cela eft malhonnête de refufer les perfonnes ! N'as-tu point de honte d'être belle, & de ne vouloir pas qu'on te careffe? Hé, là.

CLAUDINE.

Je te donnerai fur le néz.

LUBIN.

Oh! La farouche! La fauvage! Fi, pouas, la vilaine qui eft cruelle.

CLAUDINE.

Tu t'émancipes trop.

LUBIN.

Qu'est-ce que cela te coûteroit de me laiffer faire ?

Tome V.

T

CLAUDINE.

Il faut que tu te donnes patience.

LUBIN.

Un petit baiser feulement, en rabattant sur notre

mariage.

CLAUDINE.

Je fuis votre fervante.

LUBIN.

Claudine, je t'en prie, sur l'& tant moins.

CLAUDINE.

Hé, que nenni! J'y ai déjà été attrapée. Adieu. Va-t-en, & dis à Monfieur le vicomte que j'aurai foin de rendre fon billet.

LUBIN.

Adieu, beauté rudaniére.

CLAUDINE.

Le mot eft amoureux.

LUBIN.

Adieu, rocher, caillou, pierre de taille, & tout ce qu'il y a de plus dur au monde.

CLAUDINE feule.

Je vais remettre aux mains de ma maîtreffe... Mais la voici avec fon mari, éloignons-nous; & attendons qu'elle foit feule.

SCENE II.

GEORGE DANDIN, ANGELIQUE.

GEORGE DANDIN.

On, non, on ne m'abuse point avec tant de

N facilité, & je ne fuis que trop certain que le

rapport que l'on m'a fait eft véritable. J'ai de meilleurs yeux qu'on ne penfe, & votre galimathias ne m'a point tantôt ébloui.

SCENE III.

CLITANDRE, ANGELIQUE, GEORGE DANDIN.

CLITANDRE à part dans le fond du théatre. AH ! La voilà ; mais le mari est avec elle.

GEORGE DANDIN fans voir Clitandre. Au travers de toutes vos grimaces, j'ai vû la vérité de ce que l'on m'a dit, & le peu de respect que vous avez pour le nœud qui nous joint.

(Clitandre & Angélique fe faluent.) Mon Dieu! Laiffez-là votre révérence; ce n'eft pas de ces fortes de refpects dont je vous parle, & vous n'avez que faire de vous moquer.

ANGELIQUE. Moi, me moquer? En aucune façon.

GEORGE DANDIN.

Je fais votre penfée, & connois....

(Clitandre & Angélique fe faluent encore.) Encore? Ah! Ne raillons pas davantage. Je n'ignore pas qu'à caufe de votre nobleffe, vous me tenez fort au-deffous de vous ; & le refpect que je vous veux dire, ne regarde point ma personne. J'entens parler de celui que vous devez à des nœuds auffi vénérables que le font ceux du mariage.

(Angélique fait figne à Clitandre.)

Il ne faut point lever les épaules, & je ne dis point de fottifes.

ANGELIQUE.

Qui fonge à lever les épaules?

GEORGE DANDIN.

Mon Dieu ! nous voyons clair. Je vous dis encore une fois que le mariage eft une chaîne, à laquelle

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