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LUBIN.

Non, je n'y fuis venu que pour voir la fête de de

main.

GEORGE DANDIN.

Hé! Dites-moi un peu, s'il vous plaît, vous venez de là-dedans ?

LUBIN.

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Motus, il ne faut pas dire que vous m'ayez vû fortir

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LUBIN.

Doucement. J'ai peur qu'on ne nous écoute.
GEORGE DANDIN.

Point, point.

LUBIN.

C'eft que je viens de parler à la maîtreffe du logis de la part d'un certain Monfieur qui lui fait les doux yeux; & il ne faut pas qu'on fache cela. Entendez-vous ?

Oui.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Voilà la raifon. On m'a enchargé de prendre garde que perfonne ne me vît; & je vous prie, au moins, de ne pas dire que vous m'ayiez vû.

GEORGE DANDIN.

Je n'ai garde.

LUBIN.

Je fuis bien aife de faire les chofes fécrettement, comme on m'a recommandé.

GEORGE DANDIN.

C'est bien fait.

LUBIN.

Le mari, à ce qu'ils difent, eft un jaloux qui ne veut pas qu'on faffe l'amour à fa femme; & il feroit le diable à quatre, fi cela venoit à fes oreilles. Vous comprenez bien?

Fort bien.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Il ne faut pas qu'il fache rien de tout ceci.

GEORGE DANDIN.

Sans doute.

LUBIN.

On le veut tromper tout doucement. Vous entendez bien ?

GEORGE DANDIN.

Le mieux du monde.

LU BİN.

Si vous allez dire que vous m'avez vû fortir de chez lui, vous gâteriez toute l'affaire. Vous comprenez bien ?

GEORGE DANDIN. Affurément. Hé, comment nommez-vous celui qui vous a envoyé là-dedans ?

LUBIN.

C'eft le Seigneur de notre pays, Monfieur le vicomte de chose... Foin, je ne me fouviens jamais comment diantre ils baragouinent ce nom-là, Monfieur Cli... Clitandre.

GEORGE DANDIN. Eft-ce ce jeune courtisan, qui demeure...

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LUBIN.

Oui, auprès de ces arbres.

GEORGE DANDIN à part.

C'eft pour cela que depuis peu ce Damoifeau poli s'eft venu loger contre moi; j'avois bon néz fans doute, & fon voisinage déjà m'avoit donné quelque foupçon.

LUBIN.

Teftigué, c'eft le plus honnête homme que vous ayez jamais vû. Il m'a donné trois piéces d'or pour aller dire feulement à la femme qu'il eft amoureux d'elle, & qu'il fouhaite fort l'honneur de pouvoir lui parler. Voyez s'il y a là une fi grande fatigue pour me payer fi bien; & ce qu'eft, au prix de cela, une journée de travail, où je ne gagne que

dix fols.

GEORGE DANDIN. Hé bien? Avez-vous fait votre message?

LUBIN.

Oui. J'ai trouvé là-dedans une certaine Claudine, qui, tout du premier coup, a compris ce que je voulois, & qui m'a fait parler à fa maîtreffe.

GEORGE DANDIN à part.

Ah, coquine de fervante!

LUBIN.

Morguienne, cette Claudine-là eft tout-à-fait jolie, elle a gagné mon amitié, & il ne tiendra qu'à elle que nous ne foyons mariés ensemble.

GEORGE DANDIN.

Mais quelle réponse a fait la maîtreffe à ce Monfieur le courtisan?

LUBIN.

Elle m'a dit de lui dire....Attendez, je ne fais fi je me fouviendrai bien de tout cela, qu'elle lui eft tout-à-fait obligée de l'affection qu'il a pour elle, & qu'à caufe de fon mari qui eft fantafque, il garde d'en rien faire paroître ; & qu'il faudra fonger à

chercher quelque invention pour se pouvoir entre tenir tous deux.

GEORGE DANDIN à part.

Ah, pendarde de femme !

LUBIN.

Téftiguienne, cela fera drôle ; car le mari ne fe doutera point de la manigance, voilà ce qui eft de bon; & il aura un pied de néz avec fa jalousie. Eft-ce pas? GEORGE DANDIN.

Cela eft vrai.

LUBIN.

Adieu. Bouche coufue au moins. Gardez bien le fecret, afin que le mari ne le fache pas.

Oui, oui.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Pour moi, je vais faire femblant de rien. Je fais un fin matois, & l'on ne diroit pas que j'y touche.

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GEORGE DANDIN feul. HE bien, George Dandin, vous voyez de quel

air votre femme vous traite. Voilà ce que c'eft d'avoir voulu époufer une Demoifelle. L'on vous accommode de toutes pièces, fans que vous puiffiez Vous venger, & la gentilhommerie vous tient les bras liés. L'égalité de condition laiffe du moins à l'honneur d'un mari liberté de reffentiment; &, fi c'étoit une paysanne, vous auriez maintenant toutes vos coudées franches à vous en faire la juftice à bons coups de bàton. Mais vous avez voulu tâter de la nobleffe, & il vous ennuyoit d'être maître chez vous. Ah! J'enrage de tout mon cœur, & je

me donnerois volontiers des foufflets. Quoi! Ecouter impudemment l'amour d'un Damoiseau, & y promettre en meme temps de la correfpondance! Morbleu, je ne veux point laiffer pafter une occafion de la forte. Il me faut, de ce pas, aller faire mes plaintes au pere & à la mere; & les rendre témoins, à telle fin que de raifon, des fujets de chagrin & de reffentiment que leur fille me donne. Mais Les voici l'un & l'autre fort à propos.

SCENE I V.

MONSIEUR DE SOTENVILLE; MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN,

Q

M. DE SOTENVILLE.

U'eft-ce, mon gendre? Vous me paroiffez

tout trenblé ?

GEORGE DANDIN.

Auffi en ai-je du fujet, &...

Madame DE SOTENVILLE.

Mon Dieu, notre gendre, que vous avez peu de civil té, de ne pas faluer les gens quand vous les approchez !

GEORGE DANDIN.

Ma foi, ma belle mere, c'est que j'ai d'autres cho

fes

en tête ; &...

Madame DE SOTENVILLE. Encore? Est-il poffible, notre gendre, que vous fachiez fi peu votre monde ; & qu'il n'y ait pas moyen de vous inftruire de la maniére qu'il faut vivre parmi les perfonnes de qualité?

Comment ?

GEORGE DANDIN,

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