Page images
PDF
EPUB

MARIANE.

J'y ferai tout ce que je puis, & n'oublierai aucune chofe.

SCENE II.

HARPAGON, CLEANTE, MARIANE, ELISE, FROSINE.

HARPAGON à part, fans être apperçu.

Uais! Mon fils baife la main de fa prétendue:

O belle-mere, & fa prétendue belle-mere ne s'en

défend pas fort. Y auroit-il quelque mystére là

deffous?

Voilà mon pere.

E LIS E.

HARPAGON.

Le carroffe eft tout prêt. Vous pouvez partir quand il vous plaira.

CLEANT E.

Puifque vous n'y allez pas, mon pere, je m'en vais les conduire.

HARPAGON..

Non. Demeurez. Elles iront toutes feules; & j'ai befoin de vous.

SCENE III.

HARPAGON, CLEANTE..

HARPAGON.

R ça, intérêt de belle-mere à part, que to femble, toi, de cette perfonte

[ocr errors]

CLEAN T E.

HARPAGON.

Ce qui me femble?

Oui, de fon air, de fa taille, de fa beauté, de fon

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

A vous en parler franchement, je ne l'ai pas trou vée ici ce que je l'avois crûe. Son air eft de franche coquette, fa taille eft affez gauche, fa beauté trèsmédiocre, & fon efprit des plus communs. Ne croyez pas que ce foit, mon pere, pour vous en dégoûter; ; car, belle-mere pour belle-mere, j'aimę autant celle-là qu'une autre.

HARPAGON.

Tu lui difois tantôt pourtant...

CLEANT E.

Je lui ai dit quelques douceurs en votre nom, mais c'étoit pour vous plaire.

HARPAGON.

Si bien donc que tu n'aurois pas d'inclination pour elle?

CLEANT E.

Moi? Point du tout.

HARPAGON.

J'en fuis fâché; car cela rompt une pensée qui m'é toit venue dans l'efprit. J'ai fait, en la voyant ici, réflexion fur mon âge; & j'ai fongé qu'on pourra trouver à redire de me voir marier à une jeune perfonne. Cette confidération m'en faifoit quitter le deffein ; &, comme je l'ai fait demander, & que je fuis pour elle engagé de parole, je te l'aurois don née, fans l'averfion que tu témoignes.

A moi à

CLEANTE

[blocks in formation]

CLEANTE.

Ecoutez. Il eft vrai qu'elle n'eft pas fort à mon goût mais, pour vous faire plaifir, mon pere, je me réfoudrai à l'époufer, fi vous voulez.

HARPAGON.

Moi? Je fuis plus raisonnable que tu ne penfes. Je ne veux point forcer ton inclination.

CLEANTE.

Pardonnez-moi. Je me ferai cet effort pour l'amour

de vous.

HARPAGON.

Non, non. Un mariage ne fauroit être heureux, l'inclination n'eft pas.

CLEANT E.

ой

C'eft une chofe, mon pere, qui peut-être viendra enfuite; & l'on dit que l'amour eft souvent un fruit du mariage.

HARPAGON.

Non. Du côté de l'homme on ne doit point rifquer l'affaire, & ce font des fuites fàcheufes, où je n'ai garde de me commettre. Si tu avois fenti quelque inclination pour elle, à la bonne heure, je te l'aurois fait époufer, au lieu de moi; mais, cela n'étant pas, je fuivrai mon premier deffein, & je l'épouserai moi-même.

CLEANTE. Hé bien, mon pere, puifque les chofes font ainfi‚ il faut vous découvrir mon cœur, il faut vous révéler notre fecret. La vérité eft que je l'aime, depuis un jour que je la vis dans une promenade, que mon deffein étoit tantôt de vous la demander pour femme; & que rien ne m'a retenu, que la déclara

tion de vos fentimens, & la crainte de vous dé

[blocks in formation]

Fort bien, mais, fans favoir qui j'étois ; & c'eft ce qui a fait tantôt la furprise de Mariane.

HARPAGON.

Lui avez-vous déclaré votre paffion, & le deffein où vous étiez de l'époufer?

CLEANT E.

Sans doute; & même j'en avois fait à fa mere quel que peu d'ouverture.

HARPAGON. A-t-elle écouté, pour fa fille, votre propofition? CLEANT E.

Oui, fort civilement.

HARPAGON.

Et la fille correfpond-t-elle fort à votre amour?

CLEAN T E.

Si j'en dois croire les apparences, je me perfuade, mon pere, qu'elle a quelque bonté pour moi. HARPAGON bas à part.

Je fuis bien aife d'avoir appris un tel fecret; & voilà juftement ce que je demandois. (haut. )Or fus, mon fils, favez-vous ce qu'il y a? C'est qu'il faut fonger, s'il vous plaît, à vous défaire de votre amour à ceffer toutes vos pourfuites auprès d'une perfonne que je prétens pour moi; & à vous marier, dans peu, avec celle qu'on vous deftine.

[ocr errors]

CLEANT E.

Oui, mon pere, c'eft ainfi que vous me jouez! Hé bien, puifque les chofes en font venues-là, je vous déclare, moi, que je ne quitterai point la paffion que j'ai pour Mariane, qu'il n'y a point d'extrémité où je ne m'abandonne pour vous difputer fa conquête ; & que, fi vous avez pour vous le confentement d'une mere, j'aurai d'autres fecours, peutêtre, qui combattront pour moi.

HARPAGON.

Comment, pendard, tu as l'audace d'aller fur mes brifées ?

CLEANTE.

C'est vous qui allez fur les miennes, & je fuis le premier en date.

HARPAGON.

Ne fuis-je pas ton pere, & ne me dois-tu pas respect?

CLEAN TE.

Ce ne font point ici des chofes où les enfans foient obligés de déférer aux peres, & l'amour ne connoît perfonne.

HARPAGON.

Je te ferai bien me connoître avec de bons coups de bâten.

[blocks in formation]

Donnez-moi un bâton tout-à-l'heure.

« PreviousContinue »