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Bon. Beau début! L'efprit toujours plein de vos

charmes,

M'a voulu choifir entre tous, Pour vous donner avis du fuccès de fes armes, Et du defir qu'il a de fe voir près de vous.

Ah! Vraiment, mon pauvre Sofie,

A te revoir, j'ai de la joie au cœur.
Madame, ce m'eft trop d'honneur
Et mon deftin doit faire envie.
Bien répondu! Comment fe porte Amphitryon?
Madame, en homme de courage,

Dans les occafions où la gloire l'engage.
Fort bien. Belle conception!

Quand viendra-t-il, par fon retour charmant,
Rendre mon ame fatisfaite?

Le pluftôt qu'il pourra, Madame, affurément;
Mais bien plus tard que fon cœur ne fouhaite.
Ah! Mais quel eft l'état où la guerre l'a mis?
Que dit-il? Que fait-il? Contente un peu mon ame.
Il dit moins qu'il ne fait, Madame,
Et fait trembler les ennemis.

Pefte! Où prend mon efprit toutes ces gentilleffes
Que font les révoltés? Di-moi, quel eft leur fort?
Is n'ont pû résister, Madame, à notre effort;
Nous les avons taillés en piéces,
Mis Ptérélas leur chef à mort,
Pris Télébe d'affaut; & déjà, dans le port,
Tout retentit de nos proueffes.
Ah! Quel fuccès! O Dieux! Qui l'eût pú jamais croire!
Raconte-moi, Sofie, un tel événement.

Je le veux bien, Madame; & fans m'enfler de gloire,
Du détail de cette victoire
Je puis parler très-favamment.
Figurez-vous donc que Télébe,
Madame, eft de ce côté;

(Sofie marque les lieux fur fa main.)
C'eft une ville, en vérité,
Auffi grande quafi que Thébe.

Tome V.

B

La riviére eft comme là.
Ici nos gens fe campérent,
Et l'efpace que voilà,
Nos ennemis l'occupérent.
Sur un haut, vers cet endroit,
Etoit leur infanterie ;

Et plus bas, du côté droit,
Etoit la cavalerie.

Après avoir aux Dieux, adreffé les priéres,
Tous les ordres donnés, on donne le fignal;
Les ennemis, penfant nous tailler des croupiéres
Firent trois pelotons de leurs gens à cheval;
Mais leur chaleur par nous fut bien-tôt réprimée,
Et vous allez voir comme quoi.
Voilà notre avant-garde à bien faire animée;
Là, les archers de Créon notre roi;
Et voici le corps d'armée,

(On fait un peu de bruit.)

Qui d'abord... Attendez, le corps d'armée a peur, J'entens quelque bruit ce me femble.

SCENE I I.

MERCURE, SOSIE.

MERCURE fous la figure de Sofie, fortant de la maifon d'Amphitryon.

Schaffens de ces lieux ce caufeur,
Ous ce minois qui lui reffemble,

Dont l'abord importun troubleroit la douceur
Que nos amans goûtent enfemble.
SOSIE fans voir Mercure.

Mon cœur, tant foit peu fe raffure,
Et je penfe que ce n'eft rien.

Crainte pourtant de finiftre aventure,
Allons chez nous achever l'entretien.

MERCURE à part.

Tu feras plus fort que Mercure,
Ou je t'en empêcherai bien.
SOSIE fans voir Mercure.

Cette nuit, en longueur, me femble fans pareille.
Il faut, depuis le temps que je fuis en chemin,
Ou que mon maître ait pris le foir pour le matin,
Ou que, trop tard, au lit, le blond Phoebus fom
meille,

Pour avoir trop pris de fon vin.
MERCURE à part.
Comme avec irrévérence
Parle des Dieux ce maraud!
Mon bras faura bien tantôt
Châtier cette infolence;

Et je vais m'égayer avec lui comme il faut,
En lui volant fon nom avec fa reffemblance.
SOSIE appercevant Mercure d'un peu loin.
Ah! Par ma foi, j'avois raison;

C'eft fait de moi, chétive créature.
Je vois, devant notre maifon,
Certain homme, dont l'encolûre
Ne me préfage rien de bon.
Pour faire femblant d'affurance,
Je veux chanter un peu d'ici.
(Il chante.)

MER CURE.

Qui donc eft ce coquin qui prend tant de licence
Que de chanter, & m'étourdir ainfi ?

(A mesure que Mercure parle, la voix de Sofie s'affoiblit peu à peu.)

Veut-il qu'à l'étriller ma main un peu s'applique ?

SOSIE à part.

Cet homme, affurément, n'aime pas la mufique.

MERCURE.

Depuis plus d'une femaine,

Je n'ai trouvé perfonne à qui rompre les os;
La vigueur de mon bras fe perd dans le repos,

Et je cherche quelque dos,
Pour me remettre en haleine.
SOSIE à part.

Quel diable d'homme eft-ce-ci?

De mortelles frayeurs je fens mon ame atteinte.'
Mais pourquoi trembler tant auffi?
Peut-être a-t-il, dans l'ame, autant que moi de
crainte ;

Et que le drôle parle ainfi,

Pour me cacher fa peur, fous une audace feinte. Oui, oui, ne souffrons point qu'on nous croie un oifon.

Si je ne fuis hardi, tâchons de le paroître.

Faifons-nous du cœur par raifon. Il eft feul, comme moi; je fuis fort; j'ai bon maître Et voilà notre maison.

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D'être homme, & de parler.,

MER CURE.

Es-tu maître, ou valet ?

SOSIE.

Comme il me prend envied

MERCURE.

Où s'adreffent tes pas ?

SOSIE.

Qù j'ai deffein d'aller¿

MERCURE.

Ah! Ceci me déplaît.

SOSIE.

J'en ai l'ame ravie.
MERCURE.

Réfolument, par force, ou par amour,
Je veux favoir de toi, traître,

Ce que tu fais, d'où tu viens avant jour,
Où tu vas, à qui tu peux être.
SOSIE.

Je fais le bien & le mal tour à tour,
Je viens de là, vais là, j'appartiens à mon maître.
MER CÜR E.

Tu montres de l'efprit, & je te vois en train
De trancher avec moi de l'homme d'importance.
Il me prend un defir, pour faire connoiffance,
De te donner un foufflet de ma main.

'A moi-même ?

SOSIE.

MERCURE.

A toi-même ; & t'en voilà certain. (Mercure donne un foufflet à Sofie.) SOSIE.

Ah, ah! C'eft tout de bon ?

MERCURE.

Non, ce n'eft que pour rire,

Et répondre à tes quolibets.

SOSIE.

Tudieu ! L'ami, fans vous rien dire,
Comme vous baillez des foufflets!
MERCURE.

Ce font là de mes moindres coups,
De petits foufflets ordinaires.
SOSIE.

Sij'étois auffi prompt que vous,
Nous ferions de belles affaires.

MERCURE.

Tout cela n'eft encor rien,

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