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qu'aflés méchant Poëte, ne fuft pas bon Grammairien ; & qu'il n'y euft point d'ef prit ni d'agrément dans les ouvrages de M. Q** quoique fort éloignés dé la perfection de Virgile. J'ajoûterai mefme fur ce dernier, que dans le temps où j'écrivis contre lui, nous eftions tous deux fort jeunes, & qu'il n'avoit pas fait alors beaucoup d'ouvrages qui lui ont dans la fuite acquis une jufte reputation. Je veux bien auffi avoüer qu'il y a du genie dans les écrits de Saint Amand, de Brebeuf, de Scuderi & de plufieurs autres que j'ai critiqués, & qui font en effet d'ailleurs,auffi bien que moi, tresdignes de critique. En un mot, avec la mefme fincerité que j'ai raillé de ce qu'ils ont de blâmable, je fuis preft à convenir de ce qu'ils peuvent avoir d'excellent. Voilà, ce me femble, leur rendre justice, & faire bien voir que ce n'eft point un efprit d'envie & de médifance qui m'a fait écrire contre eux. Pour revenir à mon Edition: outre mon Remercîment à l'Academie & quelques Epigrammes que j'y ay jointes, J'ai auffi ajoûté au Poëme du Lutrin deux chants nouveaux qui en font la conclufion. Ils ne font pas, à mon avis, plus mauvais que les quatre autres chants, & je me perfuade qu'ils confoleront aifément les Le&teurs de quelques vers que j'ai retranchez à l'Episode

à l'Episode de l'Horlogere qui m'avoit toûjours paru un peu trop long. Il feroit inutile maintenant de nier que ce Poëme a efté composé à l'occafion d'un differend affez leger qui s'émût dans une des plus ce lebres Eglifes de Paris, entre le Treforier & le Chantre. Mais c'eft tout ce qu'il y a de vray. Le refte, depuis le commence ment jufqu'à la fin, eft une pure fictionz & tous les Perfonnages y font non feulement inventez; mais j'ai eu foin mefme de les faire d'un caractere directement oppose au caractere de ceux qui defervent cette Eglife, dont la plûpart, & principalement les Chanoines, font tous gens non feulement d'une fort grande probité, mais de beaucoup d'efprit, & entre lefquels il y en a tel à qui je demanderois auffi volontiers fon fentiment fur mes ouvrages, qu'à beaucoup de Meffieurs de l'Academie. Il ne faut donc pas s'étonner fi perfonne n'a efté offenfé de l'impreffion de ce Poëme, puis qu'il n'y a en effet perfonne qui y foit veritablement attaqué. Un Prodigue ne s'avife guere de s'offenfer de voir rire d'un Avare, ni un Devot de voir tourner en ridicule un Libertin. Je ne diray point comment je fus engagé à travailler à cette bagatele für une espece de défi qui me fut

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fait en riant par feu Monfeigneur le pre mier President de Lamoignon, qui eft celui que j'y peins fous le nom d'Arifte. Ce détail, à mon avis, n'eft pas fort neceflai re. Mais je croirois me faire un trop grand tort, fi je laiffois échaper cette occafion d'apprendre à ceux qui l'ignorent que ce grand Perfonnage, durant la vie, m'a honnoré de fon amitié. Je commencay à le connoistre dans le temps que mes Satires faifoient le plus de bruit; & l'accez obligeant qu'il me donna dans fon illuftre Maison fit avantageufement mon apologie contre ceux qui vouloient m'accufer alors de libertinage & de mauvaises mœurs. C'étoit un Homme d'un fçavoir étonnant, & paffionné admirateur de tous les bons livres de l'antiquité; & c'est ce qui lui fit plus aifément fouffrir mes ouvrages, où il crut entrevoir quelque gouft des Anciens. Comme fa pieté eftoit fincere, elle estoit auffi fort gaye, & n'avoit rien d'embarrasfant. Il ne s'effraya point du nom de Satires que portoient ces ouvrages, où il ne vid en effet que des vers & des Auteurs attaquez. Il me loüa mefme plufieurs fois d'avoir purgé, pour ainfi dire, ce genre de poëfie de la faleté qui lui avoit efté jufqu'alors comme affectée. J'eus donc lo

bonheur de ne lui eftre pas defagreable. Il m'appella à tous fes plaifirs & à tous fes divertiffemens, c'est à dire, à ses lectures & à fes promenades. Il me favorifa mesme quelquefois de fa plus étroite confidence, & me fit voir à fond fon ame entiere. Et que n'y vis-je point? Quel trefor furpres nant de probité & de juftice ! quel fonds inépuifable de pieté & de zele ! Bien que fa vertu jettaft un fort grand éclat au dehors, c'eftoit toute autre chofe au dedans; & on voyoit bien qu'il avoit foin d'en temperer les rayons, pour ne pas blefler les yeux d'un fiecle auffi corrompu que le nôtre. Je fus fincerement épris de tant de qualitez admirables; & s'il eut beaucoup de bonne volonté pour moi, j'eus auffi pour lui une tres-forte attache. Les foins que je lui rendis, ne furent meflez d'aucune raifon d'intereft mercenaire : & je fongeay bien plus à profiter de fa converfation que de fon credit. Il mourut dans le temps que cette amitié eftoit en fon plus haut point, & le fouvenir de fa perte m'afflige encore tous les jours. Pourquoi fautil que des Hommes fi dignes de vivre foient fi-toft enlevez du monde, tandis que des miferables & des gens de rien arrivent à une extrême vieilleffe? Je

ne m'étendrai pas davantage fur un fujet fi trifte car je fens bien que fi je continuois à en parler, je ne pourois m'empescher de moüiller peut-eftre de larmes la Préface d'un livre de Satires & de plaifanteries,

Extrait du Privilege du Roi.

Ar grace & Privilege du Roi,en date du 31. De

D*** de faire imprimer divers Ouvrages qu'il a compofés, fçavoir fes Satires, l'Art Peëtique en vers, un Poëme intitulé le Lutrin, plufieurs Dialogues, Dif cours,& Epiftres en vers, la Traduction de Longin. Etdefenfes font faites à toutes perfonnes de quel que qualité & condition qu'elles foient,d'imprimer, faire imprimer ou vendre lefdits ouvrages, pendant l'efpace de quinze années, à compter du jour que le precedant Privilege fera expiré, d'autres éditions que de celles qui feront imprimées par ceux qui auront droit dudit Sieur D*** fous peine de trois mille livres d'amende, &c. ainfi qu'il eft plus au long contenu dans ledit Privilege.

Registré fur le Livre de la Communauté des Libraires Imprimeurs de Paris, le 14. Janvier 1684. fuivant l'Arreft du Parlement du 8. Avril 1653. & celuy du Confeil Privé du Roi, du 27. Février 1665.

Signé, C. ANGOT Syndic.

Ledit Sieur D*** a cedé fon droit de Privilege

à DENYS THIERRY.

DISCOURS

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