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n'y laisser dans le langage que cette exacte modération qui seule est utile, parce qu'elle persuade. L'expérience même de l'administrateur peut profiter de cet ouvrage ; le zèle de l'humanité s'en aidera; et tout esprit éclairé doit y apprendre quelque chose.

Deux autres essais d'une forme très-simple, quoique le dernier soit un roman, ont intéressé par le but moral: l'un par Mme Saunders, sous le titre de Direction maternelle de la jeune fille, décrit avec une vérité pleine d'émotion le bienfait d'une influence que la nature indique elle-même et que Dieu bénit. Montjouy, de Mlle Boyeldieu d'Auvigny, épisode détaché du long récit des misères sociales, présente l'histoire d'un enfant qui, malgré l'abandon de ses premières années, remonte du malheur et des délits qu'amène le vice à une activité utile et à un rang honorable dans la société. Les prix décernés à ces deux ouvrages sont, pour les femmes dont le cœur les a dictés, un gage de la bonne action qu'elles ont faite.

A côté de ces essais inspirés à des âmes pures et bienveillantes par la vue présente du malheur, et aussi par l'habitude de le secourir et par la science acquise de la charité, l'Académie avait encouragé des études plus exclusivement littéraires sur quelques monuments célèbres des sciences morales. Deux traductions remarquables répondent à cet appel. L'une fait passer dans notre langue l'ouvrage de Herder sur la poésie sacrée. Ce livre, qui plaît et attire d'abord par une heureuse imitation du dialogue platonique, mais qui attache surtout par l'alliance éclatante et rare de l'enthousiasme et de l'érudition, est un livre éloquent quoique diffus, plein de passion et d'idées, et, dans la forme de sa critique, offrant un tour d'imagination heureusement assorti aux beautés orientales qu'il traduit et qu'il commente. L'ori

ginal allemand perd sans doute, dans la version française, un grand charme, l'éclat des fragments versifiés que Herder avait écrits sous l'inspiration des prophètes hébreux. Mais il reste l'accent de son admiration fidèlement répétée. L'autre ouvrage qui a tenté le zèle d'un traducteur habile, est un des derniers beaux monuments du génie antique, et l'expression la plus touchante de ce stoïcisme romain qui fut, sous l'empire, la religion des âmes élevées. C'est le recueil des pensées de Marc-Aurèle, le livre de lui-même à lui-même, comme il le dit. Dépôt de maximes et de souvenirs tantôt gravés avec une force originale, tantôt jetés avec une négligence elliptique, examen de conscience d'un empereur et d'un sage, journal rapide des méditations d'une grande âme au milieu des accidents de la guerre et des difficultés du pouvoir absolu, ce recueil unique ne saurait être trop lu; car il a des conseils et des exemples pour toutes les conditions de la vie, et du courage contre tous les malheurs. Mis autrefois en français sous l'inspiration de la reine Christine, plus tard traduit par le savant Dacier, il vient d'être rendu avec une exactitude plus expressive par un jeune professeur, M. Pierron, déjà distingué dans un de nos concours annuels. L'Académie décerne une médaille de 1,500 fr. au traducteur de Marc-Aurèle, comme à celui de Herder.

Un autre travail, appliqué par M. Hinard avec autant de savoir que de goût à un des monuments les plus curieux du moyen âge, obtient aussi une médaille de l'Académie. C'est la traduction complète du Romancero espagnol, de cette vive image d'un peuple qui fut grand par la foi et le courage, avant de l'être par l'esprit de découverte et de conquête. Le recueil de ces vieux chants populaires depuis le xr siècle jusqu'au xve, est une des plus belles chroniques de nos nations modernes : naïve

histoire de religion, de chevalerie et d'amour, poésie sans fiction, comme elle est sans grand poëte, mais par cela même incontestable et éloquent témoignage des mœurs et des sentiments de tout un peuple, dont la destinée, plusieurs fois glorieuse, se renouvelle aujourd'hui sous les yeux et avec la puissante amitié de la France.

FIN.

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D. M.

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