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Fénelon, et où les merveilles du monde physique, exposées avec l'exactitude de la science, seraient partout liées aux vérités religieuses et morales. C'est l'œuvre que le vertueux Duguet avait essayée dans le XVIIe siècle, qu'un savant ecclésiastique du siècle suivant reproduisit avec étendue dans ses dialogues sur le Spectacle de la nature, et que bientôt après, sous le titre d'Études et d'Harmonies de la nature, une imagination paradoxale et charmante vint rajeunir avec tant d'éclat pour les rêveurs et les gens du monde.

C'est un ouvrage analogue, mais plus vraiment instructif et plus court, que M. Wilm demande, non plus pour distraire la mélancolie des oisifs et des heureux, mais pour éclairer l'activité du pauvre en élevant son âme, et pour lui rendre sa vie laborieuse plus douce et plus digne, tout à la fois parla résignation et par l’intelligence. Cet ouvrage, qui manque aux écoles et pour ainsi dire à la civilisation du peuple, est difficile à faire dans une juste proportion de savoir et de simplicité. Celui qui en a si bien senti le besoin et indiqué le plan devrait oser l'entreprendre.

A la partie dogmatique et morale du livre de M. Wilm succèdent des considérations non moins importantes sur ce qui reste à faire pour améliorer le sort des instituteurs, et les rendre de plus en plus dignes de leur mission. Il y a là des vues utiles, déjà présentées par d'autres, et qui devront être bientôt discutées ailleurs; il y a surtout ce zèle éclairé du bien, cette sollicitude ingénieuse que l'Académie se plaît à honorer, et qui touche ici à tant d'intérêts et de questions délicates renfermées dans ce vaste sujet de l'éducation populaire.

Une seule de ces questions, prise à part et habilement étudiée, a fait naître un autre travail que l'Académie couronne après celui de M. Wilm, et qui n'est pas in

spiré par des intentions moins pures. C'est une suite de sages conseils aux instituteurs, et comme un texte préparé pour les Conférences annuelles qu'ils sont invités à former entre eux. L'auteur s'occupe surtout du progrès moral des écoles, et pour cela ce qui lui importe, c'est de fortifier dans les maîtres ce point d'honneur de profession, cette solidarité des consciences qui fait d'un devoir partagé et surveillé par plusieurs une obligation plus forte pour chacun. De touchants souvenirs, retracés avec naturel, une morale sévère et affectueuse, un accent sincère de religion et de charité rendront cette lecture non moins attachante qu'instructive. L'auteur, M. Salmon, est un magistrat. L'esprit élevé de ses fonctions se marque par le choix même du sujet qu'il traite, et le vif et scrupuleux intérêt qu'il y porte. La magistrature est la protectrice et l'amie de l'enseignement public; dans l'étude qu'elle fait de la société elle voit les secours et les remèdes qu'on doit attendre du progrès de l'instruction, et l'encouragement éclairé dont cette instruction aura longtemps besoin.

Au-dessous de ces deux prix, mais dans le même ordre d'application morale, l'Académie a remarqué et honoré d'une récompense une histoire de Gerson, écrite par un homme de savoir et de goût, M. Fouinet, qui seulement a eu le tort de croire que des ornements ro manesques pouvaient embellir la réalité d'une semblable vie.

Un autre essai, écrit avec jugement et naturel par mademoiselle Anaïs Martin, pour l'instruction des jeunes personnes, a paru mériter une récompense égale, Mais, pendant que j'épuise ainsi cette série d'ouvrages dirigés vers un but d'enseignement, l'Académie plaçait, avec justice, beaucoup plus haut dans son suffrage, quelques essais où la pureté du sentiment moral reçoit

D. M.

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la vive empreinte du talent poétique. A ce titre, elle a réservé pour un prix les Glanes de mademoiselle Louise Bertin, touchantes rêveries d'une âme née pour les arts, et qui en recueille les consolations solitaires, comme elle en peut quelquefois déployer l'éclat et la puis

sance.

croit ve

L'auteur, le titre de ces vers l'indique assez, nir après d'autres, après de riches et hardis moissonneurs, dans le champ de l'imagination moderne. Oui, sans doute! Ce que nous saluâmes avec transport, il y a vingt ans, cette élégie de la religion et de l'amour, qui, dans notre siècle d'âpreté politique, trouvait des accents d'une élévation si calme et d'une si ravissante douceur, et plus tard, cette voix éclatante de l'ode qui, si jeune, a fait vibrer sur ses tons sonores toutes les impressions de la famille et de la patrie, de la retraite et de la gloire, ne pouvaient être entendues si longtemps près de nous, sans éveiller la poésie dans quelques âmes, sans avertir quelques talents qui s'ignoraient, sans exciter et sans tromper beaucoup d'espérances. Les Glanes ne seront point placées parmi ces illusions que l'enthousiasme d'une école se fait à lui-même; une verve durable les anime, parce qu'une réflexion profonde et personnelle les a fait naître; le langage en est énergique, élevé, rapide, parce qu'il vient de l'âme; et l'imitation a disparu dans la vérité de l'émotion et du talent.

Avec moins de force et de pensées, les poésies de madame Félicie d'Ayzac, Dame de la maison royale de Saint-Denis, ont vivement intéressé par la pieuse candeur et la mélodie du langage. Dans ces vers constamment naturels, d'une expression touchante et réservée, l'irréprochable délicatesse du goût est donnée par l'austère pureté des impressions et des images; et l'auteur, justifiant le titre qu'elle a dû prendre en tête de son

livré, n'a pas un sentiment, pas une parole qui n'y réponde, et qui ne semble inspirée par cet asile de la religion, de la pudeur et de la gloire, dont elle est une des gardiennes.

L'Académie, en décernant à ce recueil une première médaille, se plaît surtout à honorer la vocation si pure d'un talent heureux. Elle regrette de n'avoir pu couronner, dans une autre femme, l'éclat et l'élévation de l'esprit employés non plus sous la forme poétique, mais avec toute la gravité de la dialectique oratoire. On lui avait présenté un travail étendu sur un grave sujet, sur le perfectionnement principal de la société civile dans les âges modernes, le Mariage au point de vue chrétien. Une éloquence réelle, beaucoup d'idées et une grande noblesse d'àme, voilà ce qui ne pouvait être méconnu dans cet ouvrage. Mais, d'autre part, il était facile d'y relever, dans la méthode et dans le style, des fautes de précipitation et d'inexpérience: la sincérité à la fois sévère et naïve, qui partout anime l'auteur, donnait prise à plus d'une objection contre sa prudence; enfin, le caractère de controverse, qui se mêle sous sa pluie à l'exposition des principes généraux de la morale chrétienne, semblait en altérer parfois, non pas la pureté, mais la douceur. L'Académie, tout en honorant l'auteur d'une médaille à part, a pensé que l'ouvrage ne devait pas être maintenu dans le concours, et lui a refusé le succès qu'avec une modération plus persuasive un talent si rare n'aurait pu manquer d'obtenir.

Malgré cette restriction, qu'elle s'est imposée à ellemême, l'Académie a continué d'étendre l'appel généreux de M. de Montyon à des ouvrages de forme et de destination très-diverses, et rapprochés seulement par ce caractère d'utilité qui vient souvent plutôt de l'auteur que du sujet. A ce titre, un livre d'histoire lui a

paru digne d'un encouragement spécial : c'est le Tableau politique, religieux et littéraire du midi de la France, depuis les temps les plus reculés. De belles citations et d'heureux souvenirs, empruntés à l'archéologie chrétienne et à cette poésie provençale, court et brillant prélude de la civilisation moderne, jettent un intérêt particulier sur cet ouvrage où l'érudition n'est pas toujours assez précise. L'auteur, M. Mary-Lafon, se sert avec goût du moyen âge; il n'en abuse pas; et lorsqu'il approche de la lumière des temps modernes, il peint avec chaleur et vérité le progrès de ces belles provinces du Midi, et leur rapide union à la patrie française. L'Académie, sans prétendre déterminer le rang de ce livre parmi les travaux historiques de notre temps, décerne une récompense aux sentiments généreux qui l'ont dicté.

Cette dernière pensée nous conduit naturellement, Messieurs, au prix spécial et depuis longtemps inamo vible, dont un noble fondateur a fait l'Académie dépositaire. Ce prix, destiné à l'auteur du morceau le plus éloquent sur notre histoire, lui est maintenu chaque année, tant qu'un nouvel ouvrage jugé supérieur ne vient pas le déposséder de sa première couronne. L'Académie, après un mûr examen, n'a pas trouvé matière à changer la décision qu'elle a déjà trois fois renouvelée. Elle ne saurait encore transférer ailleurs la récompense attribuée, après vingt-cinq ans de travaux et quinze ans d'approbation publique, au peintre éloquent de la Conquête d'Angleterre par les Normands, à l'auteur savant et profond des Considérations sur l'Histoire de France: elle souhaite seulement que cet esprit toujours brillant et laborieux, que ce talent toujours plus fort que les souffrances du corps achève ce grand travail qu'il a déjà poussé si loin sur l'Histoire des communes et du tiers

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