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veuses, fit sortir une vie si active et si utile au monde. Une traduction fidèle et animée de cet ouvrage est un livre qui nous manquait. Port-Royal lui-même avait altéré, par respect, le naturel passionné d'Augustin. M. Moreau, moins scrupuleux, a été plus vrai ; et l'Académie, en décernant à sa traduction une médaille d'honneur, l'encourage à d'autres travaux, où le talent s'unisse à la pureté du goût.

L'Académie décernera de nouveau des prix semblables dans le prochain concours; et à côté de l'éloge de Pascal, difficile sujet proposé, dès l'année dernière, à la demande de notre illustre et regretté collègue, M. Lemercier, elle espère avoir à couronner quelque bonne et forte étude sur un monument de l'antiquité philosophique ou chrétienne.

Aujourd'hui, Messieurs, il nous reste à proclamer celui de tous les prix académiques qui rencontre souvent le plus de contradictions et de doutes, et qui cependant a été le début heureux de plus d'un talent célèbre, le prix de poésie. L'Académie avait proposé l'Influence de la civilisation chrétienne en Orient, sujet prématuré peut-être, mais dont il est facile d'entrevoir les principaux aspects et la grandeur. Nous ne mêlerons pas aux pensées qu'il fait naître de minutieux détails d'analyse. Deux pièces de vers ont occupé l'attention de l'Académie. Dans l'une, l'auteur, bornant, pour ainsi dire, l'étendue encore incertaine du sujet, a pris pour symbole de l'influence chrétienne en Orient le monument que, par une patriotique et royale pensée, Louis-Philippe a fait élever à saint Louis sur le sol de Carthage, en vue des vastes possessions que le drapeau français a conquises et conserve en Afrique. De nobles sentiments et de beaux vers recommandent cette ode de M. Bignan. L'Académie, en accordant beaucoup d'éloges à l'art

brillant et pur qu'on remarque dans cet ouvrage, a préféré cependant un autre poëme, dont le cadre est plus vaste, les formes plus hardies et plus libres. L'auteur, M. Alfred des Essarts, prodigue les grands souvenirs et les images; il sent avec chaleur, il peint avec force. Mais je ne veux pas trop louer des vers que l'auteur va lire : il sera lui-même son meilleur interprète. Sa voix, forte d'émotion et de jeunesse, n'a pas besoin d'autre appui que de cette faveur aimable et juste, qui, dans une telle assemblée, s'attache au premier succès, et pour ainsi dire à l'avénement public d'un nouveau talent.

RAPPORT

SUR

LES CONCOURS DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

EN 1842.

MESSIEURS,

Parmi les distinctions, bien nombreuses peut-être, que l'Académie décerne dans ses concours annuels, il en est une qui, une fois accordée, devait être longtemps inamovible. La supériorité se renouvelle rarement; et quand l'Académie fit choix des Considérations et des Récits de M. Thierry sur l'histoire de France, pour y attacher l'espèce de majorat littéraire, dont l'investiture lui a été confiée par un généreux fondateur, elle pouvait s'attendre, comme le public, à la longue durée de cette première et si juste destination. L'ouvrage de M. Bazin sur l'époque de Louis XIII n'était pas non plus facile à remplacer dans le rang qu'il avait obtenu. D'ailleurs, Messieurs, les deux écrivains ne se sont pas reposés sur leur succès. L'illustre auteur de la Conquête de l'Angleterre, des Lettres sur les communes et des Récits mérovingiens a continué les savantes esquisses qu'il avait publiées sous cette dernière forme; et, dans un nouveau fragment sur Fredegonde et Chil

perik, il a peint les mœurs barbares de la monarchie franke, avec ce coloris éclatant et vigoureux que donne l'imagination échauffée par l'étude et par l'amour du vrai.

L'historien de Louis XIII a également poursuivi sa tâche encouragée par vous. Il a tracé le Tableau de la minorité de Louis XIV; et malgré la rivalité fort redoutable des mémoires contemporains, ne voyant dans ces mémoires que des plaidoyers qui rendaient d'autant plus nécessaire le jugement de l'histoire, il a su donner à ce jugement une impartialité non moins piquante et plus variée que la passion.

Il nous a donc semblé, Messieurs, que les dotations académiques fondées par le baron Gobert demeuraient plus que jamais acquises au grand peintre d'histoire et à l'ingénieux écrivain qui les avaient méritées, il y a deux ans, par des travaux qu'aujourd'hui même ils viennent de fortifier et d'étendre.

A côté de ces prix maintenus si justement, le choix de l'Académie pour l'ouvrage le plus utile aux mœurs s'est partagé entre des écrits de forme très-diverse, une Histoire de la ville de Jérusalem, un Livre d'éducation. L'Académie, sans doute, a jugé que les grandes traditions religieuses étaient la plus puissante leçon morale; et il lui a paru que l'histoire de cette Rome du monde oriental, toute pleine des monuments du christianisme, premier berceau de sa foi et but de ses croisades, offrait le sujet de méditations le plus instructif et le plus élevé. Des hommes de génie, de grands poëtes ont, de nos jours, visité cette terre antique, pour surprendre, à la source qui jaillit du Carmel, l'inspiration que Bossuet et Racine recevaient de la prière et des livres saints. La politique, le commerce et même le prosélytisme de l'Europe tendent de plus en plus à se rapprocher de Jé

rusalem; et une grande place lui est réservée dans la future transformation de l'Orient. A ces points de vue divers, une description de Jérusalem, commencée en présence des lieux mêmes, continuée par l'étude, mêlant les recherches à l'émotion, devait intéresser notre temps. L'auteur fut le compagnon de voyage et l'ami de notre regretté collègue M. Michaud; et il a comme lui le don de sentir et de peindre. L'Académie partage inégalement le prix Montyon entre l'historien de Jérusalem, M. Poujoulat, et une personne encore inconnue dans les lettres, qui a publié un livre sur l'Education pratique des femmes.

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Ici, la tâche de l'auteur était difficile. Depuis Fénelon écrivant avec la sublime douceur de son âme et de sa foi, depuis Rousseau donnant à des préceptes l'intérêt de la passion et du roman, des femmes supérieures madame de Rémusat, madame Guizot, madame Necker de Saussure avaient traité pour notre siècle ce sujet, où l'innovation est si difficile, où le paradoxe est si dangereux. Leurs ouvrages élevés et délicats ont été lus par les philosophes et par les femmes. Il s'agit ici d'une œuvre plus modeste, de réunir d'utiles conseils pour les institutrices et pour les enfants, et de renfermer quelques vues nettes et quelques principes éprouvés dans un livre simple et d'une étude facile. C'est ce mérite que l'Académie a voulu reconnaître, et qu'elle couronne dans l'ouvrage judicieux et pur de mademoiselle Lajollais.

Cherchant, du reste, dans les récompenses dont elle dispose un encouragement pour le travail, un supplément à ce que l'État ne peut faire, elle a réservé une autre médaille pour M. Pauthier, jeune savant plein d'ardeur, qui, dans une traduction collective des Livres antiques de l'Orient, a rassemblé comme en un foyer les vérités éparses de la morale primitive.

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