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rellement aux libres institutions que possède la France; elles sont pour notre patrie ce grand et paisible renouvellement dont un peuple a besoin après de longs orages. Dans un discours tout rempli du pompeux souvenir de Louis XIV, nous n'hésitons pas à proclamer cette idée, et la reconnaissance qu'elle inspire pour les sages et bienfaisants héritiers du grand Roi. Il n'est aucune renommée qui fasse pâlir la gloire de ces princes équitables et protecteurs des libertés de leur sujets. Quand la postérité lira les prodigieuses révolutions de notre âge, quand elle verra le génie de l'usurpation et de la guerre ébranlant tous les trônes de l'Europe, changeant et donnant les États, et brisé lui-même par la force, unique loi qu'il ait voulu reconnaître ; quand elle verra le triomphe du droit légitime consacré par l'établissement inviolable d'une Charte de liberté, elle admirera, non pas les conquêtes infructueuses du glaive, mais les bienfaits durables de la justice et de la paix.

Rendons hommage, Messieurs, au souverain qui a marqué son heureux avénement par le retour de la plus vitale des libertés publiques, et réconcilié toutes les opinions par l'enthousiasme commun qu'il leur inspire. En affermissant le pacte social, il partage la gloire inappréciable de son auguste fondateur; il ouvre, avec lui, cette ère nouvelle de la France. Monarque aimable et vénéré, sa religion est le sceau de sa parole; il tient de Henri IV ces grâces du cœur auxquelles on n'échappe pas; il a reçu de Louis XIV l'amour éclairé des arts, la noblesse du langage, et cette dignité qui frappe de respect, et qui pourtant séduit. Sa haute faveur accueille et ranime nos savants; sa justice, et nous lui en rendons grâce, les suit et les protége1 sur la terre étrangère; son

Voir à la fin du Discours, note B.

humanité vigilante et populaire visite les retraites de la souffrance, comme Louis XIV dotait les hospices de la gloire; ses paroles semblent un bienfait public, parce qu'elles sont toujours l'expression de cette âme française et royale, qui veut régner par les lois, qui met sa grandeur à les respecter, et mesure son pouvoir sur les espérances et les institutions de son peuple.

NOTES.

NOTE A.

On trouve dans plusieurs écrivains de la même nation, à la même époque, grand nombre de témoignages semblables, et non moins expressifs. Ils prouvent combien ces critiques anglais de nos jours, qui parlent quelquefois de nos chefs-d'œuvre ave? une si risible injustice, s'éloignent des traditions de la bonne littérature dans leur pays comme dans le nôtre. Pope, que lord Byron trouve si supérieur à tous les poëtes de l'Angleterre actuelle, pensait, à cet égard, comme Thompson. Voici, du reste, quelques-uns des beaux vers que nous avons essayé de traduire, et qui méritent bien d'être lus dans l'original. Suivant la fiction du poëte, c'est la Liberté elle-même qui parle et retrace les merveilles du règne de Louis.

'Tis not for me to paint diffusive shot

O'er fair extents of land, the shining road,
The flood compelling arch, the long canal
Thro' mountains piercing, and uniting seas,
The dome resounding sweet with infant joy,
From famine saved, or cruel-handed shame,
And that where valour counts his noble scars;
The land, where social pleasure loves to dwell,
Of the fierce demon gothic duel freed;
The turbid city clear'd; and by degrees
Into sure peace the best police refin'd
Magnificence, and grace, and decent joy.
Let Gallic bards record how honour'd arts
And science, by despotic bounty bless'd,
At distance flourish'd from my parent eye;
Restoring ancient taste how Boileau rose;
How the big Roman soul shook, in Corneille,
The trembling stage; in elegant Racine
How the more powerful, tho' more humble voice
Of nature-painting Greece resistless breathed,

The whole awaken'd hearth: how Moliere's scene
Chastis'd and regular, with well judg'd wit
Not scatter'd wild, and native humour grac'd,
Was life itself; to public honours rais'd,
How learning in warm seminaries spread,
And more for glory than the small reward,
How emulation strove; how their pure tongue
Almost obtain'd what was deni'd their arms.

NOTE B.

Ces paroles ont été entendues dans un sens bien naturel, et que certes nous ne voulons pas affaiblir. Et pour qui donc y aurait-il de l'intérêt dans nos écoles, si ce n'était pour le jeune savant qui les a charmées tant de fois? Ceux qu'une circonstance particulière a fait assister aux premiers essais, comme aux derniers triomphes de son rare talent, ceux qui l'ont connu avant qu'il fût célèbre, ont sans doute le droit de rappeler en ce moment quelques faits oubliés, ou défigurés par des calomnies qui coûtent aujourd'hui la liberté à M. Cousin, et prolongent les inquiétudes de ses amis.

Des feuilles étrangères le représentent comme un apôtre d'athéisme et de sédition. Nous l'avons vu pour la première fois dans un de ces cours de l'École Normale où le maître, les élèves, tout le monde était fort jeune et fort sincère : ce qui caractérisait dès lors M. Cousin, ce qui distinguait son esprit, c'était un sentiment religieux plein d'élévation et de pureté, c'était le goût des études austères et l'amour des vérités morales. « Il y a du Platon dans ce jeune homme, » disait alors un illustre appréciateur du talent, qui venait de lire une des premières pages qu'ait écrites M. Cousin.

Préoccupé de ces nobles contemplations, le jeune philosophe ne resta point cependant étranger à tout intérêt politique. Au 20 mars, à l'approche du despotisme reparaissant sous les traits de Bonaparte, M. Cousin s'engagea comme volontaire royal, et partit avec des amis excités par son exemple. Sans doute on ne verra pas dans ce courage le germe d'une énergie séditieuse. Quoi qu'il en soit, après une courte disgrâce, M. Cousin, en 1815, fut choisi pour suppléer, dans la chaire de l'histoire de la philosophie, un homme qu'il paraissait presque impossible de remplacer. Ce fut alors qu'il déploya ce rare talent, cette puissance de parole que sa jeunesse et le sujet sévère de ses leçons rendaient plus étonnante. On a loué souvent, et trop peu loué son éloquence, le mé

lange de candeur et d'imagination, le feu de conviction intérieure qui animait ses paroles. Mais ce qu'il faut remarquer, c'est que la philosophie énoncée dans ses leçons était avant tout spiritualiste et morale ; c'est qu'il était le plus fervent disciple de deux philosophes religieux, de Leibnitz et de Descartes; c'est qu'il concourait avec autant de zèle que de succès au mouvement salutaire contre cette philosophie de la sensation, à laquelle le xvin siècle avait beaucoup trop accordé. M. Cousin, par son langage comme par ses doctrines, était l'orateur du spiritualisme; et lui-même, en quelque sorte, il en offrait l'image par cette chaleur d'âme, cette vie de la pensée qui brillait en lui, au milieu des langueurs d'une existence frêle et douloureuse.

A cet éclat de talent, M. Cousin joignait les études philologiques; ce fut même pour lui le motif d'un voyage à Venise et en Allemagne. On dut alors à ses travaux, favorisés par le gouvernement, les premiers volumes d'une savante édition de Proclus.

En recueillant les bruits singuliers rapportés par quelques feuilles étrangères, on ne sait s'il ne faut pas faire remonter à cette époque les premières défiances excitées contre M. Cousin. Mais quand on l'a vu revenir d'Allemagne avec des collations de manuscrits, et des scolies soigneusement rassemblées, quand on l'a vu publier en deux années le travail épineux d'une édition grecque hérissée de métaphysique, on a peine à retrouver en lui les allures d'un conspirateur.

L'intérêt s'accroît encore, si l'on songe que M. Cousin, enlevé subitement sur un territoire étranger, par une autre puissance étrangère, pendant qu'il voyageait sous la protection de la France, est exposé au retour d'un mal, qui souvent a fait craindre pour sa vie. Il laisse en France des amis honorables et nombreux, une mère âgée, qui n'a d'autre fortune qu'un tel fils. Il laisse des travaux interrompus qu'il devait bientôt reprendre, cette belle traduction de Platon, monument de ses nobles études et de ses préférences philosophiques. Que si, comme on le suppose, sa détention se prolonge par un refus de répondre, en sa qualité de sujet français, cette conduite ne peut lui faire tort auprès des cœurs généreux. On voit que, loin de la France, sous la garde d'un gendarme étranger, il a le sentiment de cette dignité que le nom seul de nos rois, et la pensée de leur protection, doit inspirer à tout Français. Tous les hommes éclairés, tous les amis du trône et des lois espèrent qu'une intervention provoquée par une auguste influence, et noblement exercée, ne peut rester inutile pour la liberté de notre célèbre compatriote. Le prince qui vainquit l'Espagne par la moD. M.

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