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division le même fait se reproduit sans cesse. Donc, pour obtenir un point sans étendue, il nous faut passer par une infinité de divisions; ce qui veut dire, en d'autres termes, que nous ne l'atteindrons jamais. Pour continuer la division jusqu'à l'infini, nous sommes forcés de supposer un nombre infini de parties et par conséquent l'existence actuelle de ce nombre infini; mais du moment que nous réalisons le nombre infini, il semble qu'il devient fini, car nous apercevons un terme à la division; nous concevons des nombres plus grands que lui. Que ce nombre infini de parties se trouve en un pouce cube, je dis qu'il existe des nombres plus grands que lui; l'infini, par exemple, d'un pied cube, lequel contiendra 1728 fois l'infini contenu dans le pouce.

Ainsi les partisans des points inétendus retombent dans la division infinie, qu'ils voulaient éviter, de même que leurs adversaires semblent ne pouvoir échapper aux points inétendus dont ils niaient l'existence. L'imagination se perd, l'intelligence reste confondue.

168. La seconde difficulté n'est pas moins inextricable. Supposez que l'on parvienne aux points inétendus: comment reconstituer l'étendue? Ce qui n'est pas étendu est sans dimensions; donc un nombre de points inétendus, quelque grand qu'il soit, ne saurait former une étendue. Exemple: nous unissons deux points sans étendue, supposition gratuite assurément, ni l'un ni l'autre n'occupant aucun lieu ; croyez-vous que leur union change leur nature? On

ne peut dire qu'ils se pénètrent l'un l'autre ; se pénétrer, implique l'étendue. Tous ces points étant zéro par rapport à l'étendue, leur somme, quel qu'en soit le nombre, ne donnera jamais que zéro.

169. Il est certain qu'une addition de zéros donne zéro pour résultat et ne peut donner autre chose. Toutefois, en mathématiques on admet que certaines expressions égales à zéro donnent comme produit une quantité finie, quand on les multiplie par une quantité infinie.

0+0+0+0+NX0=0; mais de:

0

O mul

M

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nombre égal à une quantité finie quelconque, que

nous exprimerons par A. Cette démonstration ne sort pas des principes de l'algèbre élémentaire. Que si nous passons à l'algèbre transcendantale, nous avons DZ 0 B; B exprimant le quotient différentiel

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DX 0

qui peut être une valeur infinie. Ces doctrines mathématiques peuvent-elles expliquer la génération de l'étendue par le point inétendu? Je ne le pense pas.

Il est évident, en effet, que si l'addition d'une infinité de zéros ne peut donner que zéro, la multiplication, n'étant qu'une addition abrégée, ne saurait donner autre chose, bien que l'un des facteurs soit infini. Mais pourquoi les résultats mathématiques disent-ils le contraire? La contradiction n'est

qu'apparente. En multipliant une quantité infinitésimale par un infini, on peut obtenir une quantité finie, parce que l'infiniment petit n'est point considéré comme zéro, mais seulement comme une quantité moindre que toutes les quantités imaginables, laquelle toutefois est quelque chose. S'il n'en était ainsi, l'on opérerait sur un pur néant.

0

0

Dirons-nous pour cela que les expressions

dz

d x

ne sont qu'approximatives? non, parce qu'elles expriment le rapport de la limite de décroissance, lequel n'est égal à B que si les différentielles sont égales à zéro; mais le géomètre, ne considérant que la limite en soi, franchit les degrés successifs de décroissance et se place dès le début au point exact. Pourquoi donc opérer sur ces quantités? Parce que les opérations sont une sorte de langue algébrique; elles marquent le chemin que l'on a suivi dans les calculs, et rappellent l'enchaînement de la limite avec la quantité à laquelle elle se rapporte.

170. L'unité, qui n'est pas la pluralité, produit la pluralité. Pourquoi le point inétendu ne pourraitil produire l'étendue? — Je ne vois point de parité. L'inétendu, en tant qu'inétendu, n'est autre chose que l'idée négative de l'étendu; l'unité exclut la multiplicité, mais la négation ne constitue point l'unité. On ne dira point de l'unité: « C'est la négation de la multiplicité. » Et nous définissons le non étendu « Ce qui n'a pas d'étendue. »

Un être quelconque, pris en général, que l'on suppose indivisible, voilà l'unité. Le nombre est un composé d'unités. Donc l'idée d'unité, l'idée d'un être non divisé, est comprise dans le nombre, qui n'est autre chose que la répétition de l'unité. Tout nombre se résout dans l'unité et la contient, par cela même qu'il est nombre, d'une manière déterminée. L'étendu ne se peut résoudre dans l'inétendu, à moins qu'on ne le divise jusqu'à l'infini ou qu'on ne le décompose d'une manière qu'il nous est impossible de comprendre.

CHAPITRE XXIV.

Une conjecture sur la notion transcendantale de l'étendue,

171. On le voit; il est pour ou contre les points inétendus, pour ou contre la divisibilité infinie de la matière, des preuves également concluantes. En présence de ces deux opinions contradictoires, la raison se trouble et doute d'elle-même. Absurdités dans la divisibilité infinie; absurdités dans l'opinion contraire; ténèbres si elle admet des points inétendus ; ténèbres si elle les nie. Invincible dans l'attaque, la raison est sans force pour établir une opinion ou pour la défendre. Et toutefois, la raison ne peut être en lutte avec elle-même. Deux démonstrations contradic

toires seraient la négation la plus absolue de la raison. Donc la contradiction n'est qu'apparente; mais le nœud, qui le dénouera? La présomption est fille de l'ignorance et sœur du désappointement. Après ces réserves, qu'il me soit permis d'essayer quelques observations sur cette question si pleine d'obscurités.

172. Il doit se glisser une erreur dans les recherches sur les principes élémentaires du sujet qui nous occupe; je ne puis m'expliquer autrement l'échec subi par la philosophie. Les points inétendus peuvent-ils produire l'étendue? Pour résoudre la question les philosophes imaginent de rapprocher ces points par la pensée et de se demander ensuite s'ils peuvent remplir une portion quelconque de l'espace. - A mon avis, c'est vouloir que la négation et l'affirmation soient une même chose.

Le point inétendu n'est, en soi, qu'une négation de l'étendue; demander de lui qu'il occupe avec d'autres points de son espèce une portion de l'espace, c'est reconnaître qu'il n'est pas étendu en exigeant qu'il le soit. Sorte de jeu d'esprit que nous fait présupposer l'étendue au moment même où nous prétendons assister à sa génération. L'espace tel que nous le concevons est une étendue véritable, c'est l'idée de l'étendue dans sa généralité. Supposer que l'inétendu peut remplir l'espace, c'est exiger qu'il devienne étendu. On le lui demande en effet; or l'erreur me semble tenir à ce qu'on veut résoudre la difficulté par la méthode de juxta-position : méthode qui paraît

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