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La Philosophie fondamentale, en passant dans notre langue par une plume telle que la vôtre, ne peut avoir rien perdu de la vigueur, de l'exactitude et de la netteté de l'original. Je ne tarderai pas à me procurer le bonheur de cette belle et grave lecture; et, je m'en tiens pour sûr à l'avance, elle ne fera que me confirmer dans la conviction où je suis, que la traduction de la Philosophie fondamentale est un éminent service rendu à la saine philosophie et à la religion.

Tout à vous en Notre Seigneur.

FÉLIX, évêque d'Orléans.

A MONSEIGNEUR DUPANLOUP

ÉVÊQUE D'ORLÉANS

MONSEIGNEUR,

Il n'y a pas longtemps, Votre Grandeur signalait, en quelques lignes éloquentes, à l'attention des esprits sérieux, le nom de Balmès, comme une des gloires de notre époque. Vous avez goûté, Monseigneur, l'un des premiers, en France, la raison si pleine et si haute de l'auteur du Catholicisme comparé au Protestantisme; vous avez deviné l'homme supérieur, par cet instinct de sympathie qui révèle les uns aux autres les esprits de même famille. Les quelques lignes tombées de votre plume ont déterminé le travail que je livre au public aujourd'hui.

Si j'étais plus sûr de moi-même, si je pouvais me rendre ce témoignage, que j'ai fait parler à l'auteur espagnol la langue que vous parlez, Monseigneur, j'offrirais ce travail, avec confiance, à Votre Grandeur d'abord, comme un hommage de ma reconnaissance et de mon respect; au public, comme un service rendu aux saines idées et à la bonne philosophie.

Mais, l'œuvre que j'ai entreprise était une œuvre difficile; il fallait être rapide et rester grave, il fallait rester fidèle et clair en condensant l'ampleur surabon

a.

dante de la phrase espagnole. Ai-je réussi? — je le souhaiterais. Je le souhaiterais, car la Philosophie fondamentale mérite qu'on s'y arrête et qu'on l'étudie. Le génie catholique n'a rien produit, depuis longtemps, ni de plus sain, ni d'aussi fort.

« Je n'ai point la prétention de créer en philosophie, » dit Balmès. Ces quelques mots nous donnent, non point la mesure, mais le secret de son talent; talent original et profond; original surtout, dans notre siècle de prétentions orgueilleuses, en ce qu'il est modeste. Le philosophe ne crée pas la vérité, il la constate ou l'expose.

Modération et bon sens, voilà le caractère essentiel et dominant de l'auteur de la Philosophie fondamentale; le bon sens, qui n'est pas le génie, mais sans lequel le génie cesse d'être une lumière pour devenir un incendie.' Ajoutez à ce don une connaissance profonde de la philosophie scolastique et de la sophistique moderne, un coup d'œil calme et sûr. Balmès fait la part grande et belle à l'intelligence de l'homme, tout en la soumettant à la raison supérieure et par excellence, qui est Dieu. Il ne se donne point pour mission unique d'attaquer et de détruire; son œuvre est à la fois une œuvre critique et une œuvre dogmatique. « Assez de ruines, dit-il quelque part les ennemis de la vérité se déploient devant nous et contre nous sur une ligne immense; laissons la guerre de tirailleurs; établissons, de notre côté et jusque sur le territoire ennemi, des colonies militaires dont la fonction soit en même temps de combattre et de fertiliser. »>

Le livre de Balmès n'est pas une Philosophie dans le sens ordinaire du mot. L'auteur, déblayant le terrain que les sophistes du dix-huitième et du dix-neuvième siècle ont encombré, creuse jusqu'aux fondements de la

pensée humaine. Il fallait sonder et raffermir le sol si souvent et si profondément ébranlé. Si j'avais à faire le panégyrique de Balmès, j'insisterais sur le côté pratique de son talent. C'est une des qualités les plus remarquables de cet éminent esprit. L'homme n'a pas été créé pour s'épuiser à penser qu'il pense, ou bien à chercher le pourquoi de sa pensée; l'édifice de nos connaissances doit porter sur un fait, non sur une abstraction.

Le premier des quatre volumes de la Philosophie fondamentale est consacré tout entier à la certitude et pourrait former une œuvre à part. Platon, saint Thomas et son commentateur le cardinal Cajetan, Descartes, Malebranche, Leibnitz, Vico, Dugald-Stewart, M. Cousin, Kant, Fichte, Schelling, etc., sont étudiés, discutés, mis à leur rang dans l'œuvre du philosophe espagnol. Saint Thomas surtout, qu'il connaît à fond, lui fournit des citations admirables. J'ai déjà dit, Monseigneur, que Balmès s'était nourri, dès sa jeunesse, des meilleurs auteurs scolastiques, et qu'il devait à cette étude sévère la richesse et la sécurité de ses vues. La philosophie scolastique, fille du catholicisme, tient de lui et conserve une vertu secrète et profonde de rectitude et de vérité. Honteux de dénigrer sur la parole d'autrui, quelques esprits curieux et sincères ont voulu, de nos jours, voir de leurs yeux; ils ont voulu juger par euxmêmes les grands monuments de la science chrétienne, et, comme les laboureurs de Virgile, ils sont restés frappés de respect et de stupeur :

Grandiaque effossis mirabitur ossa sepulcris.

VIRG., Geory.

Balmès n'est pas seulement philosophe, il est théolo

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