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de la synthèse, mais par l'analyse du concept total. Selon le philosophe allemand, une véritable synthèse exige union de choses étrangères entre elles, si étrangères, que le lien qui les unit est une sorte d'agent mystérieux, une x qu'il s'agit de déterminer, et cette a constitue l'un des grands problèmes de la philosophie. Mais, si cette inconnue se trouve dans le rapport essentiel des idées particulières contenues dans le concept total, le problème est résolu par une simple analyse, ou, plus exactement, le problème n'existait pas, puisque l'a était une quantité

connue.

Voir les parties dans le tout; jugement analytique par excellence. Le tout n'est autre chose que l'ensemble de ses parties. Dire, un et un font deux, ou bien, deux est égal à un plus un, c'est posséder un concept total, deux, dans lequel je trouve un plus un. Concept essentiellement analytique, puisque l'attribut est contenu dans l'idée du sujet de la manière la plus évidente. Or, ici même il y a diversité de concepts, un plus un dont on forme le concept total. Le rapport existe, bien qu'il soit d'une extrême simplicité. Que ce rapport soit simple ou ne le soit point, qu'il soit aperçu plus ou moins facilement, il n'importe; les jugements restent ce qu'ils sont et ne changent point de nature.

286. Pour compléter cette explication, nous allons emprunter un exemple à la géométrie élémentaire. « La superficie d'un parallelogramme à angles obliques est égale à celle d'un rectangle ayant même

base et même hauteur. 1o Dans l'idée parallélogramme à angles obliques nous ne voyons point celle d'égalité avec le rectangle et nous ne pouvons l'y voir, parce qu'il n'existe point de rapport sans terme de comparaison. L'idée rectangle n'entre pas dans l'idée parallélogramme, et par conséquent celle d'égalité n'y saurait entrer. 2o Le rapport naît de la comparaison de l'angle oblique avec le rectangle; on doit donc le trouver dans un concept total comprenant ces deux figures. Ainsi l'on ne peut dire qu'à l'idée angle oblique nous ajoutions quelque chose qui n'appartienne point à cette idée, puisque nous voyons surgir cette égalité des concepts angle oblique et rectangle, comme partie de l'idée ou concept total dans lequel ces deux idées partielles se combinent. L'analyse de ce concept total nous découvre le rapport cherché. Chose remarquable! s'il ne suffit point de l'union des idées comparées, nous appelons à notre aide un concept nouveau comprenant ces idées et quelque chose de plus; et, de celuici, nous tirons, par l'analyse, le rapport des deux parties comparées.

289. La construction géométrique de ce théorème peut nous faire toucher du doigt, pour ainsi dire, ce que je viens d'avancer relativement aux idées totales qui contiennent d'autres idées que celles que l'on compare. Lorsque les bases des parallélogrammes oblique et rectangle sont confondues, on aperçoit sur-le-champ une partie qui leur est commune, c'est le triangle formé par la base, par une

partie d'un côté de l'angle oblique et par une partie de l'angle rectangle; on n'a besoin pour cela ni de synthèse ni d'analyse, puisqu'il y a coïncidence parfaite, ce qui, en géométrie, équivaut à l'identité. Il n'y a de difficulté que pour les parties restantes, c'est-à-dire pour les trapèzes auxquels se réduisent les deux parallelogrammes, abstraction faite du triangle commun. La simple intuition des figures ne dit rien par rapport à l'égalité des superficies on voit seulement que les deux côtés de l'angle oblique vont s'allongeant, et renferment un espace moindre à mesure que l'angle devient plus oblique, ces deux conditions de la longueur des côtés et de la diminution des distances se trouvant comprises entre deux limites dont l'une est l'infini et l'autre le rectangle. On peut démontrer le rapport de l'égale valeur des superficies en prolongeant la parallèle opposée à la base et en formant ainsi un quadrilatère dont les trapèzes sont une partie; pour trouver l'égalité de ces trapèzes, il suffit de décomposer le quadrilatère en faisant attention à l'égalité des deux triangles formés chacun par un des trapèzes et un triangle commun. Or, c'est comparer les trapèzes; ce n'est rien ajouter à l'idée des trapèzes. Je n'ai pu faire la comparaison d'une manière directe, c'est pourquoi je l'ai enfermée dans une idée totale, dont la simple analyse m'a découvert le rapport que je cherchais. L'idée ne donne point ce rapport, elle le manifeste; de sorte que si la compréhension des deux figures comparées était plus parfaite, si nous

pouvions y voir, par intuition, le rapport qui existe entre l'allongement des côtés et la diminution de la distance comprise entre ces mêmes côtés, nous verrions qu'il y a là une foi constante, en vertu de laquelle ce qui se perd d'une part est remplacé de l'autre; par conséquent, dans l'idée même de l'angle oblique, nous découvririons l'idée fondamentale de l'égalité, c'est-à-dire la non altération de la valeur de la surface par le plus ou moins d'obliquité des angles; obtenant ainsi ce que nous tirons de la comparaison, ce que nous généralisons en nous rapportant à deux valeurs linéaires constantes, la base et la hauteur. La même chose aurait lieu par rapport à l'équivalence de toutes les quantités variables diversement exprimées, si nous pouvions ramener leur compréhension à des formules claires et simples comme celles des

Nx

fonctions que voici ; où, quelle que soit la valeur

MX

de la variable, la valeur de l'expression est toujours

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288. Ces longs développements paraîtront inutiles peut-être; mais il ne faut pas s'y tromper: purement spéculative, en apparence, la question qui nous occupe tient à des vérités de premier ordre, ou plutôt des vérités de premier ordre relèvent de cette question.

Le principe de causalité est analytique, j'espère le prouver. Kant le considère comme un principe synthétique; de là peut-être toutes ses erreurs.

Il importe beaucoup d'avoir sur ces matières des idées parfaitement nettes. C'est pourquoi je vais résumer en peu de mots la doctrine exposée dans ce chapitre sur l'évidence immédiate et médiate.

289. L'évidence est immédiate lorsque l'idée du sujet nous révèle, par la signification seule des mots, la convenance ou l'incompatibilité de l'attribut. Les jugements de cette espèce sont analytiques; il suffit, en effet, de décomposer l'idée ou la conception du sujet, pour y découvrir que l'attribut lui convient ou ne lui convient pas.

L'évidence est médiate lorsque, ne voyant point sur-le-champ, et par la simple compréhension du sujet, la convenance ou la répugnance de l'attribut, il nous faut recourir à un terme moyen.

290. Les jugements d'évidence médiate sont-ils analytiques? Si les jugements sont analytiques alors seulement que la compréhension des termes emporte la vue de la convenance ou de l'opposition de l'attribut et du sujet, les jugements d'évidence médiate ne peuvent prendre ce nom; mais si l'on entend par ce mot un jugement dans lequel il suffise de décomposer une idée pour y trouver la convenance ou l'incompatibilité de l'attribut, nous serons forcés de reconnaître que les jugements d'évidence médiate appartiennent à cette classe de jugements, le moyen employé n'étant autre chose que la formation d'un concept total dans lequel entrent les idées partielles dont on veut découvrir le rapport. La réunion de ces concepts partiels est une synthèse, j'en conviens,

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