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les idées d'angles formés par ces droites. Je le demande les explications, les démonstrations des propriétés du triangle, en général, sortent-elles jamais de ces idées? Non, car les éléments nouveaux que l'on y pourrait introduire leur seraient étrangers et changeraient leur nature. Les rapports nécessaires ne comportent ni plus ni moins; on n'y peut rien ajouter, rien retrancher. Ils sont ou ne sont point. Lorsqu'on passe du triangle en général à ses diverses espèces, au triangle équilatéral, isocèle, rectangulaire, etc., la démonstration se renferme et doit se renfermer rigoureusement dans ce que contient l'idée générale, modifiée par la propriété déterminante de l'espèce, à savoir, l'égalité de deux, de trois côtés, l'inégalité de tous les côtés, etc.

277. Cette vérité devient plus évidente encore dans l'application de l'algèbre à la géométrie. On exprime une courbe par une formule qui contient l'idée même de la courbe, c'est-à-dire son essence. Pour démontrer les propriétés de la courbe, le géomètre ne sort point de la formule; elle est dans sa main comme une pierre de touche; il y trouve tout ce dont il a besoin. S'il trace des triangles ou d'autres figures dans l'intérieur de la courbe, s'il tire des droites dont les extrémités soient placées hors de la courbe, il ne sort jamais, du moins, de l'idée contenue dans la formule; il ne fait que la décomposer pour y découvrir ce qu'il n'avait pas découvert.

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tre chose que l'expression des rapports constitutifs de l'ellipse; la lettre E exprimant le demi-diamètre majeur, e le demi-diamètre mineur, Z les ordonnées et z les abscisses. Développée, transformée de diverses manières, elle sert à déterminer les propriétés de la courbe, en montrant, à l'aide des constructions, que la nouvelle propriété se trouve contenue dans l'idée même, et qu'il suffit de l'analyser pour l'y découvrir.

Supposons une intelligence assez étendue pour concevoir l'essence de la ligne courbe par une intuition immédiate de la loi qui préside à l'inflexion des points; cette intelligence n'aura pas besoin de suivre les évolutions que nous avons suivies. Elle verra, sans hésitation, dans l'idée mème de la figure, toutes les propriétés qu'elle contient. Cette supposition n'est pas entièrement arbitraire. Un géomètre quelconque peut concevoir, comme Pascal, l'idée d'une courbe; mais ce géomètre n'atteint que par de longs efforts les propriétés les plus communes de cette figure. D'un seul coup d'œil, Pascal saisit les plus cachées. Pour n'avoir tenu compte, de cette vérité, Kant n'a pas su comprendre le problème des jugements synthétiques purs; en approfondissant la question, il aurait vu qu'à la rigueur il n'existe point de jugements de ce genre. Au lieu d'épuiser son génie à résoudre un problème insoluble, il se serait abstenu de le poser (XXVI).

CHAPITRE XXIX.

S'il existe de véritables jugements synthétiques à priori, dans le sens de Kant.

278. Le philosophe allemand accorde à sa découverte imaginaire une grande importance; c'est pourquoi nous allons la soumettre à un examen approfondi.

Si la question présente eût été posée, dit-il, elle aurait coupé court à tous les systèmes de raison pure élevés par la philosophie; elle aurait épargné bien des tentatives infructueuses dans lesquelles on s'est jeté à l'aveugle sans savoir ce dont il s'agissait » Critique de la raison pure, introduction). Ce passage n'est rien moins que modeste; il importe de connaitre un système qui s'annonce avec tant de solennité.

En voici l'exposé : « Dans les jugements synthétiques, je dois posséder, en même temps que l'idée du sujet, quelque autre chose (X) qui m'aide à reconnaître qu'un attribut, non contenu dans cette idée, ne laisse pas de lui appartenir.

Quant aux jugements empiriques ou d'expérience, point de difficulté; cette X est l'expérience ou la connaissance complète de l'objet, que je connais en vertu d'une idée a, laquelle ne me donne qu'une portion de cette expérience. En effet, bien

que dans l'idée de corps, en général, je ne comprenne point l'attribut pesanteur, cette idée exprime cependant une portion totale de l'expérience; je puis donc lui adjoindre une autre partie de la même expérience, comme appartenant à la première idée. Je puis, d'avance, reconnaître analytiquement l'idée de corps par les caractères d'étendue, d'impénétrabilité, de figure, etc., caractères que je conçois dans cette idée. Mais, si j'étends ma connaissance, en portant mon attention du côté de l'expérience d'où j'ai tiré cette idée, je trouve toujours la pesanteur unie aux caractères précédents. Cette X, placée en dehors de l'idée a, cette X, fondement de la possibilité de la synthèse de l'attribut pesanteur avec l'idée a, appartient donc à l'expérience.

« Mais dans les jugements synthétiques à priori, ce moyen manque absolument. S'il me faut sortir de l'idée a pour prendre connaissance d'une autre idée b, comme étant unie à cette première, sur quoi m'appuyer? et comment la synthèse sera-t-elle possible, puisque je ne puis recourir à l'expérience?

Mystère que nous devons pénétrer avant de nous engager dans le champ sans limites de la connaissance intellectuelle pure. » (Ibidem.)

279. La raison de cette synthèse, nous la trouvons dans la faculté que possède notre entendement de former des idées totales dans lesquelles il découvre le rapport des idées partielles qui les constituent; la légitimité de cette synthèse repose sur les mêmes. principes que le criterium de l'évidence.

Ce que l'on appelle synthèse, dans les écoles, est un ensemble, une réunion d'idées; sont tenues pour analytiques les idées totales dont l'analyse laisse voir les idées partielles et le rapport des idées partielles qu'elles contiennent.

Si Kant s'était renfermé dans les jugements d'expérience, sa doctrine n'aurait rien d'inacceptable; étendue à l'ordre intellectuel pur, elle ne peut être admise, au moins quant à l'expression.

280. Selon ce philosophe, les jugements qui ont les mathématiques pour objet sont tous synthétiques. « Vérité incontestable, ajoute-t-il, dont l'importance s'est jusqu'à ce jour dérobée aux penseurs mes devanciers >

Faut-il accuser la sagacité des devanciers du philosophe de Koenigsberg? Le lecteur jugera.

Voici son raisonnement : « On pourrait croire, à première vue, que la proposition 7+5= 12, est une proposition purement analytique, résultant de l'idée sept plus cinq, en vertu du principe de contradiction: une observation plus attentive fait voir que la compréhension de la somme sept et cinq ne renferme autre chose que l'union de deux nombres en un seul, ce qui n'entraîne, en aucune façon, l'idée ou la compréhension du nombre unique composé des deux autres. »

Si l'on prétend qu'un homme puisse entendre cette proposition sept plus cinq, saus toutefois penser douze, parce qu'il ne voit pas d'une manière assez évidente l'identité des deux idées dans la diversité de

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