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méchants, ou en ne les croyant pas sur ce qu'ils ont dit de JÉSUSCHRIST.

X.

Tout homme peut faire ce qu'a fait Mahomet : car il n'a point fait de miracles; il n'a point été prédit, etc. Nul homme ne peut faire ce qu'a fait JÉSUS-CHRIST.

Mahomet s'est établi en tuant, JÉSUS-CHRIST en faisant tuer les siens; Mahomet en défendant de lire, JESUS CHRIST en ordonnant de lire. Enfin cela est si contraire, que si Mahomet a pris la voie de réussir humainement, JÉSUS-CHRIST a pris celle de périr humainement. Et au lieu de conclure que, puisque Mahomet a réussi, JÉSUS-CHRIST a bien pu réussir, il faut dire que, puisque Mahomet a réussi, le christianisme devoit périr s'il n'eût été soutenu par une force toute divine.

ARTICLE XIII.

DESSEIN DE DIEU DE SE CACHER AUX UNS, ET DE SE DÉCOUVRIR AUX AUTRES.

I.

Dieu a voulu racheter les hommes, et ouvrir le salut à ceux qui le chercheroient. Mais les hommes s'en rendent si indignes, qu'il est juste qu'il refuse à quelques uns, à cause de leur endurcissement, ce qu'il accorde aux autres par une miséricorde qui ne leur est pas due. S'il eût voulu surmonter l'obstination des plus endurcis, il l'eût pu, en se découvrant si manifestement à eux, qu'ils n'eussent pu douter de la vérité de son existence; et c'est ainsi qu'il paroîtra au dernier jour, avec un tel éclat de foudres et un tel renversement de la nature, que les plus aveugles le verront.

Ce n'est pas en cette sorte qu'il a voulu paroître dans son avénement de douceur, parceque tant d'hommes se rendant indignes de sa clémence, il a voulu les laisser dans la privation du bien qu'ils ne veulent pas. Il n'étoit donc pas juste qu'il parût d'une manière manifestement divine, et absolument capable de convaincre tous les hommes; mais il n'étoit pas juste aussi qu'il vint d'une manière si cachée qu'il ne pût être reconnu de ceux qui le chercheroient sincèrement. Il a voulu se rendre parfaitement connoissable à ceux-là; et ainsi, voulant paroître à découvert à ceux qui le cherchent de tout leur cœur, et caché à ceux qui le fuient de tout leur cœur, il tempère sa connoissance, en sorte qu'il a

donné des marques de soi visibles à ceux qui le cherchent, et obscures à ceux qui ne le cherchent pas.

II.

Il y a assez de lumière pour ceux qui ne desirent que de voir, et assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire. Il y a assez de clarté pour éclairer les élus, et assez d'obscurité pour les humilier. Il y a assez d'obscurité pour aveugler les réprouvés, et assez de clarté pour les condamner et les rendre inexcusables.

Si le monde subsistoit pour instruire l'homme de l'existence de Dieu, sa divinité y reluiroit de toutes parts d'une manière incontestable; mais, comme il ne subsiste que par JÉSUS-CHRIST et pour JÉSUS-CHRIST, et pour instruire les hommes, et de leur corruption, et de la rédemption, tout y éclate des preuves de ces deux vérités. Ce qui y paroît ne marque ni une exclusion totale, ni une présence manifeste de divinité, mais la présence d'un Dieu qui se cache tout porte ce caractère.

S'il n'avoit jamais rien paru de Dieu, cette privation éternelle seroit équivoque, et pourroit aussi bien se rapporter à l'absence de toute divinité qu'à l'indignité où seroient les hommes de le connoître. Mais de ce qu'il paroît quelquefois, et non toujours, cela ôte l'équivoque. S'il paroît une fois, il est toujours; et ainsi on ne peut en conclure autre chose, sinon qu'il y a un Dieu, et que les hommes en sont indignes.

III.

Le dessein de Dieu est plus de perfectionner la volonté que l'esprit. Or, la clarté parfaite ne serviroit qu'à l'esprit, et nuiroit à la volonté. S'il n'y avoit point d'obscurité, l'homme ne sentiroit pas sa corruption. S'il n'y avoit point de lumière, l'homme n'espéreroit point de remède. Ainsi il est non seulement juste, mais utile pour nous, que Dieu soit caché en partie, et découvert en partie, puisqu'il est également dangereux à l'homme de connoître Dieu sans connoître sa misère, et de connoître sa misère sans connoître Dieu.

IV.

Tout instruit l'homme de sa condition; mais il faut bien l'entendre: car il n'est pas vrai que Dieu se découvre en tout, et il n'est pas vrai qu'il se cache en tout. Mais il est vrai tout ensemble qu'il se cache à ceux qui le tentent, et qu'il se découvre à ceux qui le cherchent; parceque les hommes sont tout ensemble in

dignes de Dieu et capables de Dieu : indignes par leur corruption, capables par leur première nature.

V.

Il n'y a rien sur la terre qui ne montre, ou la misère de l'homme, ou la miséricorde de Dieu; ou l'impuissance de l'homme sans Dieu, ou la puissance de l'homme avec Dieu. Tout l'univers apprend à l'homme, ou qu'il est corrompu, ou qu'il est racheté. Tout lui apprend sa grandeur ou sa misère. L'abandon de Dieu paroît dans les païens; la protection de Dieu paroît dans les Juifs.

VI.

Tout tourne en bien pour les élus, jusqu'aux obscurités de l'Écriture; car ils les honorent, à cause des clartés divines qu'ils y voient; et tout tourne en mal aux réprouvés, jusqu'aux clartés; car ils les blasphèment, à cause des obscurités qu'ils n'entendent pas.

VII.

Si JÉSUS-CHRIST n'étoit venu que pour sanctifier, toute l'Écriture et toutes choses y tendroient, et il seroit bien aisé de convaincre les infidèles. Mais comme il est venu in sanctificationem et in scandalum, comme dit Isaïe (Is., 8, 14), nous ne pouvons convaincre l'obstination des infidèles mais cela ne fait rien contre nous, puisque nous disons qu'il n'y a point de conviction dans toute la conduite de Dieu pour les esprits opiniâtres, et qui ne cherchent pas sincèrement la vérité.

JÉSUS-CHRIST est venu afin que ceux qui ne voyoient point vissent, et que ceux qui voyoient devinssent aveugles: il est venu guérir les malades, et laisser mourir les sains; appeler les pécheurs à la pénitence et les justifier, et laisser ceux qui se croyoient justes dans leurs péchés; remplir les indigents, et laisser les riches vides.

Que disent les prophètes de JÉSUS-CHRIST? Qu'il sera évidemment Dieu? Non mais qu'il est un Dieu véritablement caché; qu'il sera méconnu; qu'on ne pensera point que ce soit lui; qu'il sera une pierre d'achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc.

C'est pour rendre le Messie connoissable aux bons et méconnoissable aux méchants que Dieu l'a fait prédire de la sorte. Si la manière du Messie eût été prédite clairement, il n'y eût point eu d'obscurité, même pour les méchants. Si le temps eût

été prédit obscurément, il y eût eu obscurité, même pour les bons; car la bonté de leur cœur ne leur eût pas fait entendre qu'un, par exemple, signifie six cents ans'. Mais le temps a été prédit clairement, et la manière en figures.

Par ce moyen, les méchants, prenant les biens promis pour des biens temporels, s'égarent malgré le temps prédit clairement; et les bons ne s'égarent pas car l'intelligence des biens promis dépend du cœur, qui appelle bien ce qu'il aime; mais l'intelligence du temps promis ne dépend point du cœur ; et ainsi la prédiction claire du temps, et obscure des biens, ne trompe que les méchants.

VIII.

Comment falloit-il que fût le Messie, puisque par lui le sceptre devoit être éternellement en Juda, et qu'à son arrivée le sceptre devoit être ôté de Juda?

Pour faire qu'en voyant ils ne voient point, et qu'en entendant ils n'entendent point, rien ne pouvoit être mieux fait.

Au lieu de se plaindre de ce que Dieu s'est caché, il faut lui rendre grace de ce qu'il s'est tant découvert, et lui rendre grace aussi de ce qu'il ne s'est pas découvert aux sages ni aux superbes, indignes de connoître un Dieu si saint.

IX.

La généalogie de JÉSUS-CHRIST dans l'ancien Testament est mêlée parmi tant d'autres inutiles, qu'on ne peut presque la discerner. Si Moïse n'eût tenu registre que des ancêtres de JésusCHRIST, cela eût été trop visible. Mais, après tout, qui regarde de près voit celle de JÉSUS-CHRIST bien discernée par Thamar, Ruth, etc.

Les foiblesses les plus apparentes sont des forces à ceux qui prennent bien les choses par exemple, les deux généalogies de saint Matthieu et de saint Luc; il est visible que cela n'a pas été fait de concert.

ར.

Qu'on ne nous reproche donc plus le manque de clarté, puisque nous en faisons profession. Mais que l'on reconnoisse la vérité de la religion dans l'obscurité même de la religion, dans le peu

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L'auteur fait ici allusion à ce que chez les Hébreux, comme chez les Grecs toutes les lettres de l'alphabet ont leur valeur numérale, en sorte qu'elles tiennent. lieu de chiffres.

de lumière que nous en avons, et dans l'indifférence que nous avons de la connoître.

S'il n'y avoit qu'une religion, Dieu seroit trop manifeste; s'il n'y avoit de martyrs qu'en notre religion, de même.

JÉSUS-CHRIST, pour laisser les méchants dans l'aveuglement, ne dit pas qu'il n'est point de Nazareth, ni qu'il n'est point fils de Joseph.

XI.

Comme JÉSUS-CHRIST est demeuré inconnu parmi les hommes, la vérité demeure aussi parmi les opinions communes,, sans différence à l'extérieur : ainsi l'Eucharistie parmi le pain commun.

Si la miséricorde de Dieu est si grande qu'il nous instruit salutairement, même lorsqu'il se cache, quelle lumière ne devonsnous pas en attendre lorsqu'il se découvre?

On n'entend rien aux ouvrages de Dieu si on ne prend pour principe qu'il aveugle les uns et éclaire les autres.

ARTICLE XIV.

QUE LES VRAIS CHRÉTIENS ET LES VRAIS JUIFS N'ONT QU'UNE MÊME

RELIGION.
I.

La religion des Juifs sembloit consister essentiellement en la paternité d'Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l'arche, au temple de Jérusalem, et enfin en la loi et en l'alliance de Moïse.

Je dis qu'elle ne consistoit en aucune de ces choses, mais seulement en l'amour de Dieu, et que Dieu réprouvoit toutes les autres choses;

Que Dieu n'avoit point d'égard au peuple charnel qui devoit sortir d'Abraham;

Que les Juifs seront punis de Dieu comme les étrangers, s'ils l'offensent: Si vous oubliez Dieu, et que vous suiviez des dieux étrangers, je vous prédis que vous périrez de la même manière que les nations que Dieu a exterminées devant vous (Deut., 8, 19, 20.);

Que les étrangers seront reçus de Dieu comme les Juifs, l'aiment;

s'ils

Que les vrais Juifs ne considéroient leur mérite que de Dieu, et non d'Abraham: Vous êtes véritablement notre Père, et Abra

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