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droit pas pour ce qu'il est; qu'on le rejetteroit, qu'on le tueroit; que son peuple, qui l'auroit renié, ne seroit plus son peuple; que les idolâtres le recevroient, et auroient recours à lui; qu'il quitteroit Sion pour régner au centre de l'idolâtrie; que néanmoins les Juifs subsisteroient toujours; qu'il devoit sortir de Juda, et quand il n'y auroit plus de rois.

IV.

Qu'on considère que depuis le commencement du monde l'attente ou l'adoration du Messie subsiste sans interruption; qu'il a été promis au premier homme aussitôt après sa chute; qu'il s'est trouvé depuis des hommes qui ont dit que Dieu leur avoit révélé qu'il devoit naître un Rédempteur qui sauveroit son peuple'; qu'Abraham est venu ensuite dire qu'il avoit eu révélation qu'il naîtroit de lui, par un fils qu'il auroit; que Jacob a déclaré que de ses douze enfants, ce seroit de Juda qu'il naîtroit; que Moïse et les prophètes sont venus ensuite déclarer le temps et la manière de sa venue; qu'ils ont dit que la loi qu'ils avoient n'étoit qu'en attendant celle du Messie; que jusque-là elle subsisteroit, mais que l'autre dureroit éternellement ; qu'ainsi leur loi ou celle du Messie, dont elle étoit la promesse, seroit toujours sur la terre; qu'en effet elle a toujours duré; et qu'enfin JÉSUS-CHRIST est venu dans toutes les circonstances prédites. Cela est admirable.

Si cela étoit si clairement prédit aux Juifs, dira-t-on, comment ne l'ont-ils pas cru? ou comment n'ont-ils pas été exterminés pour avoir résisté à une chose si claire? Je réponds que l'un et l'autre a été prédit, et qu'ils ne croiroient point une chose si claire, et qu'ils ne seroient point exterminés. Et rien n'est plus glorieux au Messie; car il ne suffisoit pas qu'il y eût des prophètes, il falloit que leurs prophéties fussent conservées sans soupçon. Or, etc.

V.

Les prophètes sont mêlés de prophéties particulières, et de celles du Messie, afin que les prophéties du Messie ne fussent pas sans preuves, et que les prophéties particulières ne fussent pas sans fruit.

Non habemus regem nisi Cæsarem, disoient les Juifs. (JOAN., 19, 15.) Donc JÉSUS-CHRIST étoit le Messie, puisqu'ils n'avoient plus de roi qu'un étranger, et qu'ils n'en vouloient point d'autre.

C'est-à-dire des hommes qui ont transmis, de race en race, depuis Adam jusqu'à Noé, et depuis Noé jusqu'à Abraham, la promesse qui en avoit été faite au premier homme. Voyez part. II, art. Iv, § 5, où l'auteur entre dans quelques développements à ce sujet.

Les septante semaines de Daniel sont équivoques pour le terme du commencement, à cause des termes de la prophétie; et pour le terme de la fin, à cause des diversités des chronologistes. Mais toute cette différence ne va qu'à deux cents ans 1.

Les prophéties qui représentent JÉSUS-CHRIST pauvre le représentent aussi maitre des nations. (Is., 53, 2 et suiv. ZACH., 9, 9 et 10.)

Les prophéties qui prédisent le temps ne le prédisent que maltre des Gentils et souffrant, et non dans les nues, ni juge; et celles qui le représentent ainsi jugeant les nations et glorieux ne marquent point le temps.

Quand il est parlé du Messie comme grand et glorieux, il est visible que c'est pour juger le monde, et non pour le racheter. (Is., 66, 15, 16.)

ARTICLE XII.

DIVERSES PREUVES DE JÉSUS-CHRIST.

I.

Pour ne pas croire les apôtres, il faut dire qu'ils ont été trom

' Il y a évidemment faute ici; et il est surprenant que de tous les éditeurs qui m'ont précédé, celui de 1787 soit le seul qui l'ait fait observer. Pascal, comme on l'a dit, écrivoit ses pensées à la hâte, sans suite, et comme de simples notes. Il y a tout lieu de présumer qu'en voulant mettre 20 ans, il aura, par inadvertance, ajouté un zéro qui a formé deux cents. Pour justifier cette présomption, je ne puis mieux faire que de rapporter ici la note de l'éditeur de 1787:

« Avant JÉSUS-CHRIST, la différence dont il est ici question ne pouvoit rouler que sur environ quatre-vingts ans, depuis le premier ordre donné par Cyrus pour renvoyer les Juifs à Jérusalem, vers l'an 536 avant notre ère vulgaire, jusqu'au dernier ordre donné par Artaxerxès-Longue-Main pour le rétablissement des murs de Jérusalem, vers l'an 454. Depuis JÉSUS-CHRIST, la différence ne roule plus que sur environ vingt ans ; car les chronologistes conviennent assez que les septante semaines ne peuvent commencer qué sous le règne d'Artaxerxès-Longue-Main; mais les uns les prennent de la permission donnée à Esdras par ce prince dans la septième année de son règne, et les autres les prennent de la permission donnée à Néhémias par ce même prince dans la vingtième année; les uns comptent ces années depuis son association à l'empire par son père Xerxès, vers l'an 474 avant notre ère vulgaire, en sorte que la septième année tomberoit en 467, qui est l'année de la mort de Xerxès : les autres les comptent depuis la mort de Xerxès, en sorte que la vingtième tomberoit en 447, ce qui donne précisément un intervalle de vingt ans, depuis 467 jusqu'à 447. Les uns pensent que les années dont parle Daniel sont des années lunaires; les autres les prennent pour des années solaires. Enfin tous varient sur l'époque précise de la septième et de la vingtième année; mais aussi tous s'accordent à mettre ces deux époques dans l'intervalle de ces vingt années, depuis 467 jusqu'à 447. »

Ces faits et les opinions des chronologistes ne pouvoient être ignorés de Pascal : comment pourroit-il donc se faire qu'il eût mis deux cents ans en connoissance de cause, et, par-là, affoibli volontairement l'autorité des prophéties? On ne peut raisonnablement le supposer. (Note de l'édit. de 1822.)

pés, ou trompeurs. L'un et l'autre est difficile. Car, pour le premier, il n'est pas possible de s'abuser à prendre un homme pour être ressuscité; et pour l'autre, l'hypothèse qu'ils aient été fourbes est étrangement absurde. Qu'on la suive tout au long; qu'on s'imagine ces douze hommes assemblés après la mort de JésusCHRIST, faisant le complot de dire qu'il est ressuscité. Ils attaquent par là toutes les puissances. Le cœur des hommes est étrangement penchant à la légèreté, au changement, aux promesses, aux biens. Si peu qu'un d'eux se fût démenti par tous ces attraits, et, qui plus est, par les prisons, par les tortures et par la mort, ils étoient perdus. Qu'on suive cela.

Tandis que Jésus-CHRIST étoit avec eux, il pouvoit les soutenir. Mais après cela, s'il ne leur est apparu, qui les a fait agir?

II.

Le style de l'Évangile est admirable en une infinité de manières, et entre autres en ce qu'il n'y a aucune invective de la part des historiens contre Judas, ou Pilate, ni contre aucun des ennemis ou des bourreaux de JÉSUS-CHRIST.

Si cette modestie des historiens évangéliques avoit été affectée, aussi bien que tant d'autres traits d'un si beau caractère, et qu'ils ne l'eussent affectée que pour la faire remarquer; s'ils n'avoient osé la remarquer eux-mêmes, ils n'auroient pas manqué de se procurer des amis, qui eussent fait ces remarques à leur avantage. Mais comme ils ont agi de la sorte sans affectation, et par un mouvement tout désintéressé, ils ne l'ont fait remarquer par personne je ne sais même si cela a été remarqué jusques ici; et c'est ce qui témoigne la naïveté avec laquelle la chose a été faite.

III.

JÉSUS-CHRIST a fait des miracles, et les apôtres ensuite, et les premiers saints en ont fait aussi beaucoup; parceque les prophéties n'étant pas encore accomplies, et s'accomplissant par eux, rien ne rendoit témoignage que les miracles. Il étoit prédit que le Messie convertiroit les nations. Comment cette prophétie se fûtelle accomplie sans la conversion des nations? Et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent? Avant donc qu'il fût mort, qu'il fût ressuscité, et que les nations fussent converties, tout n'étoit pas accompli; et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps-là. Maintenant il n'en faut plus pour prouver la vé

rité de la religion chrétienne; car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant.

IV.

L'état où l'on voit les Juifs est encore une grande preuve de la religion. Car c'est une chose étonnante de voir ce peuple subsister depuis tant d'années, et de le voir toujours misérable : étant nécessaire pour la preuve de JESUS-CHRIST, et qu'ils subsistent pour le prouver, et qu'ils soient misérables, puisqu'ils l'ont crucifié; et quoiqu'il soit contraire d'être misérable et de subsister, il subsiste néanmoins toujours malgré sa misère.

Mais n'ont-ils pas été presque au même état au temps de la captivité? Non. Le sceptre ne fut point interrompu par la captivité de Babylone, à cause que le retour étoit promis et prédit. Quand Nabuchodonosor emmena le peuple, de peur qu'on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda, il leur fut dit auparavant qu'ils y seroient peu, et qu'ils seroient rétablis. Ils furent toujours consolés par les prophètes, et leurs rois continuèrent. Mais la seconde destruction est sans promesse de rétablissement, sans prophètes, sans rois, sans consolation, sans espérance, parceque le sceptre est ôté pour jamais.

Ce n'est pas avoir été captif que de l'avoir été avec assurance d'être délivré dans soixante-dix ans. Mais maintenant ils le sont sans aucun espoir.

Dieu leur a promis qu'encore qu'il les dispersât aux extrémités du monde, néanmoins, s'ils étoient fidèles à sa loi, il les rassembleroit. Ils y sont très fidèles, et demeurent opprimés. Il faut donc que le Messie soit venu, et que la loi qui contenoit ces promesses soit finie par l'établissement d'une loi nouvelle.

V.

Si les Juifs eussent été tous convertis par JESUS-CHRIST, nous n'aurions plus que des témoins suspects; et s'ils avoient été exterminés, nous n'en aurions point du tout.

Les Juifs le refusent, non pas tous. Les saints le reçoivent, et non les charnels. Et tant s'en faut que cela soit contre sa gloire, que c'est le dernier trait qui l'achève. La raison qu'ils en ont, et la seule qui se trouve dans leurs écrits, dans le Talmud et dans les rabbins, n'est que parceque Jésus-CHRIST n'a pas dompté les nations à main armée. JÉSUS-CHRIST a été tué, disent-ils; il a succombé; il n'a pas dompté les païens par sa force; il ne nous a pas donné leurs dépouilles; il ne donne point de richesses. N'ont

ils que cela à dire? C'est en cela qu'il m'est aimable. Je ne voudrois point celui qu'ils se figurent.

VI.

Qu'il est beau de voir, par les yeux de la foi, Darius, Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode agir, sans le savoir, pour la gloire de l'Évangile!

VII.

La religion mahométane a pour fondement l'Alcoran et Mahomet. Mais ce prophète, qui devoit être la dernière attente du monde, a-t-il été prédit? Et quelle marque a-t-il que n'ait aussi tout homme qui voudra se dire prophète? Quels miracles dit-il lui-même avoir faits? Quel mystère a-t-il enseigné selon sa tradition même? Quelle morale et quelle félicité ?

Mahomet est sans autorité. Il faudroit donc que ses raisons fussent bien puissantes, n'ayant que leur propre force.

VIII.

Si deux hommes disent des choses qui paroissent basses, mais que les discours de l'un aient un double sens, entendu par ceux qui le suivent, et que les discours de l'autre n'aient qu'un seul sens : si quelqu'un, n'étant pas du secret, entend discourir les deux en cette sorte, il en fera un même jugement. Mais si ensuite, dans le reste du discours, l'un dit des choses angéliques, et l'autre toujours des choses basses et communes, et même des sottises, il jugera que l'un parloit avec mystère, et non pas l'autre; l'un ayant assez montré qu'il est incapable de telles sottises, et capable d'être mystérieux; et l'autre, qu'il est incapable de mystères, et capable de sottises.

IX.

Ce n'est pas par ce qu'il y a d'obscur dans Mahomet, et qu'on peut faire passer pour avoir un sens mystérieux, que je veux qu'on en juge, mais par ce qu'il y a de clair, par son paradis, et par le reste. C'est en cela qu'il est ridicule. Il n'en est pas de même de l'Écriture. Je veux qu'il y ait des obscurités, mais il y a des clartés admirables, et des prophéties manifestes accomplies. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas confondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l'obscurité, et non pas par les clartés, qui méritent, quand elles sont divines, qu'on révère les obscurités.

L'Alcoran dit que saint Matthieu étoit homme de bien. Donc Mahomet étoit faux prophète, ou en appelant gens de bien des

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