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Osée a prédit qu'ils seroient sans roi, sans prince, sans sacri fices et sans idoles; ce qui est accompli aujourd'hui, (les Juifs ne pouvant faire de sacrifice légitime hors de Jérusalem.

XIV.

Quand la parole de Dieu, qui est véritable, est fausse littéralement, elle est vraie spirituellement. Sede a dextris meis. Cela est faux, littéralement dit; cela est vrai spirituellement. En ces expressions, il est parlé de Dieu à la manière des hommes; et cela ne signifie autre chose, sinon que l'intention que les hommes ont en faisant asseoir à leur droite, Dieu l'aura aussi. C'est donc une marque de l'intention de Dieu, et non de sa manière de l'exé

cuter.

Ainsi, quand il est dit: Dieu a reçu l'odeur de vos parfums, et vous donnera en récompense une terre fertile et abondante; c'està-dire que la même intention qu'auroit un homme qui, agréant vos parfums, vous donneroit en récompense une terre abondante, Dieu l'aura pour vous, parceque vous avez eu pour lui la même intention qu'un homme a pour celui à qui il donne des parfums.

XV.

L'unique objet de l'Écriture est la charité. Tout ce qui ne va point à l'unique but en est la figure : car, puisqu'il n'y a qu'un but, tout ce qui n'y va point en mots propres est figure.

Dieu diversifie ainsi cet unique précepte de charité pour satisfaire notre foiblesse, qui recherche la diversité, par cette diversité qui nous mène toujours à notre unique nécessaire. Car une seule chose est nécessaire, et nous aimons la diversité; et Dieu satisfait à l'un et à l'autre par ces diversités, qui mènent à ce seul nécessaire.

XVI.

Les rabbins prennent pour figures les mamelles de l'épouse, et tout ce qui n'exprime pas l'unique but qu'ils ont des biens temporels.

XVII.

Il y en a qui voient bien qu'il n'y a pas d'autre ennemi de l'homme que la concupiscence qui le détourne de Dieu, ni d'autre bien que Dieu, et non pas une terre fertile. Ceux qui croient que le bien de l'homme est en la chair, et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens, qu'ils s'en saoulent, et qu'ils y meurent. Mais ceux qui cherchent Dieu de tout leur cœur, qui n'ont de déplaisir que d'être privés de sa vue, qui n'ont de desir que pour

le posséder, et d'ennemis que ceux qui les en détournent; qui s'affligent de se voir environnés et dominés de tels ennemis : qu'ils se consolent; il y a un libérateur pour eux, il y a un Dieu pour eux. Un Messie a été promis pour délivrer des ennemis; et il en cst venu un pour délivrer des iniquités, mais non pas des ennemis. XVIII.

Quand David prédit que le Messie délivrera son peuple de ses ennemis, on peut croire charnellement que ce sera des Égyptiens; et alors je ne saurois montrer que la prophétie soit accomplie. Mais on peut bien croire aussi que ce sera des iniquités : car, dans la vérité, les Égyptiens ne sont pas des ennemis; mais les iniquités le sont. Ce mot d'ennemis est donc équivoque.

Mais s'il dit à l'homme, comme il fait, qu'il délivrera son peuple de ses péchés, aussi bien qu'Isaïe et les autres, l'équivoque est ôtée, et le sens double des ennemis réduit au sens simple d'iniquités : car s'il avoit dans l'esprit les péchés, il pouvoit bien les dénoter par cnnemis; mais s'il pensoit aux ennemis, il ne pouvoit pas les désigner par iniquités.

Or, Moïse, David et Isaïe usoient des mêmes termes. Qui dira donc qu'ils n'avoient pas le même sens, et que le sens de David, qui est manifestement d'iniquités lorsqu'il parloit d'ennemis, ne fût pas le même que celui de Moïse en parlant d'ennemis?

Daniel, chap. 9, prie pour la délivrance du peuple de la captivité de leurs ennemis mais il pensoit aux péchés, et, pour le montrer, il dit que Gabriel vint lui dire qu'il étoit exaucé, et qu'il n'avoit que septante semaines à attendre, après quoi le peuple seroit délivré d'iniquité, le péché prendroit fin, et le libérateur, le saint des saints, amèneroit la justice éternelle, non la légale, mais l'éternelle.

Dès qu'une fois on a ouvert ce secret, il est impossible de ne pas le voir. Qu'on lise l'ancien Testament en cette vue, et qu'on voie si les sacrifices étoient vrais, si la parenté d'Abraham étoit la vraie cause de l'amitié de Dieu, si la terre promise étoit le véritable lieu de repos. Non. Donc c'étoient des figures. Qu'on voie de même toutes les cérémonies ordonnées et tous les commandements qui ne sont pas de la charité, on verra que c'en sont les figures.

ARTICLE X.

DE JÉSUS-CHRIST.

I.

La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle.

Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit. La grandeur des gens d'esprit est invisible aux riches, aux rois, aux conquérants, et à tous ces grands de chair. La grandeur de la sagesse qui vient de Dieu est invisible aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres de différents genres.

Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur grandeur, leurs victoires, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles, qui n'ont nul rapport avec celles qu'ils cherchent. Ils sont vus des esprits, non des yeux; mais c'est assez. Les saints ont leur empire, leur éclat, leurs grandeurs, leurs victoires, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, qui ne sont pas de leur ordre, et qui n'ajoutent ni n'ôtent à la grandeur qu'ils desirent. Ils sont vus de Dieu et des anges, et non des corps ni des esprits curieux Dieu leur suffit.

Archimède, sans aucun éclat de naissance, seroit en même vénération il n'a pas donné des batailles, mais il a laissé à tout l'univers des inventions admirables. O qu'il est grand et éclatant aux yeux de l'esprit! JÉSUS-CHRIST, sans bien et sans aucune production de science au dehors, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'inventions, il n'a point régné ; mais il est humble, patient, saint devant Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. O qu'il est venu en grande pompe et en une prodigicuse magnificence aux yeux du cœur, et qui voient la sagesse!

Il eût été inutile à Archimède de faire le prince dans ses livres de géométrie, quoiqu'il le fût. Il eût été inutile à notre Seigneur JÉSUS-CHRIST, pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi mais qu'il est bien venu avec l'éclat de son ordre!

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Il est ridicule de se scandaliser de la bassesse de JÉSUS CHRIST comme si cette bassesse étoit du même ordre que la grandeur qu'il venoit faire paroître. Qu'on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans

l'élection des siens, dans leur fuite, dans sa secrète résurrection, et dans le reste; on la verra si grande, qu'on n'aura pas sujet de se scandaliser d'une bassesse qui n'y est pas. Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles, comme s'il n'y en avoit pas de spirituelles; et d'autres qui n'admirent que les spirituelles, comme s'il n'y en avoit pas d'infiniment plus hautes dans la sagesse.

Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et les royaumes, ne valent pas le moindre des esprits; car il connoît tout cela, et soi-même; et le corps, rien. Et tous les corps, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité; car elle est d'un ordre infiniment plus élevé.

De tous les corps ensemble on ne sauroit tirer la moindre pensée; cela est impossible, et d'un autre ordre. Tous les corps et les esprits ensemble ne sauroient produire un mouvement de vraie charité; cela est impossible, et d'un autre ordre tout surnaturel. II.

JÉSUS-CHRIST a été dans une obscurité (selon ce que le monde appelle obscurité) telle, que les historiens, qui n'écrivent que les choses importantes, l'ont à peine aperçu.

III.

Quel homme eut jamais plus d'éclat que Jésus-CHRIST? Le peuple juif tout entier le prédit avant sa venue. Le peuple gentil l'adore après qu'il est venu. Les deux peuples gentil et juif le regardent comme leur centre. Et cependant quel homme jouit jamais moins de tout cet éclat? De trente-trois ans, il en vit trente sans paroître. Dans les trois autres, il passe pour un imposteur; les prêtres et les principaux de sa nation le rejettent; ses amis et ses proches le méprisent. Enfin il meurt d'une mort honteuse, trahi par un des siens, renié par l'autre, et abandonné de tous. Quelle part a-t-il donc à cet éclat? Jamais homme n'a eu tant - d'éclat; jamais homme n'a eu plus d'ignominie. Tout cet éclat n'a servi qu'à nous, pour nous le rendre reconnoissable; et il n'en a rien eu pour lui.

IV.

JÉSUS-CHRIST parle des plus grandes choses si simplement, qu'il semble qu'il n'y a pas pensé ; et si nettement néanmoins, qu'on voit bien ce qu'il en pensoit. Cette clarté, jointe à cette naïveté, est admirable.

Qui a appris aux évangélistès les qualités d'une ame véritablement héroïque, pour la peindre si parfaitement en JÉSUS-CHRIST? Pourquoi le font-ils foible dans son agonie? Ne savent-ils pas peindre une mort constante? Oui, sans doute; car le même saint Luc peint celle de saint Étienne plus forte que celle de JÉSUSCHRIST. Ils le font donc capable de crainte avant que la nécessité de mourir soit arrivée, et ensuite tout fort. Mais quand ils le font troublé, c'est quand il se trouble lui-même; et quand les hommes le troublent, il est tout fort.

L'Église s'est vue obligée de montrer que JÉSUS-CHRIST étoit homme, contre ceux qui le nioient, aussi bien que de montrer qu'il étoit Dieu; et les apparences étoient aussi grandes contré l'un que contre l'autre.

JÉSUS-CHRIST est un Dieu dont on s'approche sans orgueil, et sous lequel on s'abaisse sans désespoir.

V.

La conversion des païens étoit réservée à la grace du Messie. Les Juifs, ou n'y ont point travaillé, ou l'ont fait sans succès : tout ce qu'en ont dit Salomon et les prophètes a été inutile. Les sages, comme Platon et Socrate, n'ont pu leur persuader de n'adorer que le vrai Dieu.

L'Évangile ne parle de la virginité de la Vierge que jusqu'à la naissance de JÉSUS-CHRIST : tout par rapport à JÉSUS-CHRIST.

Les deux Testaments regardent JÉSUS-CHRIST, l'ancien comme son attente, le nouveau comme son modèle, tous deux comme leur centre.

Les prophètes ont prédit, et n'ont pas été prédits. Les saints ensuite sont prédits, mais non prédisants. JÉSUS-CHRIST est prédit et prédisant.

JÉSUS-CHRIST ponr tous, Moïse pour un peuple.

Les Juifs bénis en Abraham : Je bénirai ceux qui te béniront. (Genèse, 12, 3.) Mais toutes nations bénies en sa semence. (Genèse, 18, 18.)

Lumen ad revelationem gentium. (Luc, 2, 32.)

Non fecit taliter omni nationi (Ps. 147, 20), disoit David en parlant de la loi. Mais en parlant de Jésus-CHRIST, il faut dire : Fecit taliter omni nationi.

Aussi c'est à JESUS-CHRIST d'être universel. L'Église même n'offre le sacrifice que pour les fidèles: JÉSUS-CHRIST a offert celui de la croix pour tous.

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