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donner, soit dans les maux qu'il m'envoie pour mon bien, et qu'il m'a appris à souffrir par son exemple.

Dès là je réfute toutes les autres religions: par là je trouve rëponse à toutes les objections. Il est juste qu'un Dieu si pur ne se découvre qu'à ceux dont le cœur est purifié.

Je trouve d'effectif que, depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple. Il est annoncé constamment aux hommes qu'ils sont dans une corruption universelle, mais qu'il viendra un réparateur : ce n'est pas un seul homme qui le dit, mais une infinité, et un peuple entier prophétisant durant quatre mille ans.

ARTICLE IX.

DES FIGURES; QUE L'ANCIENNE LOI ÉTOIT FIGURATIVE.

I.

Il y a des figures claires et démonstratives; mais il y en a d'autres qui semblent moins naturelles, et qui ne prouvent qu'à ceux qui sont persuadés d'ailleurs. Ces figures-là seroient semblables à celles -de ceux qui fondent des prophéties sur l'Apocalypse, qu'ils expliquent à leur fantaisie. Mais la différence qu'il y a, c'est qu'ils n'en ont point d'indubitables qui les appuient. Tellement qu'il n'y a rien de si injuste que quand ils prétendent que les leurs sont aussi bien fondées que quelques unes des nôtres; car ils n'en ont pas de démonstratives comme nous en avons. La partie n'est donc pas égale. Il ne faut pas égaler et confondre ces choses, parcequ'elles semblent être semblables par un bout, étant si différentes par l'autre.

II.

Une des principales raisons pour lesquelles les prophètes ont voilé les biens spirituels qu'ils promettoient sous les figures des biens temporels, c'est qu'ils avoient affaire à un peuple charnel, qu'il falloit rendre dépositaire du testament spirituel.

JÉSUS-CHRIST, figuré par Joseph, bien-aimé de son père, envoyé du père pour voir ses frères, est 'l'innocent vendu par ses frères

'Le mot est n'a-t-il point été transporté ici par erreur de copiste? Ne faudroit-il pas lire: : JÉSUS-CHRIST est figuré par Joseph, bien aimé de son père, envoyé du père pour voir ses frères, l'innocent vendu par ses frères vingt deniers, et le reste? Car cette circonstance des vingt deniers regarde Joseph, et non JésusCHRIST, qui fut vendu trente deniers. Tout ce qui suit regarde également Joseph; le nom même de Sauveur du monde est celui qui fut donné à Joseph, selon la Vul

vingt deniers, et par là devenu leur seigneur, leur sauveur, et le sauveur des étrangers, et le sauveur du monde ; ce qui n'eût point été sans le dessein de le perdre, sans la vente et la réprobation qu'ils en firent.

Dans la prison, Joseph innocent entre deux criminels: Jésus en la croix entre deux larrons. Joseph prédit le salut à l'un, et la mort à l'autre, sur les mêmes apparences: JÉSUS-CHRIST sauve l'un, et laisse l'autre, après les mêmes crimes. Joseph ne fait que prêdire: JÉSUS-CHRIST fait. Joseph demande à celui qui sera sauvé qu'il se souvienne de lui quand il sera venu en sa gloire; et celui que JÉSUS-CHRIST sauve lui demande qu'il se souvienne de lui quand il sera en son royaume.

III.

La grace est la figure de la gloire; car elle n'est pas la dernière fin. Elle a été figurée par la loi, et elle figure elle-même la gloire; mais de telle manière qu'elle est en même temps un moyen pour y arriver.

IV.

La synagogue ne périssoit point, parcequ'elle étoit la figure de l'Église; mais parcequ'elle n'étoit que la figure, elle est tombée dans la servitude. La figure a subsisté jusqu'à la vérité, afin que l'Église fût toujours visible, ou dans la peinture qui la promettoit, ou dans l'effet.

V.

Pour prouver tout d'un coup les deux Testaments, il ne faut que voir si les prophéties de l'un sont accomplies en l'autre. Pour examiner les prophéties, il faut les entendre; car si l'on croit qu'elles n'ont qu'un sens, il est sûr que le Messie ne sera point venu; mais si elles ont deux sens, il est sûr qu'il sera venu en JÉSUS-CHRIST.

Toute la question est donc de savoir si elles ont deux sens, si elles sont figures, ou réalités; c'est-à-dire s'il faut y chercher quelque autre chose que ce qui paroit d'abord, ou s'il faut s'ar rêter uniquement à ce premier sens qu'elles présentent.

Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu'ils plaisent à Dieu, et qu'ils ne lui déplaisent point. S'ils sont figures, il faut qu'ils plaisent et déplaisent.

gate Salvatorem mundi ( Gen., 44, 45). Tout cela regarde Josephi, et en tout cela JESUS-CHRIST est figuré par Joseph. Voilà bien ce que l'auteur a voulu dire. (Note dans l'édit. de 1787.)

Or, dans toute l'Écriture ils plaisent et déplaisent. Donc ils sont figures.

VI.

Pour voir clairement que l'ancien Testament n'est que figuratif, et que par les biens temporels les prophètes entendoient d'autres biens, il ne faut que prendre garde, premièrement, qu'il seroit indigne de Dieu de n'appeler les hommes qu'à la jouissance des félicités temporelles; secondement, que les discours des prophètes expriment clairement la promesse des biens temporels; et qu'ils disent néanmoins que leurs discours sont obscurs, et que leur sens n'est pas celui qu'ils expriment à découvert; qu'on ne l'entendra qu'à la fin des temps. (JÉRÉM., 23, 22, et 30, 24.) Donc ils entendoient parler d'autres sacrifices, d'un autre libérateur, etc.

Enfin, il faut remarquer que leurs discours sont contraires et se détruisent, si l'on pense qu'il n'ait entendu par les mots de loi et de sacrifice autre chose que la loi de Moïse et ses sacrifices; et il y auroit contradiction manifeste et grossière dans leurs livres, et quelquefois dans un même chapitre. D'où il s'ensuit qu'il faut qu'ils aient entendu autre chose.

VII.

Il est dit que la loi sera changée; que le sacrifice sera changé ; qu'ils seront sans roi, sans prince, et sans sacrifices; qu'il sera fait une nouvelle alliance; que la loi sera renouvelée; que les préceptes qu'ils ont reçus ne sont pas bons; que leurs sacrifices sont abominables; que Dien n'en a point demandé.

Il est dit, au contraire, que la loi durera éternellement; que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel; que le sceptre ne sortira jamais d'avec eux, puisqu'il ne doit point en sortir que le roi éternel n'arrive. Tous ces passages marquentils que ce soit réalité? Non. Marquent-ils aussi que ce soit figure? Non mais que c'est réalité ou figure. Mais les premiers, excluant la réalité, marquent que ce n'est que figure.

Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité : tous peuvent être dits de la figure. Donc ils ne sont pas dits de la réalité, mais de la figure.

VIII.

Pour savoir si la loi et les sacrifices sont réalité ou figure, il faut voir si les prophètes, en parlant de ces choses, y arrêtoient leur vue et leur penséc, en sorte qu'ils ne vissent que cette an

cienne alliance, ou s'ils y voyoient quelque autre chose dont elles fussent la peinture; car dans un portrait on voit la chose figurée. Il ne faut pour cela qu'examiner ce qu'ils disent.

Quand ils disent qu'elle sera éternelle, entendent-ils parler de l'alliance de laquelle ils disent qu'elle sera changée? Et de même des sacrifices, etc.

IX.

Les prophètes ont dit clairement qu'Israël seroit toujours aimé de Dieu, et que la loi seroit éternelle; et ils ont dit que l'on n'entendroit point leur sens, et qu'il étoit voilé.

Le chiffre a deux sens. Quand on surprend une lettre importante où l'on trouve un sens clair, et où il est dit néanmoins que le sens est voilé et obscurci; qu'il est caché en sorte qu'on verra cette lettre sans la voir, et qu'on l'entendra sans l'entendre ;-que doit-on penser, sinon que c'est un chiffre à double sens, et d'autant plus qu'on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens littéral? Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à connoître le sens caché, et principalement quand les principes qu'ils en prennent sont tout-à-fait naturels et clairs? C'est ce qu'ont fait JÉSUS-CHRIST et les apôtres. Ils ont levé le sceau, ils ont rompu le voile et découvert l'esprit. Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l'homme sont ses passions; que le Rédempteur seroit spirituel; qu'il y auroit deux avénements, l'un de misère, pour abaisser l'homme superbe; l'autre de gloire, pour élever l'homme humilié; que JÉSUS-CHRIST sera Dieu et homme.

X.

JESUS-CHRIST n'a fait autre chose qu'apprendre aux hommes qu'ils s'aimoient eux-mêmes, et qu'ils étoient esclaves, aveugles, malades, malheureux et pécheurs; qu'il falloit qu'il les délivrât, éclairât, béatifiât et guérît; que cela se feroit en se haïssant soimême, et en le suivant par la misère et la mort de la croix.

La lettre tue; tout arrivoit en figure: il falloit que le CHRIST souffrît: un Dieu humilié, circoncision du cœur, vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple, double loi, double table de la loi, double temple, double captivité; voilà le chiffre qu'il nous a donné.

Il nous a appris enfin que toutes ces choses n'étoient que des figures, et ce que c'est que vraiment libre, vrai Israëlite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.

XI.

Dans ces promesses-là chacun trouve ce qu'il a dans le fond de son cœur les biens temporels, ou les biens spirituels; Dieu, ou les créatures; mais avec cette différence que ceux qui y cherchent les créatures les y trouvent, mais avec plusieurs contradictions, avec la défense de les aimer, avec ordre de n'adorer que Dieu, et de n'aimer que lui; au lieu que ceux qui y cherchent Dieu le trouvent; et sans aucune contradiction, et avec commandement de n'aimer que lui.

XII.

Les sources des contrariétés de l'Écriture sont un Dieu humilié jusqu'à la mort de la croix, un Messie triomphant de la mort par sa mort, deux natures en JÉSUS-CHRIST, deux avénements, deux états de la nature de l'homme.

Comme on ne peut bien faire le caractère d'une personne qu'en accordant toutes les contrariétés, et qu'il ne suffit pas de suivre une suite de qualités accordantes, sans concilier les contraires; aussi, pour entendre le sens d'un auteur, il faut concilier tous les passages contraires.

Ainsi, pour entendre l'Écriture, il faut avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s'accordent. Il ne suffit pas d'en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants, mais il faut en avoir un qui concilie les passages même contraires.

Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires s'accordent, ou il n'a point de sens du tout. On ne peut pas dire cela de l'Écriture, ni des prophètes. Ils avoient effectivement trop bon sens. Il faut donc en chercher un qui accorde toutes les contrariétés.

Le véritable sens n'est donc pas celui des Juifs; mais en JésusCHRIST toutes les contradictions sont accordées.

Les Juifs ne sauroient accorder la cessation de la royauté et principauté, prédite par Osée, avec la prophétie de Jacob.

Si on prend la loi, les sacrifices et le royaume pour réalité, on ne peut accorder tous les passages d'un même auteur, ni d'un même livre, ni quelquefois d'un même chapitre. Ce qui marque assez quel étoit le sens de l'auteur.

XIII.

I n'étoit point permis de sacrifier hors de Jérusalem, qui étoit le lieu que le Seigneur avoit choisi, ni même de manger ailleurs les décimes.

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