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VI.

s états périroient si on ne faisoit plier souvent les lois à la nécessité. Mais jamais la religion n'a souffert cela, et n'en a usé. Aussi il faut ces accommodements, ou des miracles. Il n'est pas étrange qu'on se conserve en pliant, et ce n'est pas proprement se maintenir; et encore périssent-ils enfin entièrement; il n'y en a point qui ait duré quinze cents ans. Mais que cette religion se soit toujours maintenue et inflexible', cela est divin.

VII.

Il y auroit trop d'obscurité si la vérité n'avoit pas des marques visibles. C'en est une admirable qu'elle se soit toujours conservée dans une Église et une assemblée visible. Il y auroit trop de clarté s'il n'y avoit qu'un sentiment dans cette Église, mais, pour reconnoître quel est le vrai, il n'y a qu'à voir quel est celui qui y a toujours été car il est certain que le vrai y a toujours été, et qu'aucun faux n'y a toujours été. Ainsi le Messie a toujours été cru. La tradition d'Adam étoit encore nouvelle en Noë et en Moïse. Les prophètes l'ont prédit depuis, en prédisant toujours d'autres choses dont les événements, qui arrivoient de temps en temps à la vue des hommes, marquoient la vérité de leur mission, et par conséquent celle de leurs promesses touchant le Messie. II ont tous dit que la loi qu'ils avoient n'étoit qu'en attendant celle du Messie; que jusque-là elle seroit perpétuelle, mais que l'autre dureroit éternellement; qu'ainsi leur loi, ou celle du Messie, dont elle étoit la promesse, seroient toujours sur la terre. En effet, elle a toujours duré, et JÉSUS-CHRIST est venu dans toutes les circonstances prédites. Il a fait des miracles, et les apôtres aussi, qui ont converti les païens; et par là les prophéties étant accomplies, le Messie est prouvé pour jamais.

VIII.

Je vois plusieurs religions contraires, et par conséquent toutes fausses, excepté une. Chacune veut être crue par sa propre autorité, et menace les incrédules. Je ne les crois donc pas là-dessus ; chacun peut dire cela, chacun peut se dire prophète. Mais je vois la religion chrétienne où je trouve des prophéties accomplies, et une infinité de miracles si bien attestés, qu'on ne peut raisonnablement en douter; et c'est ce que je ne trouve point dans les

autres.

C'est-à-dire, et soit toujours demeurée inflexible.

IX.

La seule religion contraire à la nature en l'état qu'elle est, qui combat tous nos plaisirs, et qui paroît d'abord contraire au sens commun, est la seule qui ait toujours été.

X.

Toute la conduite des choses doit avoir pour objet l'établisse ment et la grandeur de la religion; les hommes doivent avoir en eux-mêmes des sentiments conformes à ce qu'elle nous enseigne : et enfin elle doit être tellement l'objet et le centre où toutes choses tendent, que qui en saura les principes puisse rendre raison, et de toute la nature de l'homme en particulier, et de toute la conduite du monde en général.

Sur ce fondement, les impies prennent lieu de blasphémer la religion chrétienne, parcequ'ils la connoissent mal. Ils s'imaginent qu'elle consiste simplement en l'adoration d'un Dieu considéré comme grand, puissant et éternel: ce qui est proprement le déisme, presque aussi éloigné de la religion chrétienne que l'athéisme, qui y est tout-à-fait contraire. Et de là ils concluent que cette religion n'est pas véritable, parceque, si elle l'étoit, il faudroit que Dieu se manifestât aux hommes par des preuves si sensibles, qu'il fût impossible que personne le méconnût.

Mais qu'ils en concluent ce qu'ils voudront contre le déisme, ils n'en concluront rien contre la religion chrétienne, qui reconnoît que, depuis le péché, Dieu ne se montre point aux hommes avec toute l'évidence qu'il pourroit faire, et qui consiste proprement au mystère du Rédempteur, qui, unissant en lui les deux natures, divine et humaine, a retiré les hommes de la corruption du péché, pour les réconcilier à Dieu en sa personne divine.

Elle enseigne donc aux hommes ces deux vérités, et qu'il y a un Dieu dont ils sont capables, et qu'il y a une corruption dans la nature qui les en rend indignes. I importe également aux hommes de connoître l'un et l'autre de ces points; et il est également dangereux à l'homme de connoître Dieu sans connoître sa misère, et de connoître sa misère sans connoltre le Rédempteur qui peut l'en guérir. Une seule de ces connoissances fait, ou l'orgueil des philosophes qui ont connu Dieu, et non leur misère, ou le désespoir des athées qui connoissent leur misère sans Rédempteur. Et ainsi, comme il est également de la nécessité de l'homme de connoitre ces deux points, il est aussi également de la miséricorde de Dieu de nous les avoir fait connoître. La religion chré

tienne le fait, c'est en cela qu'elle consiste. Qu'on examine l'ordre du monde sur cela, et qu'on voie si toutes choses ne tendent pas à l'établissement des deux chefs de cette religion.

XI.

Si l'on ne se connoit plein d'orgueil, d'ambition, de concupiscence, de foiblesse, de misère, d'injustice, on est bien aveugle. Et si en le reconnoissant on ne desire d'en être délivré, que peut-on dire d'un homme si peu raisonnable? Que peut-on done avoir que de l'estime pour une religion qui connoît si bien les défauts de l'homme, et que du desir pour la vérité d'une religion qui y promet des remèdes si souhaitables?

XII.

Il est impossible d'envisager toutes les preuves de la religion chrétienne ramassées ensemble, sans en ressentir la force, à laquelle nul homme raisonnable ne peut résister.

Que l'on considère son établissement; qu'une religion si contraire à la nature se soit établie par elle-même si doucement, sans aucune force, ni contrainte, et si fortement néanmoins qu'aucuns tourments n'ont pu empêcher les martyrs de la confesser; et que tout cela se soit fait, non-seulement sans l'assistance d'aucun prince, mais malgré tous les princes de la terre qui l'ont combattue.

Que l'on considère la sainteté, la hauteur et l'humilité d'une ame chrétienne. Les philosophes païens se sont quelquefois élevés au-dessus du reste des hommes par une manière de vivre plus réglée, et par des sentiments qui avoient quelque conformité avec ceux du christianisme. Mais ils n'ont jamais reconnu pour vertu ce que les chrétions appellent humilité, et ils l'auroient même crue incompatible avec les autres dont ils faisoient profession. Il n'y a que la religion chrétienne qui ait su joindre ensemble des choses qui avoient paru jusque-là si opposées, et qui ait appris aux hommes que, bien loin que l'humilité soit incompatible avec les autres vertus, sans elle toutes les autres vertus ne sont que des vices et des défauts.

Que l'on considère les merveilles de l'Écriture sainte, qui sont infinies, la grandeur et la sublimité plus qu'humaine des choses qu'elle contient, et la simplicité admirable de son style, qui n'a rien d'affecté, rien de recherché, et qui porte un caractère de vérité qu'on ne sauroit désavouer.

Que l'on considère la personne de JÉSUS-CHRIST en particulier.

Quelque sentiment qu'on ait de lui, on ne peut pas disconvenir qu'il n'eût un esprit très grand et très relevé, dont il avoit donné des marques dès son enfance, devant les docteurs de la loi et cependant, au lieu de s'appliquer à cultiver ses talents par l'étude et la fréquentation des savants, il passe trente ans de sa vie dans le travail des mains, et dans une retraite entière du monde; et pendant les trois années de sa prédication, il appelle à sa compagnie et choisit pour ses apôtres des gens sans science, sans étude, sans crédit; et il s'attire pour ennemis ceux qui passoient pour les plus savants et les plus sages de son temps. C'est une étrange conduite pour un homme qui a dessein d'établir une nouvelle religion.

Que l'on considère en particulier ces apôtres choisis par JésusCHRIST, ces gens sans lettres, sans étude, et qui se trouvent tout d'un coup assez savants pour confondre les plus habiles philosophes, et assez forts pour résister aux rois et aux tyrans qui s'opposoient à l'établissement de la religion chrétienne qu'ils annonçoient.

Que l'on considère cette suite merveilleuse de prophètes qui se sont succédé les uns aux autres pendant deux mille ans, et qui ont tous prédit en tant de manières différentes jusques aux moindres circonstances de la vie de JÉSUS-CHRIST, de sa mort, de sa résurrection, de la mission des apôtres, de la prédication de l'É- . vangile, de la conversion des nations, et de plusieurs autres choses qui concernent l'établissement de la religion chrétienne et l'abolition du judaïsme.

Que l'on considère l'accomplissement admirable de ces prophéties, qui conviennent si parfaitement à la personne de JÉSUS-CHRIST, qu'il est impossible de ne pas le reconnoître, à moins de vouloir s'aveugler soi-même.

Que l'on considère l'état du peuple juif, et devant et après la venue de JÉSUS-CHRIST, son état florissant avant la venue du Sauveur, et son état plein de misères depuis qu'ils l'ont rejeté : car ils sont encore aujourd'hui sans aucune marque de religion, sans temple, sans sacrifices, dispersés par toute la terre, le mépris et le rebut de toutes les nations.

Que l'on considère la perpétuité de la religion chrétienne, qui a toujours subsisté depuis le commencement du monde, soit dans les saints de l'ancien Testament, qui ont vécu dans l'attente de JÉSUS-CHRIST avant sa venue; soit dans ceux qui l'ont reçu et qui

ont cru en lui depuis sa venue: au lieu que nulle autre religion n'a la perpétuité, qui est la principale marque de la véritable.

Enfin, que l'on considère la sainteté de cette religion, sa doctrine, qui rend raison de tout, jusques aux contrariétés qui se rencontrent dans l'homme, et toutes les autres choses singulières, surnaturelles et divines qui y éclatent de toutes parts.

Et qu'on juge, après tout cela, s'il est possible de douter que la religion chrétienne soit la seule véritable, et si jamais aucune autre a rien eu qui en approchât.

ARTICLE V.

VÉRITABLE RELIGION PROUVÉE PAR LES CONTRARIÉTÉS QUI SONT DANS L'HOMME, ET Par le péché originel.

I.

Les grandeurs et les misères de l'homme sont tellement visibles, qu'il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne qu'il y a en lui quelque grand principe de grandeur, et en même temps quelque grand principe de misère. Car il faut que la véritable religion connoisse à fond notre nature; c'est-à-dire qu'elle connoisse tout ce qu'elle a de grand et tout ce qu'elle a de misérable, et la raison de l'un et de l'autre. Il faut encore qu'elle nous rende raison des étonnantes contrariétés qui s'y rencontrent. S'il y a un seul principe de tout, une seule fin de tout, il faut que la vraie religion nous enseigne à n'adorer que lui et à n'aimer que lui. Mais comme nous nous trouvons dans l'impuissance d'adorer ce que nous ne connoissons pas, et d'aimer autre chose que nous, il faut que la religion, qui instruit de ces devoirs, nous instruise aussi de cette impuissance, et qu'elle nous en apprenne les remèdes.

Il faut, pour rendre l'homme heureux, qu'elle lui montre qu'il y a un Dieu; qu'on est obligé de l'aimer; que notre véritable félicité est d'être à lui, et notre unique mal d'être séparés de lui; qu'elle nous apprenne que nous sommes pleins de ténèbres qui nous empêchent de le connoître et de l'aimer; et qu'ainsi, nos devoirs nous obligeant d'aimer Dieu, et notre concupiscence nous en détournant, nous sommes pleins d'injustice. Il faut qu'elle nous rende raison de l'opposition que nous avons à Dieu et à notre propre bien; il faut qu'elle nous en enseigne les remèdes, et les moyens d'obtenir ces remèdes. Qu'on examine sur cela toutes les

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