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ARCHEVÊCHÉ DE CAMBRAI.

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traiter comme un simple auxiliaire, fut appelé aux conférences d'Issy. Elles n'étaient pas encore closes; toutefois, le siége de Bossuet était fait, et bientôt il envoya au nouvel archevêque, pour les signer, les trente articles qu'il avait rédigés au nom de la commission. Il avait profité des remarques de ses collègues et des extraits de Fénelon, mais n'avait jamais répondu ni parlé sur ces matières à ce dernier, comptant sur la soumission de l'archevêque devenu duc et prince, au nom de la promesse du simple prêtre. Cela ne faisait pas tout à fait le compte de Fénelon, qui, laissant à peine entrevoir sa surprise, fit quelques remarques, demanda qu'on définît mieux l'amour désintéressé avant de le condamner et l'oraison passive avant de l'autoriser. Ayant sur ces deux points obtenu quatre articles explicatifs, il signa le tout, le 10 mars 1695, par déférence sans doute, par conviction peut-être, dans tous les cas avec quelque peine, car ce travail n'était pas à ses yeux tout ce qu'il y avait à dire. Ce qu'il y trouva de mieux entendu, c'est que les commissaires avaient jugé qu'il ne leur convenait pas d'avoir si longtemps travaillé uniquement pour condamner une femme qui s'était trompée. Mais grande fut sa surprise quand il vit les deux actes de condamnation que les évêques de Meaux et de Châlons publièrent sur les écrits et les doctrines de madame Guyon et du P. Lacombe.

En effet, en leur qualité d'Ordinaires, Bossuet et M. de Noailles, de retour dans leurs diocèses, crurent devoir faire à leur tour ce que déjà M. de Harlai avait fait à Paris. Ils frappèrent même avec plus d'insistance et de solennité, que n'avait fait l'archevêque de Paris,

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APPARENCES DE PAIX.

les erreurs et les écrits des deux personnages que ceux qui n'avaient pas cessé d'aimer madame Guyon souffraient de voir ainsi rapprochés. Or tout ce qui tenait sérieusement à l'hôtel Beauvilliers, et Fénelon surtout, étaient de ce nombre.

Que le nouvel archevêque de Cambrai ne signât pas ces deux actes d'un caractère un peu local, c'était tout simple, et Bossuet le comprit ainsi que M. de Noailles. En signant les articles d'Issy, après avoir rempli solennellement avec eux le rôle de juge, n'avaitil pas constaté sa parfaite harmonie avec eux? Ne devait-il pas se flatter que rien ne viendrait plus troubler leur accord? Sans doute, car le vrai mysticisme était désormais mis à la portée de tout le monde; madame Guyon saurait nettement ce qui lui était permis d'enseigner, et Fénelon pourrait consacrer tranquillement ses talents admirés au vaste diocèse confié à sa piété, tandis que la Bastille répondrait suffisamment de la sagesse du P. Lacombe. Beaux rêves des sages, vous ne valez guère mieux que les autres!

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bannis de Saint-Cyr.- La résistance de madame de La Maisonfort. Lettre de madame de Maintenon. Carmélites. ticisme.

Le sermon de Fénelon aux Bossuet et Fénelon préparent des écrits sur le mys

Le premier fait mettre madame Guyon à Vincennes. La Reynie et le duc de Beauvilliers. La première conférence de Bossuet pour la purification de Saint-Cyr. madame de Maintenon sur madame Guyon.

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- Lettre de Fénelon à

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J'ai dit que Fénelon, devenu archevêque, et appelé comme juge aux conférences d'Issy, fut un peu surpris de n'être pas traité sur un certain pied d'égalité par le principal membre de la commission, qu'il signa bien les articles dressés sans lui, mais laissa peut-être trop entrevoir sa surprise. Il nous faut ajouter maintenant qu'à son tour Bossuet fut surpris des modifications que le nouvel archevêque demanda à son travail avant de le signer. A la vérité, ces surprises naturelles semblèrent se fondre en une harmonie parfaite par Bossuet, qui mit de l'empressement, de l'insistance même à vouloir présider à la cérémonie de la consécration épiscopale

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de Fénelon. A ce désir, Fénelon répondit par un empressement un peu surpris, mais tout aussi grand; il se chargea de la négociation qui rendit possible cet acte accompli à Saint-Cyr, c'est-à-dire dans le diocèse de l'évêque de Chartres, par l'évêque de Meaux. Entre deux hommes aussi éminents, deux précepteurs de prince, deux académiciens, deux écrivains religieux, deux orateurs sacrés, deux philosophes de la même école, deux évêques, il y avait tant de points de rapprochement que cet accord semblait avoir un avenir assuré. Et pourtant il se modifia bientôt, devint d'abord de la défiance, ensuite un sérieux éloignement, et enfin un état de vive hostilité. Deux femmes pieuses, madame Guyon et madame de La Maisonfort, et deux beaux ouvrages, l'un de Bossuet, l'autre de Fénelon, furent, sinon les causes intimes, du moins les causes extérieures de cette division, qui tout à coup éclata entre deux hommes doués l'un et l'autre d'un génie trop éminent pour ne pas suivre chacun sa route, et dont la nature était trop diverse pour que leurs routes fussent toujours les mêmes.

La vraie cause de leurs divergences, c'étaient leurs idées sur le cœur même de la science qu'ils cultivaient, sur l'amour de Dieu, la belle question du temps, la question mystique de tous les temps. Les deux ouvrages et les deux saintes, madaine Guyon et madame de La Maisonfort, ne furent elles-mêmes que des causes secondaires. Mais ce sont ces causes-là qui font éclater ce qui est au fond de la pensée.

Pendant l'examen des écrits de madame Guyon, Fénelon avait gardé une grande réserve; mais Bossuet

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avait entrevu dans son rôle deux choses qui le blessaient sans qu'il s'en rendit compte : la supériorité de ses connaissances mystiques et le dessein de les faire servir à la justification de madame Guyon.

Fénelon eut bientôt à ses yeux un tort plus grave. Il répondit par un refus péremptoire quand on lui demanda de lancer à son tour une condamnation contre cette pauvre femme, dont les écrits étaient déjà condamnés par l'archevêque de Paris, l'évêque de Meaux et par l'évêque de Châlons, condamnés plus récemment encore par l'évêque de Chartres, qui venait de faire d'une de ses compositions encore manuscrites intitulée les Torrents des extraits trop fidèles et trop choquants.

Or, condamner cette femme une fois de plus, et dans le diocèse de Cambrai, qui ne la lisait pas, Fénelon ne le jugeait ni utile ni convenable. Toutefois, Bossuet appuyait cette prétention de l'évêque de Chartres, le dernier venu des juges, mais aussi le dernier moteur de l'enquête. Aussi semblait-il mettre la plus haute importance à ce que la sentence fût répétée par l'archevêque de Cambrai. Fénelon trouvait, au contraire qu'on en avait fait assez, trop même.

En effet, de son côté, et pour couper le mal jusque dans sa racine, madame de Maintenon avait fait retirer des mains des dames de Saint-Cyr les écrits de madame Guyon, chargeant de ce soin une des dames les plus distinguées, madame de La Maisonfort, dont l'attachement pour Fénelon lui était connu mieux qu'à nul autre. Or, les écrits de Fénelon lui-même étaient compris, à ce qu'il paraît, dans la proscription.

Quels écrits ?

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