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tout où il faut affirmer la stabilité du régime, où il importe de n'avoir pas de panique dans les finances, il ne faut pas non plus de panique dans les lois, mais de la stabilité en tout, 5 stabilité qu'en politique extérieure on appelle la sécurité, en politique intérieure, la légalité.

...

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... Vous avez le grand honneur de présider aux destinées d'un pays qui n'a aucune idée de pleurer sa victoire, mais qui . 10 ant toutes ses richesses parées du prestige éternel de ses lettres et de ses arts, frémit de toutes les possibilités qu'il éprouve en lui et respire l'avenir et l'horizon; toutes ces puissances, Monsieur le Président du Con15 seil, il ne vous reste, pour les amener à l'acte, qu'à créer et à assurer la sécurité française et la paix de l'Europe par ces deux principes qui se tiennent: le respect des traités et le service des lois. »

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L'opposition de M. de Jouvenel avait été brillante et chaleureuse. Mais d'autres oppositions se montrèrent, plus hostiles encore, plus menaçantes, plus décidées.

« Que pensera l'annaliste de l'avenir, s'écria 25 M. François-Albert, quand il apprendra que ce même homme, qui, pendant un long bail élyséen de sept années, a été si scrupuleusement attentif à respecter non seulement

l'esprit, mais la lettre de la Constitution, est venu ensuite, ayant occupé le pouvoir, prendre l'initiative de ces décrets-lois que l'opinion considère comme une entorse à la Constitution ?

<< Non, Monsieur Poincaré, je vous en prie, renoncez-y, car, voyez-vous, je ne puis m'empêcher de répéter: non, pas cela, ou pas vous ! >>

« Je voterai contre vous, lui dit M. de 10 Monzie. C'est une loi de dessaisissement parlementaire. Tous, nous voterons contre vous ! »

Applaudissements nombreux, multipliés, de longue durée. Décidément le sort en était 15 jeté: Le pays serait privé des services de M. Raymond Poincaré. Car, plus sauvagement inflexible que jamais, celui-ci n'avait pas « renoncé » à son projet et il avait « posé la question de confiance. »

Votes. Suspension de séance. Dépouillement des votes...

Surprise.

Les décrets-lois sont votés.

M. Poincaré triomphe encore une fois.

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Le parlementarisme a de ces mystères ! 25

SIXIÈME CAUSERIE

THÉÂTRES ET CABARETS

Les théâtres.

C'est le soir. Travaux, promenades, occupations quotidiennes, sont terminés. Les lieux où l'on dîne se vident lentement. Les cafés ne sont plus encom5 brés par la foule. C'est l'heure des théâtres.

Le théâtre à Paris. Quelle longue histoire à écrire! Et quel amusant chapitre de la civilisation parisienne! Dès le xve siècle, le bon peuple se pressait autour d'une place 10 publique, pour entendre le « Mystère » religieux et naïf, applaudir Notre-Seigneur et huer le mauvais larron. Puis vinrent les farces, dont quelques-unes restèrent populaires, comme Maître Pathelin ou le Cuvier. 15 Puis ce furent les tragédies du xvre et du XVIIe siècle, imitées de l'antique ou tirées de l'espagnol, par Hardy et Garnier d'abord, par Corneille ensuite; enfin Molière et son théâtre. D'abord debout en plein air, en20 suite serrés, debout encore, dans des granges ou dans des salles d'aventure, les Parisiens

écoutaient, ravis, jamais fatigués. Et les spectacles se multipliaient, les quinquets succédaient aux chandelles, le gaz aux quinquets, l'électricité au gaz, dans des salles devenues élégantes et confortables: et le public, tou- 5 jours aussi nombreux, s'y presse, aussi passionné qu'autrefois pour son divertissement favori. En vérité, pourrait-on se figurer Paris sans ses 50 ou 60 théâtres tous les soirs? Impossible. Il les lui faut tous et 10 ce n'est pas trop. Tout d'abord, il lui faut les scènes subventionnées par l'État français lui-même; avant tout « la Maison de Molière », ce Théâtre-Français, qui eut autrefois de si bons et si grands acteurs !

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On y entendit Talma, puis Rachel, puis Sarah Bernhardt au temps de sa jeunesse. Talma! Le Premier Empire! En ce tempslà, le vrai directeur du théâtre en France s'appelait Napoléon Bonaparte. Ses comé- 20 diens le suivaient partout. Non content de leur imposer ses goûts, la diction telle qu'il la concevait, et les pièces qu'il voulait entendre représenter, il légiférait pour eux entre deux batailles. C'est durant la campagne 25 de Russie qu'il élabora ces Décrets de Moscou qui demeurent, aujourd'hui encore, le code de la Comédie-Française. Napoléon, comme

on sait, aimait le théâtre d'une façon particulière. Il ne s'y amusait guère:

Il ne s'amusait nulle part. « Je vous plains », disait-on à M. de Rémusat, le grand 5 maître des cérémonies, « vous êtes chargé d'amuser l'Inamusable!» Ce que Napoléon demandait au Théâtre, c'était une représentation, pour lui et pour les Français, des choses et des gens tels qu'il les voulait: des 10 pièces, des tragédies surtout, d'inspiration cornélienne, où il était beaucoup question de batailles, de devoir et de gloire, où les rois montraient de la dignité et les guerriers du courage. Il fut ravi, dit-on, par une tra15 gédie de Luce de Lancival, un auteur que peu de gens connaissent aujourd'hui. Dans cette pièce, Hector quittait sa femme pour aller se battre. « Voilà »>, dit Napoléon, «< une excellente pièce ! Une pièce de quar20 tier général ! » Et il témoigna sa satisfaction à l'auteur.

Sous une telle direction, le Théâtre-Français semblait voué à la tragédie. En fait, il en était le temple. Après Talma, il eut 25 Rachel. Et cette grande artiste, parce qu'elle était faite pour porter le peplum et donner une passion nouvelle aux héroïnes de Racine, empêcha longtemps la mode toute puis

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