misme, rien ne lui est, dorénavant, interdit. L'art moderne est anarchique. Cette liberté absolue s'exprime de bien des manières qui parfois font sourire le Parisien, 5 sans le scandaliser jamais. Les artistes d'aujourd'hui, comme ceux d'autrefois, cherchent à rendre l'objet de leur émotion, ce qui, dans le monde mouvant et compliqué qui les entoure, parle à leur sensibilité actuelle. Cer10 tains d'entre eux sont ravis par les lignes d'une locomotive. La machine, cette caractéristique de notre civilisation moderne, les remplit d'une émotion profonde. Ils s'efforcent à rendre sur leur toile, ce qui semble, le 15 plus opposé aux conditions mêmes que leur impose la matière de leur art: le mouvement d'un moteur! Toutes ces conceptions, ces esthétiques nouvelles sont suivies avec une ardente curiosité par les Parisiens, qui se 20 transportent, sans se lasser, du Grand Palais aux boulevards, chez les grands marchands de tableaux et chez les petits. Car ce n'est plus, dix, vingt ou trente expositions de peinture que Paris possède maintenant, mais un 25 nombre qui tous les jours augmente et que bientôt personne ne pourra plus calculer, les œuvres des artistes étant pendues un peu partout et jusqu'en les cafés du boulevard Montparnasse, salons permanents, continuellement renouvelés et visités, pour la plus grande gloire des jeunes peintres du Quartier ! Le Quartier Montparnasse! Quels souvenirs souriants éveillent ces mots chez ceux 5 qui l'ont fréquenté durant leur séjour à Paris ! Le boulevard Montparnasse avec les petites rues qui l'entourent! Les jeunes artistes de tous les pays qui ont mangé dans les petites crêmeries du quartier, bu un bock 10 au café du Dôme, passé de longues soirées à la Rotonde, à discuter sur l'Art et sur d'autres choses aussi en buvant du café trop fort, n'oublieront jamais ce temps-là ! Certes il est d'autres milieux artistiques 15 dans Paris, à Montmartre par exemple, et des peintres ont, encore aujourd'hui, de somptueux ateliers dans l'Avenue de Villiers. Mais à Montparnasse la couleur est différente. C'est une chose bien vraie qu'il y a plusieurs 20 Paris dans Paris, de nombreuses petites villes, ayant chacune sa propre vie, sa physionomie particulière, son charme spécial, un romancier réaliste disait même: son odeur! Oui, son odeur, et pourquoi pas ? Disons qu'à 25 Montparnasse flotte une odeur de jeunesse qu'on ne respire pas ailleurs. On la respire déjà en traversant le beau Jardin du Luxem bourg, plein de cris d'enfants et d'oiseaux. Là, sous les grands marroniers, se dressent les statues de poètes, morts aujourd'hui, Verlaine, Moréas, Leconte de Lisle, Théodore 5 de Banville, et, plus ancien que tous ceux-là, Murger qui chanta, dans sa Vie de Bohême, l'histoire du Quartier Latin, dans ses beaux jours romantiques! Sous ces mêmes ombrages, se promènent maintenant, causant 10 en groupes ou rêvant isolés, les poètes de demain, ceux dont les premiers essais paraissent dans les innombrables petites revues étalées à deux pas de là, sous les galeries de l'Odéon ou chez les libraires du Boulevard 15 Saint-Michel. Ainsi le Jardin du Luxembourg, dont Lenôtre dessina les terrasses majestueuses, après avoir été l'asile du romantisme, continue à abriter, sous ses beaux arbres, la jeunesse et la poésie. Traversez-le, 20 ce beau jardin plein de passé et si vivant à la fois, pour arriver aux académies multiples de peinture et de sculpture, jalonnant les rues qui mènent à Montparnasse: c'est la plus suggestive des promenades. 25 Mais la culture artistique, à Paris, ne s'acquiert pas seulement dans les salons ou dans les expositions particulières. Ceux-ci vous donnent seulement l'art actuel, floraison |