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QUATRIÈME CAUSERIE

SALONS ET MUSÉES

Les salons.

On aurait une vue bien incomplète de Paris, si on se le représentait uniquement comme un prodigieux centre de haute science et d'études profondes. Paris 5 est aussi — et plus encore un incomparable foyer d'art et de production littéraire. C'est toutes ces choses réunies qui en ont fait la capitale internationale intellectuelle, le centre de culture du monde, la Ville-Lumière !

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L'art à Paris est partout: il est autour de vous, dans les rues, sur les boulevards, dans les jardins publics. Il est dans l'air que vous respirez: un air si léger, si gai! Il est dans le soleil qui sourit, et dont les rayons vous 15 caressent sans vous brûler. Il est surtout dans les toilettes des Parisiennes, si élégantes avec tant de tact. La parure et le luxe semblent leur aller si naturellement, sont si évidemment faits pour elles, qu'elles ne s'en 20 aperçoivent même pas. Est-ce que le chat remarque sa fourrure ?

Nous voici au printemps, dans la seconde

quinzaine d'avril ou au commencement de mai. Les toilettes printanières viennent d'éclore et s'envolent dans les rues comme un essaim de papillons. L'air est doux, la lumière gaie, les bourgeons aux pointes des 5 branches ont rompu leur enveloppe, et les jeunes feuilles s'épandent. C'est le temps de la grande fête de l'Art. Coup sur coup, au moins trois salons de peinture ouvrent leurs portes, là-bas, entre les Champs-Ély- 10 sées et la Seine. Ah, le bon moment! Tout un ruissellement de tableaux; vous baignez dans les couleurs! Trois salons, cela semble beaucoup. Eh bien, non, c'est tout juste ce qu'il faut.

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Autrefois ces salons s'appelaient: le Salon du Champ de Mars, le Salon des ChampsÉlysées, et les Indépendants. Ces appellations - du moins les deux premières provenaient de la place où ces expositions étaient 20 tenues: la première dans le Palais des Machines, qui n'existe plus, au Champ de Mars; la seconde dans le Palais de l'Industrie, aux Champs-Élysées.

Quelques années avant la guerre, ces deux 25 salons, tout en restant séparés - c'est un ménage divorcé — avaient néanmoins consenti à vivre sous le même toit. Ils logeaient,

et logent encore, tous les deux au Grand Palais, l'un au levant, l'autre au couchant. Ils s'appellent maintenant La Société Nationale des Beaux-Arts (ancien Champ de 5 Mars) et La Société des Artistes français (ancien Champs-Élysées).

Longtemps il y eut un Salon unique. Mais en art même, l'orthodoxie finit un jour par lasser. Il y avait bien autrefois déjà des 10 esprits indépendants, mais on les mettait à la porte. Or, il y a bon nombre d'années de cela, des dissensions éclatèrent entre les membres du jury — quelque chose comme le Conseil des Ministres de la Peinture — et 15 une partie de la ruche essaima. C'était l'époque où l'école du Plein-air; le Pleinairisme, comme on l'appelait, avait gagné la partie, et le pointillisme commençait à faire de nombreux adhérents. Le Salon leur con20 signait soigneusement sa porte, bien entendu. Ces gens qui peignaient en plein air, qui faisaient papillotter les couleurs sur leur toile, et qui mettaient des taches d'ombre et de lumière sur la peau, n'étaient pas des per25 sonnes comme il faut et qu'un art qui se respecte, un art qui avait encore conservé quelques-unes des bonnes traditions de l'époque de David, pouvait recevoir chez lui.

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