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Håtons-nous de le dire, les circonstances de la vie de Papin expliquent ce défaut. Si son existence se fût écoulée, calme et honorée, dans sa patrie; s'il eût vécu entouré d'aides intelligents, de constructeurs et d'ouvriers; s'il eût goûté quelque temps les loisirs et la liberté d'esprit qui sont nécessaires à l'exécution des longs travaux scientifiques, on n'aurait pas à défendre sa mémoire contre de tels reproches. La postérité, qui ne connaît qu'un coin de son génie, aurait alors possédé Papin tout entier. Mais, éloigné dès sa jeunesse du ciel de sa patrie; obligé de promener à travers l'Europe le poids de ses ennuis et de sa pauvreté; contraint de frapper, de son baton de voyage, à la porte des Académies étrangères, le malheureux philosophe pouvait-il nous léguer autre chose que les ébauches de son génie?

Si imparfaites qu'elles soient, elles suffisent à faire comprendre ce que l'on aurait pu attendre del i dans des conditions plus favorables. Pendant qu'il végétait oublié en Allemagne, un simple serrurier du Devonshire, dépourvu de toutes connaissances scientifiques, exécutait la première machine à vapeur atmosphérique, en se bornant à rapprocher les découvertes. éparses du mécanicien français. Papin n'eût-il pu suffire à la tâche accomplie par le serrurier Newcomen? Si donc la machine à vapeur n'est pas une invention exclusivement française, il ne faut l'attribuer qu'aux tristes circonstances qui, pendant quarante ans, fermèrent à Papin l'accès de sa patrie. Il y avait dans toutes les grandes villes de la France, et surtout dans celles des bords de la Loire, une nombreuse population de protestants industrieux, qui possédaient des capitaux immenses et concentraient dans leurs mains l'exploitation des principaux arts mécaniques. Ces hommes, qui devaient transporter l'industrie française au delà du Rhin et en Amérique, étaient tous ses amis. Nul doute qu'ils ne lui eussent offert les ressources nécessaires pour perfectionner sa découverte, et qu'il n'eût trouvé dans le concours de ses compatriotes le moyen de doter son pays de l'honneur entier de cette grande invention. Ainsi la révocation de l'Édit de Nantes ne fut pas seulement une offense aux lois éternelles de la morale et de la justice; elle n'eut pas uniquement pour effet l'exil d'un demi-million d'hommes et le transport à l'étranger d'une grande partie de

l'industrie nationale; elle devait encore priver la France de l'invention de la machine à vapeur, c'est-à-dire de la découverte qui a le plus activement contribué aux progrès de la civilisation moderne.

Les ouvrages de Papin, les différents mémoires qu'on lui doit sur la mécanique et la physique, n'ont jamais été réunis en une publication d'ensemble. M. Rouland, Ministre de l'Instruction publique, sur la proposition du Comité des travaux historiques et des Sociétés savantes, décida, par un arrêté pris en 1860, qu'il y avait lieu de faire réimprimer, aux frais de l'Etat, les œuvres de Denis Papin, devenues si rares qu'elles pouvaient être considérées comme à peu près inédites, et d'y ajouter celles qui n'avaient jamais été imprimées. J'eus l'honneur d'être chargé, par le même arrêté ministériel, de diriger cette publication, de concert avec M. de la Saussaye, recteur de l'Académie de Lyon, compatriote de Denis Papin, et qui, dans un voyage en Allemagne, a recueilli de précieux documents sur le savant de Blois. Malheureusement, le successeur de M. Rouland au département de l'Instruction publique, M. Duruy, a laissé tomber le projet de la publication par l'État des œuvres de Papin. Nous croyons savoir que M. de la Saussaye se dispose à faire lui-même cette publication, sans aucun concours. Nous ne saurions trop engager le savant recteur de l'Académie de Lyon à mettre à exécution ce projet. Les Œuvres complètes de Papin seraient accueillies, par les savants de tous les pays, avec une véritable et sympathique reconnaissance.

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VAN HELMONT

I

Jean-Baptiste Van Helmont, seigneur de Mérode, de Royendorch, Orschot, Pellines et autres lieux, descendait, par sa mère, Marie de Stassart, d'une famille belge, ancienne et trèsdistinguée. Il n'est pas inutile d'insister sur l'origine et la situation sociale d'un savant dont on veut apprécier le caractère, la conduite et les travaux. Il faut nécessairement tenir compte, dans les études sur un personnage célèbre, de l'influence d'une éducation traditionnelle et des habitudes de race, car cette influence explique souvent les particularités de sa vie. On le savait parfaitement dans l'antiquité, et quand on écrivait la vie d'un homme illustre, on n'oubliait jamais de faire mention de ses ancêtres, pour peu qu'ils eussent été connus. La naissance de Van Helmont nous fait comprendre sa force de caractère, comme sa persévérance extraordinaire dans les études, enfin le genre de vie que put s'imposer le seigneur de Vilvorde, qui ne s'humiliait que devant Dieu, et relevait orgueilleusement la tête devant tous les puissants de la terre, qu'ils fussent princes ou savants.

Né à Bruxelles, en 1577, Van Helmont n'avait que trois ans lorsqu'il perdit son père, dont il était le dernier fils. Son éducation première, comme celle de la plupart des enfants appartenant à des familles riches, se fit dans la maison paternelle,

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