Demeure le teint pâle & la vue égarée : La force l'abandonne, & fa bouche trois fois Les ombres cependant, fur la ville épandues, Et tous deux, de ce pas, s'en vont avec chaleur Partons, lui dit Brontin. Déja le jour plus fombre, bre. ? D'où vient ce noir chagrin que je lis dans tes yeux Le perruquier honteux rougit en l'écoutant. Et derriere fon dos, qui tremble fous le poids, Il fort au même inftant ; il se met à leur tête. La Difcorde en ces lieux menace de s'accroître. A cetrifte difcours, qu'un long soupir acheve, La Molleffe, en pleurant, fur un bras fe releve, Ouvre un œil languiffant, & d'une foible voix, Laiffe tomber ces mots, qu'elle interrompt vingt fois: «ONuit, que m'as tu dit? quel démon fur la terre, » Souffle dans tous les cœurs la fatigue & la guerre ? » Hélas! qu'eft devenu ce tems, cet heureux tems, » Où les rois s'honoroient du nom de fainéans,! » S'endormoient fur le trône, & me fervant fans >> honte » Laiffoient leur fceptre aux mains ou d'un maire. » ou d'un comte ? » Aucun foin n'approchoit de leur paifible cour. » On repofoit la nuit, on dormoit tout le jour. Seulement au printems, quand Flore dans les >> plaines, » Faifoit taire des vents les bruyantes haleines, Quatre bœufs attelés, d'un pas tranquille & lent » Promenoient dans Paris le monarque indolent. » Ce doux fiecle n'eft plus. Le ciel impitoyable » A placé sur leur trône un prince infatigable ; » Il brave mes douceurs, il eft sourd à ma voix, » Tous les jours il m'éveille au bruit de fes exploits. » Rien ne peut arrêrer sa vigilante audace, » L'été n'a point de feu, l'hiver n'a point de glace. >> J'entends à fon feul nom, tous mes fujets frémir. » En vain deux fois la paix a voulu l'endormir ; Loin de moi fon courage entraîné par la Gloire, » Ne se plaît qu'à courir de victoire en victoire. » Je me fatiguerois, à te tracer le cours » Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours, » Je croyois, loin des lieux, d'où ce prince m'exile, Que l'Eglife du moins m'affuroit un afyle. Mais en vain refpérois y régner fans effroi ; » Moines, abbés, prieurs, tout s'arme contre moi. Par mon exil honteux la Trape eft ennoblie. » J'ai vu dans faint-Denis la réforme établie. » Le Carme, le Feuillant s'endurcit aux travaux » Et la regle déja se remet dans Clairvaux. >> Câteaux dormoit encore, & la Sainte-Chapelle: » Confervoit du vieux tems l'oifiveté fidelle. » Et voici qu'un lutrin prêt à tout renverfer, » D'un féjour fi chéri vient encor me chaffer. » O toi, de mon repos compagne aimable & fombre; » A de fi noirs forfaits prêteras-tu ton ombre? » Ah! Nuit, fi tant de fois dans les bras de l'Amour » Je t'admis aux plaifirs que je cachois au jour : »Du moins ne permets pas. ... » La Molleffe op preffée, Dans la bouche à ce mot sent sa langue glacée, Et laffe de parler, fuccombant fous l'effort, Soupire, étend les bras, ferme l'oeil, & s'endort M.. CHANT III. AIS la Nuit auffi-tôt de fes aîles affreufes Couvre des Bourguignons les campagnes vineu fes, Revole vers Paris, & hâtant fon retour Déja de Mont-lhéry voit la fameuse tour. bres, De ces murs défertés habitent les ténebres. Sait toujours des malheurs la premiere nouvelle ; Il la fuit ; & tous deux d'un cours précipité, |