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§. XIX.

De la Phyfique génerale.

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Ous fommes encore bien éloignez d'avoir une Physique génerale univerfellement approuvée, il faudroit pour cela un plus grand nombre d'Experiences que nous n'avons. Les Anciens avoient pris une route à ne favoir rien fur cette fcience. Satisfaits d'un petit nombre d'experiences, ils ont travaillé d'imagination & bâti divers fyftémes auxquels leurs écoles fe font attachées. L'Efprit de fyftéme ne leur manquoit pas, il s'en faut bien. Ils raifonnoient fur l'arrangement de ce fyftéme & lui donnoient un air de vrai-femblance pour quiconque s'y foumettoit fans autre examen. Refolus de rendre raifon de tout; les Qualitez occultes & les Formes

fub

fubftantielles, fpécieux galimatias, ne leur manquoient pas au befoin.

Mais malheureufement pour eux, dans le dernier Siécle, on s'eft appliqué aux expériences qui ont démenti ces Systémes qu'une ingénieufe pareffe & une imagination hardie avoient enfantez. Quelques-uns les ont retenus, les autres en ont effayé de nouveaux; on travaille actuellement à en former un qui foit fatisfaifant dans toutes fes parties. Defcartes qui l'a entrepris, n'a pas affez vécu pour l'achever; mais il a montré le feul Chemin qui puiffe y conduire. Le chemin eft bon, quoi qu'il s'y foit quelquefois égaré lui-même.

Les Phyficiens tombent d'ordinaire dans un défaut, ils bâtiffent un fyftéme, comme j'ai dit, & y appliquent les experiences. Defcartes a fait cette faute. Il falloit au

con

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contraire rassembler les expériences, recueillir les véritez qu'elles démontrent & attendre qu'il y eût affez de véritez, pour en former un fyftéme. Mais, diroit-on, il ne feroit complet que dans un fiécle ou deux. Cela fe peut; mais ces véritez developées & demontrées par les expériences, feroient certaines; au lieu que mêlées avec ce qu'il y a de douteux dans le Syftéme entier, elles perdent le degré de certitude qu'elles avoient étant feules. C'eft ainfi qu'un homqui doit recevoir trente piftoles prifes d'un fac, où il fait qu' entre cinq cents bonnes il y en a cinquante de fauffes, a peur avec raison d'être payé en mauvaise monnoye. Cependant comme il faut prendre une teinture de la Phylique avant que de lire la plupart des bons livres écrits fur cette Science & qu'à moins de quelques principes on ne

pour

pourroit pas bien les entendre, parce que ceux qui les ont écrits fuppofent toujours qu'ils parlent à des gens qui ont au moins les Notions communes; on peut fe difpofer à cette lecture par celle de la Phyfique de Robault; & par celle de Regis. Cette derniere a même l'avantage d'être plus Methodique & de contenir un Corps entier, lieu que l'autre n'eft qu'un recueil de Traitez qui n'ont pas toute la liaifon qu'ils pourroient avoir.

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Quoi qu'on foit fi peu avancé pour la Phyfique Systématique, on l'eft cependant affez pour favoir que tous les ouvrages de la Nature font l'effet d'un pur Méchanifme. Chacun travaille à fa maniere pour le failir.

Les Anglois font un cas extréme deM.Newton qui merite en effet de grandes louanges dans les Mathématiques.Au fentiment de quelques

fa

favans du premier ordre, il s'en faut quelque chofe qu'il foit auffi géneralement admirable dans la Phyfique qu'il l'eft dans la Géométrie. Ils lui reprochent que malgré l'air de nouveauté qu'il a fçu donner à son systéme, il en revient aux principes obfcurs d'Ariftote, & qu'il les rétablit fous d'autres noms. Il faut le lire à caufe des excellentes chofes dont fes ouvrages font remplis & quand même il feroit moins eftimable qu'il ne l'eft en effect, on ne feroit pas libre de le negliger, puis que c'eft le Phyficien à la mode en Hollande & en Angleterre. La lecture de la Théologie Phyfique de M. Derham, qui eft toute dans les principes de M. Newton, fervira à donner une grande idée de la fageffe de Dieu dans les opérations naturelles. Il ne faut pas méprifer les Oeuvres de M.Hartfoeker, quoique dans fes Conjectures il y

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