Page images
PDF
EPUB

Mon amour qui ne fut, dans la jeune nature,

Que le souffre-douleur d'une insaisissable aventure,

Mon amour dont les yeux trop profonds, sans bandeau,

Voulant unir le Rêve et la Vérité qu'ils implorent,

[ocr errors]

Scrutaient, fouillaient, songeaient — quand il faut qu'on adore ;

Mon amour qui, perdu, demandait sa Vierge à l'aurore,

Au fluide orient tous les matins nouveau,

Puis au miroir ardent des flots purs où midi se dore,
Va-t-il, comme ce jour qu'une agonie en feu colore,
Tomber, flamme, et mourir parmi le soir pâle des eaux ?

Mon cœur a trop pensé,

Mon cœur s'est trop bercé,

Dans l'intime, subtil, fuyant soupir des eaux.

Les Nuances du Couchant d'Amour

Jésus mourant donna tout son sang en apothéose.
Le soleil fait la même chose.

Le grand infini bleu boit un immense infini rose,
Et dans ce sang du dieu la nature rêve et repose,
Aspire avec bonheur des semences profondes
Qui peupleront demain les âmes et les mondes...

Quel démon veut encor que j'analyse ces nuances,
Quand, pour m'en caresser, j'allais en moi les enfermer?
Pourquoi faut-il toujours que j'y cherche l'Esprit qui pense,
Quand elles sont la Vie, et la Fleur du ciel et l'Enfance

Qu'il eût été si bon de simplement aimer ?

Ces reflets éclatants et ces lueurs mi-closes,

Pourquoi faut-il toujours que mes yeux las les décomposent
Et perçoivent le noir qui rampe au fond du rose?

Oh! donnez-moi l'Amour, l'Amour sacré, l'Amour
De qui l'astral bandeau rayonne sur les choses
Et lui fait dans la nuit croire que tout est jour!

Mon amour est tombé sous l'eau pensive et noire et rose.

La Nuit

L'air sommeille enivré d'avoir bu tant de fleurs.
On ne voit plus les Enlacés venir des sentes,
Les beaux couples qui descendraient vers les lueurs
Du grand fleuve éveillé sous les barques dormantes.

Les couples se sont pris les mains et sont partis.
Seul reste un isolé plein de corolles closes.

Et sans savoir s'ils ont ailleurs des nids
Et si les robes, dans leurs frous-frous attiédis,
Caressantes, ont entraîné toutes les roses,

Moi, comme si j'étais un peu fou dans l'été,

Moi je suis là debout, cette nuit, sur la rive,
Près des flots où le jour un soleil a flambé,
Et je cherche, incliné sur leurs flammes furtives,
L'endroit calme et profond où l'amour est tombé.

La Nature répond

Ne cherche pas déjà l'amour dans le lit froid des ondes !
Le ciel n'a pas éteint dans les flots encor tous ses mondes.
L'amour emplit cette ombre, et si sa face de lumière,

Qui porta le soleil ainsi qu'une couronne altière,

A l'air faite à présent de sombres lueurs en poussière,

Il vit pourtant. Sans bruit, dans l'air, dans ton cœur, il écoute L'Infini qu'on perçoit rôdant au lointain noir des routes.

L'amour est dans ce bois rameux où les Forces fermentent,
Dans l'orage qui couve aux étoiles que le vent hante,
Dans le sommeil qui sous tes pieds et sous la terre enfante...

Ne sont-ils pas en toi dans la nuit, ces vibrants feuillages,
Ce buisson d'astres grand comme les nombres et les âges,
Cette terre en travail et cet Infini, chaud d'orages?

Flammes nocturnes

Une vapeur est sur les eaux : c'est comme un hâle
Où luit une âme blanche, inquiète et timide.
Et le silence entend vivre dans les flots pâles
Les somnolences d'or des beaux astres humides.

O chaleur! cette nuit de juillet, accablante,

Fait crier la genèse aux flancs de la nature.

Et je sens aussi, moi, des dieux, des fleurs, des plantes,
Naitre en mon sang qui monte avec la sève obscure.

Il me semble parfois qu'au fond de moi s'agitent
Des germes de soleils qui, tendus vers la vie,
Altérés de grands cieux où s'élancer, palpitent
En mon être pour fuir dans une ivre folie.

Il se mêle un soupir exhalé de la terre

Au fluide d'amour qu'épanchent les étoiles.

Des frissons lumineux caressent l'atmosphère

Et viennent tressaillir dans mes yeux, dans mes moelles.

Et c'est, dans les vents chauds, dans ma chair, dans les tombes,

Tout un captif essor de floraisons suprêmes

Qui veulent éclater et, bouillonnant, retombent,

Et disent, sans savoir, hélas! à qui : Je t'aime.

Quels éclairs fous viendront délivrer cet orage

Prisonnier dans l'air lourd et dans mon songe en fièvre?

Quelle pluie, en longs fouets caresseurs et sauvages,
Quels chants pleins de baisers s'abattront sur ma lèvre?

Ma lèvre qui, depuis l'éternité peut-être.

Est fiancée au feu qui fit de sang les roses.

Ce feu qui nous consume et qu'on ne peut connaître,

Qui tue et qui des nids de la mort fait tout naître,

Pour le noyer et dans la foudre m'en repaître,

Oh! boire, fulgurante, une tempête éclose!

Minuit

Minuit!... Dans l'air, les sommeils lourds qui rôdent
Tout à l'heure rêvaient que la lune blanche était chaude.

Et moi j'ai rêvé, Lune ivre et calme comme les vignes,
Que tes rayons où, tout pâmés, les yeux de l'amour clignent,
Avaient sur l'eau pêché, comme en de grands filets, les cygnes.

Mais on ne voit plus rien que la nuit sans lacune.

Dans quels cieux sont couchés les cygnes enfuis et la lune?

Et mon amour, est-il, comme l'ont dit les ombres,
Couché sous l'eau, tombé dans les Moires du destin sombre ?

En regardant longtemps, sur les flots morts pleins de rayons,
Ces flammes à l'éclat de glace,

Il me semble que des serpents veillant au fond

Dardent leurs yeux fascinateurs à la surface.

Des Rêves froids, des Désirs chauds dans l'air fiévreux s'embrass en

LOUIS MANDIN

[graphic][merged small][merged small]
« PreviousContinue »