Mon amour qui ne fut, dans la jeune nature, Que le souffre-douleur d'une insaisissable aventure, Mon amour dont les yeux trop profonds, sans bandeau, Voulant unir le Rêve et la Vérité qu'ils implorent, Scrutaient, fouillaient, songeaient — quand il faut qu'on adore ; Mon amour qui, perdu, demandait sa Vierge à l'aurore, Au fluide orient tous les matins nouveau, Puis au miroir ardent des flots purs où midi se dore, Mon cœur a trop pensé, Mon cœur s'est trop bercé, Dans l'intime, subtil, fuyant soupir des eaux. Les Nuances du Couchant d'Amour Jésus mourant donna tout son sang en apothéose. Le grand infini bleu boit un immense infini rose, Quel démon veut encor que j'analyse ces nuances, Qu'il eût été si bon de simplement aimer ? Ces reflets éclatants et ces lueurs mi-closes, Pourquoi faut-il toujours que mes yeux las les décomposent Oh! donnez-moi l'Amour, l'Amour sacré, l'Amour Mon amour est tombé sous l'eau pensive et noire et rose. La Nuit L'air sommeille enivré d'avoir bu tant de fleurs. Les couples se sont pris les mains et sont partis. Et sans savoir s'ils ont ailleurs des nids Moi, comme si j'étais un peu fou dans l'été, Moi je suis là debout, cette nuit, sur la rive, La Nature répond Ne cherche pas déjà l'amour dans le lit froid des ondes ! Qui porta le soleil ainsi qu'une couronne altière, A l'air faite à présent de sombres lueurs en poussière, Il vit pourtant. Sans bruit, dans l'air, dans ton cœur, il écoute L'Infini qu'on perçoit rôdant au lointain noir des routes. L'amour est dans ce bois rameux où les Forces fermentent, Ne sont-ils pas en toi dans la nuit, ces vibrants feuillages, Flammes nocturnes Une vapeur est sur les eaux : c'est comme un hâle O chaleur! cette nuit de juillet, accablante, Fait crier la genèse aux flancs de la nature. Et je sens aussi, moi, des dieux, des fleurs, des plantes, Il me semble parfois qu'au fond de moi s'agitent Il se mêle un soupir exhalé de la terre Au fluide d'amour qu'épanchent les étoiles. Des frissons lumineux caressent l'atmosphère Et viennent tressaillir dans mes yeux, dans mes moelles. Et c'est, dans les vents chauds, dans ma chair, dans les tombes, Tout un captif essor de floraisons suprêmes Qui veulent éclater et, bouillonnant, retombent, Et disent, sans savoir, hélas! à qui : Je t'aime. Quels éclairs fous viendront délivrer cet orage Prisonnier dans l'air lourd et dans mon songe en fièvre? Quelle pluie, en longs fouets caresseurs et sauvages, Ma lèvre qui, depuis l'éternité peut-être. Est fiancée au feu qui fit de sang les roses. Ce feu qui nous consume et qu'on ne peut connaître, Qui tue et qui des nids de la mort fait tout naître, Pour le noyer et dans la foudre m'en repaître, Oh! boire, fulgurante, une tempête éclose! Minuit Minuit!... Dans l'air, les sommeils lourds qui rôdent Et moi j'ai rêvé, Lune ivre et calme comme les vignes, Mais on ne voit plus rien que la nuit sans lacune. Dans quels cieux sont couchés les cygnes enfuis et la lune? Et mon amour, est-il, comme l'ont dit les ombres, En regardant longtemps, sur les flots morts pleins de rayons, Il me semble que des serpents veillant au fond Dardent leurs yeux fascinateurs à la surface. Des Rêves froids, des Désirs chauds dans l'air fiévreux s'embrass en LOUIS MANDIN |