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tants de ce sexe enchanteur qui est l'emblème et le type du plaisir, costumées toutes en Jeanne d'Albret, tandis que les jeunes gens étaient en Henri IV, y assistaient en grand nombre. >>

Les reliefs, augmentés de nombreuses victuailles, sont abandonnés au peuple des campagnes « et aux nymphes bocagères qui les accompagnent » et six fontaines de vin coulent pour étancher leur soif, tandis qu'un superbe bal s'organise dans les autres salles du château. « Nos Dames, animées par une symphonie joyeuse, transportées par les mouvements de la danse, par de plus doux sans doute, avaient acquis ce degré d'électricité qui fait raffoler les plus sages. Que ne devait pas sentir la jeunesse bouillante ?... Les transports ne diminuaient pas, mais l'aurore avance et avec elle l'heure de la retraite... nos Beautés sont conduites en triomphe. Les unes gagnent les logis où l'hymen les attend, les autres isolées vont rêver à ses chaînes. Dans ce nombre, nous ne devons pas oublier les aimables recluses qui, dégagées quelques instants des grilles jalouses, étaient venues sans contrainte partager notre triomphe... Elles nous quittent, et les Souveraines des hommes vont rejoindre les Servantes de Dieu, les Révérendes Mères. »>

Tout a une fin en ce monde, même et surtout les fêtes. Cependant, celles-ci se prolongèrent encore, grâce aux villageois qui venaient tour à tour « en fidèles vassaux » fêter les Parlementaires Seigneurs de leur village. « La jubilation que les habitants de nos coteaux firent éclater a été commune aux colons de nos plaines. Les villes voisines s'y sont distinguées. Des chants de victoire, des feux de joie, des cris triomphants, ont marqué de toutes parts l'époque de notre délivrance. »

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Cependant, le 4 novembre encore, de nouvelles ré

jouissances ont éclaté dans la ville. Plusieurs bals ont été donnés. Nous avons principalement remarqué celui de nos Henri IV, dont l'attraction ordinaire a rassemblé un nombre infini de citoyennes...

«< Ainsi finit la chaîne des faits successifs qui nous regar dent... elle remonte toujours à la même cause, un brûlant amour de la Patrie... Animés de la même énergie, nous allons reprendre avec ardeur le cours de nos travaux, bénir le Souverain bienfaisant qui vient d'en ranimer la source, et jouir enfin du prix de la vertu, sous l'égide impénétrable des lois. »

N'est-ce pas un sentiment d'indicible tristesse qu'inspire l'expression si naïve et si profonde de ces joies et de ces fêtes populaires, à la veille de tant d'amertumes et de lendemains sanglants? Que nous sommes éloignés de cet état d'esprit ! Et dans quelle indifférence nous laisseraient aujourd'hui le départ et le retour d'une de nos cours d'appel. C'est que les anciens Parlements, plus qu'un tribunal supérieur, étaient surtout les dépositaires, les gardiens, les garants des anciennes franchises locales, les symboles vivants de l'autonomie provinciale et de l'indépendance des antiques patries, Navarre, Bourgogne, Dauphiné ou Bretagne.

Comment donc les hommes qui venaient de manifester si violemment la joie de leur maintien et d'entrer en révolte contre le pouvoir royal, pour une simple modification de leurs juridictions, s'inclinèrent-ils si facilement, quelques mois plus tard, devant la décision de la Constituante qui les supprimait brutalement d'un simple trait de plume? Ils s'étaient pris à leur propre piège, au piège philosophique.. Imbus des chimères du Contrat social, ils avaient réclamé, promettant de s'incliner devant leur décision, la convocation des Etats généraux, seuls capables, croyaient-ils, de réparer un édifice, œuvre lente des siècles

et de facteurs autrement complexes et nombreux que le seul et rudimentaire suffrage populaire.

Les fêtes sont finies, les derniers lampions éteints, les dernières salves tirées. Le Pouvoir Royal a capitulé, l'indigne et incapable Brienne a cédé la place à l'idole du jour le financier Necker. La joie du triomphe inonde tous les cœurs, chauffe toutes les têtes. Une ordonnance royale a convoqué les Etats généraux en janvier. Quelle fermentation provoque cette annonce. Chacun veut réformer les abus, rétablir l'ordre, restaurer l'Etat, refaire la Constitution du Royaume. Chacun a son plan longuement médité et le rédige autour de la table de famille ou dans le silence du cabinet, pendant les longues soirées d'hiver : Et les brochures naissent, pullulent sur tous les points du territoire. C'est l'incubation du grand drame Révolutionnaire, ce sont les tressaillements de l'enfantement, les joies d'une maternité prochaine, dont la France ignorait encore les douleurs.

Désaffectionnée d'un état social, dont les charges devenues arbitraires et excessives, n'étaient plus compensées par des avantages égaux; désillusionnée du passé par les critiques acerbes ou spirituelles d'un Voltaire et d'un Diderot, trompée par les déductions logiques de d'Alembert et des Encyclopédistes, séduite par les rêveries humanitaires et romanesques de Rousseau, elle était mûre pour les aventures chimériques et les catastrophes sanglantes, où avec sa grandeur allaient sombrer quatorze siècles d'histoire.

G. BAUDENS.

COMPTES RENDUS

Rapport de M Bussière, président à la Cour d'appel, sur un ouvrage de M. Maurice Durand relatif à la Comptabilité notariale.

Sous ce titre « Des opérations et de la comptabilité notariales et de leur contrôle, étude historique et critique des décrets des 30 janvier et 2 février 1890 sur le Notariat », M. Maurice Durand, docteur en droit, avocat à la Cour de Paris, a publié, non point une réhabilitation du notariat qui, malgré ses malheurs, n'a pas besoin d'être réhabilité, mais une apologie de cette institution et des règles auxquelles elle est actuellement soumise. C'est un travail consciencieux, qui révèle une étude approfondie du sujet, mais auquel semble un peu manquer l'esprit critique et ce sens pratique que donnerait l'exercice de la profession de notaire ou de fonctions exigeant un contact journalier avec le notariat. Il y a, en d'autres termes, dans cette étude qui n'est point sans valeur, sinon un parti-pris d'admiration, du moins une tendance trop marquée à considérer l'organisation actuelle du notariat comme parfaite et le contrôle organisé par les décrets de 1890 comme assurant aux français une sécurité complète. On doit à ses amis la vérité. M. Durand a certainement voulu être véridique; mais je suis convaincu que, s'il se fût renseigné plus com

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