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De toutes les grandes espérances que la chimie avait fait nattre, il n'est resté dans l'esprit des cultivateurs que la conviction vague et incertaine d'ailleurs, de l'utilité, peut-être de la nécessité de la chimie.

Une autre cause de ce résultat déplorable, c'est que les hommes qui dès l'origine ont entrepris d'accorder la science avec la pratique n'ont pas su interprêter convenablement les principes de la science, et ne possédaient pas une connaissance exacte de la pratique et de ses besoins. Croyant ne pouvoir attaquer directement les notions fausses et erronées de plusieurs agriculteurs empiriques qui font peu de cas de la science, et s'imaginant qu'ils gagneraient mieux ces derniers en partageant leurs préjugés, ils agirent donc, non pas avec la conscience de leurs forces, mais avec le sentiment de leur faiblesse. S'ils avaient pu présenter à ces cultivateurs, au lieu de l'erreur, la vérité, à la place d'une vaine science la science véritable, basée sur de solides fondements, et en opposition avec des préjugés, des rectifications réelles et certaines, avec quelle rapidité n'auraient-ils pas convaincu, même les plus récalcitrants. Mais dans la plupart des cas, ils firent tourner au profit des empiriques qui avaient si peu d'estime pour eux, le bon sens et la logique, et renoncèrent ainsi à l'approbation et à l'appui de la meilleure partie des cultivateurs éclairés, lesquels ne s'opposaient pas dans le principe au progrès, mais qui ont fini par n'avoir que du dédain pour tout cet étalage vain et inutile d'analyses chimiques et de résultats numériques.

La tâche de la chimie agricole était d'épargner des tâtonnements à la pratique, dépourvue de principes, et d'abréger la durée de l'expérience, au lieu de couvrir, en l'élargissant, la route de nombres inutiles; elle fit ainsi manquer le but essentiel de la science, savoir : la domination raisonnée du cultivateur sur ses champs.

L'expérience de l'agriculture pratique est et doit être le minérai dont il appartient à la science d'extraire le noble métal en le séparant de sa gangue pierreuse. Mais ce fut une grande faute de faire au préjudice de la science, sans un examen approfondi, une concession aux

opinions des empiriques, et de leur accorder la prédominance sur les lois de la nature.

Mais seize ans sont un court espace de temps pour mettre en lumière des opinions primitivement obscures, et toute la justesse de leur application; si le caractère de toute période de transformation est un conflit d'opinions opposées, on jugera de la vérité de la théorie de l'azote d'après sa défense.

L'évidence de la vraie doctrine se manifestera par ses progrès; celle qui est fondée sur la nature croîtra et se fortifiera parcequ'elle a de profondes racines; celle qui ne repose que sur des opinions ne peut que varier nous reconnaîtrons l'une et l'autre à leurs fruits

DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE.

FABLE

Par M. DELERUE, Membre résidant.

Séance du 3 août 1856.

L'INDUSTRIEL ET LE JOUEUR A LA BOURSE.

Le travail, voyez-vous, est à l'agiotage

Ce qu'est l'or le plus pur au plus vil alliage,
Ce qu'est l'eau des torrents, épurée en son cours,
A celle des ruisseaux venant des carrefours,
Ce qu'à l'active abeille est le frelon rapace,
Ce qu'au rude labeur est une aveugle audace ;
Le travail c'est la loi, le devoir, la vertu,
C'est le lutteur blessé mais jamais abattu.
Le travail, voyez-vous, c'est une noble chose,
Mais j'entends le travail de l'esprit ou des bras
Qui blanchit les cheveux, que la sueur arrose,
Que l'on prend en naissant, que l'on quitte au trépas,
Qui rapporte un salaire, un gain juste, équitable,
Un or purifié par un labeur louable,

Et non ce vil trafic de prime et de report,

Ce honteux jeu de bourse, à la hausse, à la baisse,
Où l'on prend des écus, mais où l'honneur se laisse !
Qui nous fait grand seigneur sans peine et sans efforts,
Qui nous donne chevaux, laquais, luxe de table,
Qui... mais pardon, j'ai promis une fable.

« Vous travaillez, mon cher, depuis plus de trente ans
>> Et vous n'avez encore ni chevaux, ni voiture,
>> Je ne comprends pas, je vous jure,

» A quoi vous avez pu passer ainsi le temps.
> Je n'entends point ici faire un trait de satire,
>> Mais on a bien raison de dire

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>> Vous aurez entrepris une mauvaise veine,

>> Car moi, dans le commerce, un des derniers venus,
J'ai dejà su gagner, sans douleur et sans peine,
» Près de çent mille écus. »

Ainsi parlait, hier, un seigneur de la Bourse
En abordant un brave industriel,

--

Qui répondit : « Je n'ai pas grâce au ciel «Fait ma fortune au pas de course,

» Et j'en puis avouer la source : » C'est l'ordre et le travail bénis par l'Eternel: » Si j'ai bien moins que vous après trente ans de peines, » De soins, de travaux journaliers,

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J'ai procuré du pain à cinq cents ouvriers

Et rappelé le sang en leurs arides veines.

» J'ai payé leur travail avec humanité,

» Et s'ils sont l'instrument de ma prospérité,

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Ils ont trouvé chez moi, même en des jours d'orage,

Un ami sûr, fidèle, un charitable cœur ;

» Comme dans les forêts, sous un puissant ombrage » La faible plante trouve un abri protecteur. » Voilà ce que j'ai fait. Mon active industrie >> Fut cent fois plus utile à ma noble patrie,

>> A mes concitoyens, à mon prince, à l'Etat,

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Que tout votre or gagné sans lutte et sans combat, >> Votre or! mais à mes yeux, il n'a point de mérite, » Pour rester en vos mains, il fut gagné trop vite. » Et comme on voit ces fleuves écumeux » Au jour fatal de leur dérive,

>> Dans leur élan impétueux
» Emporter tout jusqu'à la rive
>> Qu'ils étaient venus caresser;

>> Ainsi votre or pêché dans les flots de la bourse
» Sera perdu pour vous, sans aucune ressource,
Quand venant à se courroucer,

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>> Ces flots dans leur fureur, hélas ! par trop commune L'emporteront un jour avec vtore fortune.»

DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE.

ÉTUDES

THÉORIQUES ET PRATIQUES

SUR

LA TEINTURE, L'IMPRESSION, LES APPRÊTS ET LA PEINTURE.

Par M. KUHLMANN, Membre résidant.

Séance du 18 avril 1856.

1.re PARTIE.

TEINTURE.

Il est une opinion qui a été des plus accréditées parmi les chimistes qui les premiers se sont occupés de l'étude des phénomènes si compliqués de l'art de la teinture: c'est celle qui consiste à admettre que les matières azotées ont une aptitude à recevoir la teinture plus grande que les matières non azotées. On citait à l'appui de cette opinion la teinture de la soie et de la laine plus facile que celle du coton et du lin. Dans la teinture en rouge d'Andrinople, on a considéré l'emploi des bains de fiente de mouton, comme devant donner une espèce d'animalisation au coton. Les bains de bouse de vache pouvaient, aux yeux des teinturiers, être considérés comme devant produire un résultat analogue. Ces idées, en ce qui concerne la bouse de vache, ont dû être abandonnées par les chimistes, alors surtout que plusieurs substances salines, et en particulier le silicate de soude, ont été substituées à cette matière comme moyen de fixation des mordants.

L'ensemble général de la théorie de la fixation des couleurs sur les tissus a été l'objet de savantes recherches et des plus

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