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MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ IMPERIALE DES SCIENCES,

DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE.

DE LA THÉORIE ET DE LA PRATIQUE

EN AGRICULTURE.

Par M. le baron J. LIEBIG, Membre correspondant.

Séance du 5 décembre 1856.

PRÉFACE.

Ce travail a pour but de contribuer à la solution des questions relatives aux meilleurs moyens d'obtenir constamment, avec une surface de terre déterminée, le rendement le plus élevé en blé et en viande.

Dans ces dix dernières années, l'agriculture pratique a recueilli assez d'expériences pour qu'on puisse porter sur ces questions un jugement rationnel.

Sur ce point, il y a en agronomie deux théories opposées, et personne ne saurait méconnaître leur importance, puisqu'elles sont intimement liées avec les revenus et la fortune de la partie la plus importante de la population.

Cet écrit a été en outre provoqué par les critiques que MM. Lawes et Gilbert, de Rothamstead, et M. le docteur E. Wolff, de Hohenheim, ont faites des explications théoriques et de l'interprétation d'expériences exécutées en Angleterre, que j'ai données dans mes Principes de chimie agricole (4).

Dans le 16. volume du Journal de la Société royale agricole

(1) Brunswick, chez Er. Vieweg et Cie, 1855.

d'Angleterre (1), M. Lawes a essayé de prouver que l'opinion qu'il s'était formée de ma théorie avait été primitivement la mienne, et qu'on devait regarder les explications contenues dans mes Principes, comme un essai malheureux, destiné à mettre d'accord ma théorie avec les résultats qu'il avait obtenus, et par cela même à sauver cette théorie.

M. le docteur Wolff a cherché à démontrer dans son ouvrage intitulé l'Epuisement du sol par la culture (2), que ma théorie ne possédait pas les caractères essentiels d'une bonne doctrine, possibilité dans l'application, utilité dans la pratique, et que es principes posés par moi comme guides pour l'agriculture ne pouvaient être appliqués.

Dans l'intérêt de la question elle-même, je me suis cru obligé d'approfondir ces assertions, et j'ai la ferme espérance de venir par ce petit ouvrage confirmer la conviction des agronomes intelligents, savoir un vrai progrès dans l'agriculture pratique n'est possible qu'à la condition de suivre avec persévérance et continuité les principes que la science a posés.

Munich, 1er août 1856.

(1) Londres, 1856.

(2) Chez Otto Wigand, Leipzig 1856

Baron J. LIEBIG.

DE LA PRATIQUE ET DE LA THEORIE

EN AGRICULTURE.

Dans les années 1840 et 1842, je croyais que les sources naturelles qui fournissent aux plantes l'azote nécessaire, étaient insuffisantes pour les besoins de l'agriculture. Mais une longue suite d'observations et de réflexions m'a prouvé que cette manière de voir ne pouvait être juste.

Comme ma Chimie dans ses applications à l'agriculture et à la physiologie, ne renferme qu'une très-petite partie des faits et des expériences sur lesquels mes conclusions sont basées, je vais entrer ici dans quelques détails. J'espère que chacun sera convaincu que les raisons qui m'ont fait abandonner mes opinions anciennes en 1843 (année dans laquelle parut la 3.o édition de mon livre), sont des rai sons simples et incontestables.

L'analyse chimique démontre que les différentes plantes cultivées sur une même étendue de terre fournissent des quantités très-inégale d'azote.

En admettant que la quantité d'azote qui est retirée de la paille et du grain d'un champ de seigle soit représentée par 100 parties en poids, on récolte sur la même surface :

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Ces nombres démontrent d'une manière incontestable que les pois,

les haricots et les plantes fourragères contiennent dans les produits

récoltés plus d'azote que les céréales. Le foin fournit autant d'azote le froment; les pois, les haricots, le trèfle et les turneps en fournissent le double.

que

Ces deux derniers donnent un rendement plus élevé, sans recevoir d'engrais azotés.

On peut encore augmenter ce rendement par de la cendre et du gypse pour le trèfle, par des os traités par l'acide sulfurique pour les turneps.

Dans la culture pratique, les champs de blé reçoivent principalement des engrais azotés. Il est évident que la nécessité de fournir de l'azote aux céréales, au froment, par exemple, ne saurait être expliquée par un manque d'azote dans les sources naturelles des plantes, puisque la culture des plantes fourragères prouve que ces sources peuvent fournir jusqu'à quatre fois la quantité exigée par le froment.

La raison de ce fait doit être cherchée ailleurs. L'opinion que je me fis en 1843, ne fut pas peu fortifiée par les expériences faites en 1846, dans mon laboratoire, à Giessen, par le docteur Kroker, actuellement professeur à Breslau. L'analyse de vingt-deux espèces de terre me donna la certitude que le sable le plus stérile, sur une profondeur de dix pouces, contenait cent fois plus d'azote, et les terres fertiles de cinq cents à mille fois plus que la quantité exigée par la plus abondante récolte de froment ou que puisse donner la plus riche fumure (Voir ma Chimie dans ses applications à l'agriculture et à la physiologie, 5. édition, 1846, page 368).

Le fait de la présence de ces énormes quantités d'azote dans le sol a été confirmé par les recherches qu'à provoquées le collége royal d'économie agricole de Berlin. (Voir les Annales de l'agriculture, tom. 14, page 2). Ce collége fit choix pour ses expériences de quatorze champs d'égale surface pris sur différents points du royaume 'Prussien; en dix ou douze endroits différents de chacun des champs, on enleva une égale quantité de terre dans toute la profondeur du sol arable; ces quantités furent mélangées ensemble et sur le tout on préleva des échantillons.

L'azote contenu dans chaque échantillon fut déterminé par trois chimistes différents; leurs analyses donnèrent en moyenne, pour un acre anglais de terrain d'un pied de profondeur (le poids spécifique de la terre étant 1, 5), les quantités suivantes d'azote, transformées en livres d'ammoniaque.

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On peut rapprocher de ces dosages les analyses de la terre noire russe (tscherno-sem) du gouvernement d'Orel, dues à M. E. Schmidt. (Bulletin de l'Académie de Pétersbourg, v. VIII, p. 116.)

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M. Schmidt a examiné trois échantillons de sol vierge et un échantillon de terre non engraissée; le poids spécifique variait de 2,1 jusqu'à 2,2 mais je n'ai pas cru pouvoir admettre dans mon calcul, un poids supérieur à 1, 5, à cause de la porosité. D'après ces estimations, sur 12 pouces de profondeur, un acre anglais de terre noire russe contient en livres d'ammoniaque :

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