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exprimer des idées vraies qu'il doit à ses propres réflexions ou à une vieille tradition. C'est cette dernière espèce à laquelle Molière a donné le nom de proverbes traînés dans les ruisseaux des halles.

Ces trois sortes de proverbes ne sont, le plus souvent, que la même pensée, différemment exprimée, suivant la qualité ou le genre d'esprit des personnes qui en font usage; de manière qu'en sortant de la bouche d'une personne bien élevée, elle frappe agréablement une oreille délicate, et que, sortant de la bouche d'un homme ou d'une femme du peuple, elle offense tout à la fois les oreilles, le goût et même la pudeur.

On trouve des proverbes dans toutes les langues anciennes et modernes. Comme la plupart sont exprimés d'une manière figurée, les langues orientales en offrent un grand nombre. Les auteurs grecs et latins n'en man

quent pas; les langues modernes en fourmillent; mais on peut dire que la nôtre est des plus riches en ce genre. Les proverbes, qui ne sont autre chose que des maximes de la morale naturelle, brièvement et clairement exprimées, n'ont point d'étymologie, et sont aisément compris sans qu'il soit besoin de les expliquer. Mais si ces mêmes proverbes ont passé par des bouches, accoutumées aux figures du langagé, ou qui les ont remplacés par des maximes équivalentes, ils ont besoin d'une explication plus ou moins étendue.

Un grand nombre de proverbes doivent leur origine à des faits généraux ou particuliers. Si ces faits sont connus, l'étymologie des maximes ou dictons auxquels ils ont donné lieu, est aisée à indiquer; mais si le souvenir s'en est perdu, on ne peut guère établir cette étymologie que sur des conjectures plus. ou moins hasardées.

Quant aux proverbes qui traînent dans les ruisseaux des halles, comme ils n'ont été transmis au bas-peuple que par de vieilles traditions, ni ceux qui s'en servent, ni les écrivains qui les rapportent, ne peuvent en déterminer l'origine. Il en est beaucoup qui, après avoir été prononcés une fois, ont présenté à ceux qui les entendaient une image si frappante et si naturelle, qu'ils ont bientôt passé de bouche en bouche. Il a suffi, par exemple, qu'une femme de la halle, en voyant une autre femme mettre, en se querellant, ses mains sur ses rognons, ait dit: « Elle fait le panier à deux anses, » pour que cent bouches aient répété, dans un court espace de temps, cette expression proverbiale.

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Les locutions proverbiales tiennent nécessairement de la nature des proverbes, si, toutefois, elles ne doivent pas porter ce nom; elles expriment en général ce qu'ils signifient, ou bien elles

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forment comme eux une partie du langage populaire. Celles qui ne renferment aucune sentence, offrent néanmoins des images qui en donnent l'idée, ou qui s'y rapportent d'une manière plus ou moins éloignée. Cette expression : comme on fait son lit on se couche, nous paraît, au premier coup d'œil, si naturelle, qu'elle semble n'avoir pas besoin d'explication; cependant le sens qu'elle renferme n'est compris qu'autant qu'il est développé de manière à se confondre avec celui-ci : Le succès dépend des moyens qu'on emploie pour réussir.

Il nous manquait un dictionnaire des proverbes, ou plus complet, ou moins prolixe que ceux qui ont paru jusqu'à présent. Celui de Leroux est non-seulement rempli d'obscénités, mais encore d'articles inutiles et de locutions rẻprouvées par le bon goût. Nous l'avons cependant consulté, mais en supprimant tout ce qui offense l'honnêteté, en abrégeant une multitude d'articles

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RÉFLEXIONS SUR LES PROVERBES. trop longs, en corrigeant une infinité d'expressions contraires à la pureté du langage, et en ajoutant plusieurs proverbes avec un grand nombre de locutions proverbiales, aujourd'hui en usage parmi le peuple.

Nous ne prétendons point que notre livre soit un ouvrage complet; mais du moins, nous pouvons assurer qu'il est un utile supplément à tous les vocabulaires de notre langue qui ont paru jusqu'à ce jour, et qu'il ne sera pas consulté sans utilité par les personnes de la bonne compagnie, comme par celles qui n'ont pas l'honneur ou l'avantage de lui appartenir.

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