n'imitez personne: les plus belles copies ne sont jamais du prix des originaux; et dans l'éloquence, aussi bien que dans la peinture, il faut avoir la généreuse émulation d'égaler les maîtres, et de n'en imiter aucun. Je voudrais trouver de fréquentes occasions de vous témoigner avec combien de tendresse je suis, mon fils, votre très-affectionné père, etc. Je ne Quand il у aurait moins d'inégalité entre vous et moi, et qu'il me serait permis de donner un libre essor à ma muse, il serait juste que je lui imposasse silence, dans une conjoncture où les marques de l'esprit sont bien moins de saison que les véritables sentimens du cæur. doute point que tous les gens de lettres n'aient mêlé leurs larmes à celles que vous avez répandues, et qu'ils n'aient consacré par leurs écrits la mémoire de l'illustre épouse que vous regrettez, qui durant sa vie les a mis en réputation par ses suffrages, et affranchis de la nécessité par ses bienfaits. Je sais, monseigneur, qu'elle n'a pas besoin de leur secours pour être immortalisée, et qu'elle n'a fait aucune action qui ne serve un jour d'exemple à toutes les femmes qui voudront se faire distinguer par leur vertu. Mais, monseigneur, ce n'est rien vous apprendre que vous dire tout ce que j'en sais : c'est seulement vous étaler la grandeur de la perte que vous avez faite, et renouveler votre douleur. Toute légitime qu'elle est, vous n'ignorez pas, monseigneur, que le poste où vous êtes, et le soin qui vous est commis, demandent un grand homme tout entier; et que la consolation que vous refuseriez peut-être, si vous ne regardiez que vous seul, est un bien que vous êtes obligé de chercher vous-même pour l'intérét du prince dont vous cultivez les jeunes ans, et des peuples sur lesquels il commandera. Les lumières que vous avez vous offriront ce que je suis sûr que vous n'avez point trouvé dans les complimens que l'on vous a faits sur un si triste sujet. Je n'ai ni assez d'esprit, ni assez de qualités, pour avoir l'audace de vous en faire. Mais souffrez, monseigneur, que la distance qui nous sépare me laisse du moins la liberté de dire que je vous ai assez d'obligations pour prendre part à tout ce qui vous arrive, et pour être toute ma vie avec une passion respectueuse, monseigneur. BOURSAULT. Réponse du Duc De quinze ou seize cents lettres qui m'ont été écrites sur la mort 1 de madame de Montausier, je n'en ai point reçoi, monsieur, qui m'ait plus donné de consolation que la vôtre. Il est vrai, comune vous me le mandez, qu'elle se fesait beaucoup de plaisir d'obliger toutes les personnes de mérite, et c'est un malheur pour vous qu'elle ne vous ait pas connu plutôl. Offrez-moi, je vous prie, les moyens de le réparer, et vous verrez que je suis, monsieur, votre trés-humble et affectionné serviteur. DĘ MONTAUSIER. Boursault n'avait point fait ses études, et il nc sut jamais les langues anciennes, ainsi qu'il l'avoue dans la première lettre à son fils. A son arrivée à Paris, en 1651, il ne parlait que le patois Bour. guignon: mais la lecture des bons livres français suppléa à ce qui lui manquait du côté de l'éducation. Le premier ouvrage qu'il publia eut pour titre, De la véritable étude des souverains : Cet ouvrage, quique médiocre, fut si bien accueilli que le roi aurait nominé Boursault sous-précepteur du Dauphin, s'il avait su la langue latine. Il publia ensuite tous les huit jours une gazette en vers, qui amusa la ville et la cour, et qui lui valut une pension de deux mille livres; mais s'y étant imprudemment égayé aux dépens des cordeliers et des capucins, on supprima la gazette, et il perdit sa pension. Les ouvrages qu'on lit à présent de Boursault, sont Esope à la ville, Esope à la cour, et le Mercure Galant ; ce sont trois bonnes comédies. T'homas Corneille(1) qui aimait et estinait Boursault, voulait qu'il demandat à être de l'Académie; mais il lui dit avec une modestie d'autant plus estimable qu'elle est plus rare, “que ferait l'Académie d'un sujet ignare et nun lettré, qui ne sait ni Grec ni Latin." Charles de Sainte-Maure duc de MONTAUSIER, né en 1610 ct mort à Paris en 1690, donna dès son enfance des marques de cette vertu sévère, de cette loyauté et de cette franchise qui le caractérisèrent pendant tout le cours d'une longue vie. Nommé gouverneur du (1) Thomas Corneille, frère du grand Corneille, naquit à Rouen en 1625. Il fut reçu à l'Académie, le 2 janvier 1685, à la place devenue vacante par la mort de son illustre frère. On a de lui quelques tragédies, des comédies, une traduction des Métamorphoses d'Ovide, etc. Il mourut en 1709. Dauphin, il s'acquitta de cette fonction difficile avec tout le succès qu'on devait attendre de son zèle et de ses lumières. 11 parla tou. jours à la cour en philosophe et en homme vertueux, qui sacrifie tout à la vérité et à la raison ; et cette véracité ne déplut jamais à Louis XIV. On sait que les ennemis de Molière voulurent persuader à Montausier que c'était lui que cet auteur jouait dans le Misanthrope : le duc alla voir la pièce, et dit en sortant du théâtre “qu'il aurait bien voulu ressembler au Misanthrope de Molière.”' 86686B GUILLAUME AMFRYE DE CHAULIEU, né à Fontenai (Seine-et-Oise) en 1639, mort à Paris en 1720. Ode sur Fontenai. Désert, aimable solitude, Quoi ! j'aurai tant de fois chanté Et, plein de la reconnaissance C'est toi qui me rends à moi-même; Parmi ces bois et ces hameaux, Emplois, grandeurs tant désirées, La cour ne peut plus m'éblouir ; Fils des dieux, qui de flatteries Grotte, d'où sort ce clair ruisseau, Bannissons la flatteuse idée Je trouve ici tous les plaisirs Ah! quelle riante peinture! Quel plaisir de voir les tropeaux, Quand le midi brûle l'herbette, Rangés autour de la houlette, Chercher l'ombre sous ces ormeaux ! Puis, sur le soir, à nos musettes |