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A l'age de 20 ans Quinault s'était déjà fait connaître par des comédies qui avaient eu assez de succès ; et avant l'âge de trente ans, il en avait donné seize; mais de toutes ces pièces, il n'en est qu'une qu'on lise aujourd'hui avec plaisir, c'est la mère coquette. Cette pièce renferme des détails agréables et ingénieux, et de bonnes plaisanteries ; elle est d'ailleurs bien conduite, et les carac. tères et la versificatien sont d'une touche naturelle.

Mais c'est d'après ses opèras qu'il faut juger ce poète aimable. Que d'invention, que de naturel, que de sentiment, que d'élevation, que de beautés d'ensemble et de détail, que de grâce n'y trouve-t-on pas ? Alceste, Thésée, Atys, Phaéton, Amadis, Isis, Roland, et surtout Armide, dureront autant que la langue française. "On ne peut trop aimer la douceur, la inollesse, la facilité, et l'harmonie tendre et touchante de la poésie de Quinault. Ni la grâce ni la noblesse n'ont manqué à l'auteur de ces poèmes singuliers.”—(Vau. venargues). Quinault est considéré comme l'inventeur des pièces dites opèras. Voltaire l'adinire beaucoup et l'appelle le poète des grâces. Il a aussi écrit des tragédies. Il ne faut pourtant pas oublier qu'avec toutes leurs beautés, les ouvrages de Quinault ont beaucoup de défauts; aussi Boileau ne l'a pas épargné. Néamoins on lit toujours cet auteur avec plaisir. Il a été de l'Académio française.

FRANÇOISE D'AUBIGNÉ, MARQUISE DE

MAINTENON,

née à Niort en 1635, morte à St. Cyr en 1719.

Lettre à Mme. de Chanteloui.

Me voilà, madame, bien éloignée de la grandeur prédite. Je me soumets à la providence: et que gagnerais-je à murmurer contre Dieu ? Mes amis m'ont conseillé de m'adresser à M***, comme s'ils avaient oublié les raisons que j'ai de n'en rien espérer: irai-je le regagner par mes soumissions, et briguer l'honneur d'être à ses gages ? On m'a envoyée à M. Colbert, mais sans fruit. J'ai fait présenter deux placets au roi, où l'abbé Têtu a mis toute son éloquence : ils n'ont pas seulement été lus. Oh! si j'étais dans la faveur, que je traiterais différemment les malheureux! Qu'on doit peu compter sur les hommes ! Quand je n'avais besoin de rien, j'aurais obtenu un évêché. Quand j'ai besoin de tout, tout m'est refusé. Mme, de Chalais m'a offert sa protection, mais du bout des lèvres. Mme. de Lyonne m'a dit, je verrai, je parlerai, mais du ton dont on dit tout le contraire. Tout le monde m'a offert ses services, et personne ne m'en a rendu. Le duc est sans crédit, le maréchal occupé à demander pour luimême. Enfin, madame, il est très-sûr que ma pension ne sera point rétablie. Je crois que Dieu m'appelle à lui par ces épreuves : il appelle ses enfans par les adversités. Qu'il m'appelle, je le snivrai dans la règle la plus austère. Je suis aussi lasse du monde, que les gens de la cour le sont de moi. Je vous remercie, madame, des consolations chrétiennes que vous m'offrez, et des bontés que mon frère m'écrit que vous daignez lui témoigner.

Lettre à Mademoiselle de Lenclos.

Votre approbation me console de la cruauté de mes amis : dans l'état où je suis, je ne saurais me dire trop souvent que vous approuvez le courage que j'ai eu de m'y mettre. A la Place Royale on me blâme; à Saint-Germain on me loue; et nulle part on ne songe à me plaindre, ni à me servir. Que pensez-vous de la comparaison qu'on a osé me faire de cet homme à M. Scarron? 0 Dieu ! quelle différence! Sans fortune, sans plaisir, il attirait chez moi la bonne compagnie ; celui-ci l'aurait haïe et éloignée: M. Scarron avait cet enjouement que tout le monde sait, et cette solidité d'esprit que presque personne ne lui a connue; celui-ci ne l'a ni brillant, ni badin, ni solide ; s'il parle, il est ridicule ; mon mari avait le fonds excellent: je l'avais corrigé de ses libertés, il n'était ni fou ni vicieux par le cœur; d'une probité reconnue, d'un désintéressement sans exemple; C..... n'aime que ses plaisirs, et n'est estimé que d'une jeunesse perdue ; livré aux femmes, dupe de ses amis, haut, emporté, avare et prodigue : au moins m'a-t-il paru tout cela. Je vous sais bon gré de ne l'avoir pas reçu, malgré les recommandations de la Châtre : il n'aurait pas senti que la première fois devait être la dernière. Assurez ceux qui attribuent mon refus à un engagement, que mon ceur est parfaítement libre, veut toujours l'étre, et le sera toujours ; je l'ai trop éprouvé, qne le plus heureux mariage ne saurait être délicieux ; et je trouve que la liberté l'est. Faites, je vous prie, mes complimens à M. de la Rochefoucault, diteslui que le livre de Job et le livre des Maximes sont mes seules lectures. Vous ne serez pas remerciée, puisque vous ne voulez pas l'être ; mais la reconnaissance ne perd rien au silence que vous m'imposez. Que je vous dois de choses, ma très aimable !

8. Mars, 1668.

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Lettre à M. d'Aubigné, son Frère.

On n'est malheureux que par sa faute. Ce cera toujours mon texte et ma réponse à vos lamentations. Songez, mon cher frère, au voyage d'Amérique, aux malheurs de notre père, aux malheurs de notre enfance, à ceux de notre jeunesse, et vous bénirez la providence, au lieu de murmurer contre la fortune. Il y a dix ans que nous étions bien éloignés l'un et l'autre du point où nous

sommes aujourd'hui. Nos espérances étaient si peu de chose, que nous bornions nos vues à trois mille livres de rente. Nous en avons à présent quatre fois plus, et nos souhaits ne seraient pas encore remplis ! Nous jouissons de cette heureuse médiocrité que vous vantiez si fort. Soyons contens. Si les biens nous viennent, recevons-les de la main de Dieu ; mais n'ayons pas de vues trop vastes. Nous avons le nécessaire et le commode ; tout le reste n'est que cupidité. Tous ces désirs de grandeur partent du vide d'un cæur inquiet. Toutes vos dettes sont payées ; vous pouvez vivre délicieusement, sans en faire de nouvelles. Que désirez-vous de plus ? Faut-il que des projets de richesse et d'ambition vous coûtent la perte de votre repos et de votre santé ? Lisez la vie de Saint Louis, vous verrez combien les grandeurs de ce monde sont au-dessous des désirs du cœur de l'homme. Il n'y a que Dieu qui puisse le rassasier. Je vous le répète, vous n'êtes malheureux que par votre faute. Vos inquiétudes détruisent votre santé, que vous devriez conserver, quand ce ne serait que parce que je vous aime. Travaillez sur votre humeur; si vous pouvez la rendre moins bilieuse et moins sombre, ce sera un grand point de gagné. Ce n'est point l'ouvrage des réflexions seules ; il y faut de l'exercice, de la dissipation, une vie unie et réglée. Vous ne penserez pas bien, tant que vous vous porterez mal ; dès que le corps

est dans l'abattement, l'âme est sans vigueur. Adieu. Ecrivez-moi plus souvent, et sur un ton noins lugubre.

A Madame de St. Géran.

Vous voulez savoir, madame, ce qui m'a attiré un si beau présent. La chose du monde la plus simple On croit dans le monde que je le dois à madame de Montespan, on se trompe : je le dois au petit duc. Le roi s'amusant avec lui, et content de la manière dont il répondit à ses questions, lui dit : “ Vous êtes bien raisonnable." “ Il faut que je le sois, répondit l'enfant ; j'ai une gouvernante qui est la raison même.”—“ Allez lui dire, reprit le roi, que vous lui donnerez ce soir cent mille francs pour vos dragées.” La mère me brouille avec le roi ; son fils

:

me réconcilie avec lui; je ne suis pas deux jours de suite dans la même situation : je ne me fais point à cette vie, moi qui me croyais capable de me faire à tout.

On ne m'envierait pas ma condition, si l'on savait de combien de peines elle est environnée, combien de chagrin elle me coûte. C'est un assujettissement qui n'a point d'exem

. ple ; je n'ai ni le temps d'écrire, ni de faire mes prières ; c'est un véritable esclavage. Tous mes amis s'adressent à moi, et ne voient pas que je ne puis rien, même pour mes parens. On ne m'accordera point le régiment que je demande depuis quinze jours : on ne m'écoute que quand on n'a personne à écouter. J'ai parlé trois fois à M. Colbert; je lui ai représenté la justice de vos prétentions : il a fait mille difficultés, et m'a dit que le roi seul pouvait les résoudre. J'intéresserai madame de Montespan, mais il faut un moment favorable, et qui sait s'il se présentera? S'il ne s'offre point, je chargerai notre ami de votre affaire, et il parlera au roi : je compte beaucoup sur lui.

Au Roi.

Sire, La reine n'est pas à plaindre : elle a vécu, elle est morte comme une sainte : c'est une grande consolation que l'assurance de son salut. Vous avez, Sire, dans le ciel, une amie qui demandera à Dieu le pardon de vos péchés et les grâces des justes. Que votre majesté se nourrisse de ces sentimens : madame la dauphine se porte mieux. Soyez, Sire, aussi bon chrétien que vous êtes grand roi.

A Madame de la Maison-Fort.

Il ne vous est pas mauvais de vous trouver dans des troubles d'esprit : vous en serez plus humble, et vous sentirez par votre expérience, que nous ne trouvons nulle ressource en nous, quelque esprit que nous ayons. Vous ne serez jamais contente, ma chère fille, que lorsque vous aimerez Dieu de tout votre cæur: ce que je ne dis pas, par rapport à la profession où vous vous étes engagée. Salomon vous a dit il y a longtemps, qu'après avoir cherché, trouvé et goûté de tous les plaisirs, il confessait

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