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Tournay ranime en vain ses forces épuisées ;
Sous les débris fumans de ces tours embrasées
Vos pâles compagnons tombent ensevelis ;
Gand, Bruges, Dendermonde ouvrent déjà leurs portes,

Et nos braves cohortes
Dans Oudenarde en feu vont arborer les lis.

a

Cessez de disputer cette triste contrée
Que Bellonne aux Bourbons tant de sois a livrée.
Dans des temps plus heureux vous pouviez nous dompter,
Mais aujourd'hui craignez de nouvelles disgrâces;

Retournez sur vos traces ;
Votre plus beau triomphe est de nous éviter.

L'hommage que l'on doit à tes vertus suprêmes,
Grand roi, nos ennemis te le rendent eux-mêmes :
Ils viendraient à tes pieds implorer tes bienfaits.
Après avoir chanté l'éclat de tes trophées,

Puissent les doctes fées
Célébrer sous tes yeux les douceurs de la paixo

Tel Auguste autrefois, favorable au génie,
Excitait les talens des fils de l'harmonie :
Il abaissait sur eux ses fertiles regards :
D'une main il fermait, déposant son tonnerre,

Le temple de la guerre,
Et de l'autre il ouvrait le temple des beaux-arts.

Fréron entra chez les jésuites, où les pères Brumoy et Bougeant ayant reconnu en lui de grandes dispositions, lui inspirèrent le goût de la belle littérature. Quelques mécontentemens l'ayant obligé de quitter cette congrégation, il assista l'abbé Desfontaines dans la composition de ses feuilles. Il publia lui-même un petit journal sous le nom de Lettres à la Comtesse, qui fut bientôt supprimé. Ces lettres reparurent quelque temps après, mais elles furent souvent interrompues par le crédit des personnes qu'il critiquait sans ménagement. Ce ne fut qu'en 1754 qu'il commença son Année littéraire, qu'il con. tinua jusqu'à sa mort. Beaucoup d'esprit naturel, de gaîté, un gout sûr, un tact fin, le talent de présenter les défauts avec agrément, l'attachement aux anciens cipe le zèle contre la philosophie, l'affec. tation et le néologisme, caractérisent ce journal toutes les fois qu'il est exempt d'esprit de parti. Mais trop souvent on y trouve des juge.

mens hasardés, une trop grande partialité. Son désir de rabaisser Voltaire le rendit injuste. Il exagéra ses fautes, et passa sous silence ou af. faiblit ses beautés. Voltaire s'en vengea, en le produisant sur le théâtre dans l'Ecossaise, où il le peignit sous les traits les plus affreux. Cependant Voltaire regardait Fréron comme un homme de gout. Un seigneur de la cour de Turin i'ayant prié de lui indiquer quelqu'un à Paris, avec qui il pot prendre une idée de tous les écrits qui paraissaient en France, Voltaire lui dit : "adressez-vous à ce coquin de Fréron, il n'y a que lui qui puisse faire ce que vous demandez.” Ce seigneur témoigna beaucoup d'étonnement. “Ma foi, oui,” reprit Voltaire, "c'est le seul homme qui ait du goût; je suis forcé d'en convenir quoique je ne l'aime pas, et que j'aie de bonnes raisons pour le détester."

Fréron a publié beaucoup d'opuscules qui renferment d'excellentes choses, tant en prose qu'en vers,

JEAN-FRANÇOIS-EDOUARD DE CORSEMBLEU

DESMAHYS,

né à Sully-sur-Loire en 1722, inort en 1761.

Caractère. Le Fat.

C'est un homme dont la vanité seule forme le caractère ; qui ne fait rien par goît, qui n'agit que par ostentation, et qui, voulant s'élever au-dessus des autres, est descendu audessous de lui-même. Familier avec ses supérieurs, important avec ses inférieurs, il tutoie, il protége, il méprise. Vous le saluez, et il ne vous voit pas ; vous lui parlez, et il ne vous écoute pas ; vous parlez à un autre, et il vous interrompt. I lorgne, il persifle au milieu de la société la plus respectable, et de la conversation la plus sérieuse ; une femme le regarde, et il s'en croit aimé. Soit qu'on le souffre, soit qu'on le chasse, il en tire également avantage. Il dit à l'homme vertueux de venir le voir, et il lui indique l'heure du brodeur et du bijoutier. Il offre à l'homme libre une place dans sa voiture, et il lui laisse prendre la moins commode. Il n'a aucune connaissance, et il donne des avis aux savans et aux artistes. Il en eût donné à Vauban sur les fortifications, à Lebrun sur la peinture, à Racine sur la poésie. Sort-il du spectacle, il parle à l'oreille de ses gens. Il part: vous croyez qu'il vole à un rendez-vous ; il va souper seub chez lui. Il se fait rendre mystérieusement en public des billets vrais ou supposés : on croirait qu'il a fixé une coquette, ou déterminé prude. Il fait un long calcul de ses revenus ; il n'a que soixante mille livres de rente, et il ne peut vivre. sulte la mode pour ses travers comme pour ses habits, pour ses indispositions comme pour ses voitures, pour son médecin comme pour son tailleur. Vrai personnage de théâtre, à le voir, vous croiriez qu'il a un masque ; à l'entendre, vous diriez qu'il joue un rôle : ses paroles sont vaines, ses actions sont des mensonges, son silence même est men

Il manque aux engagemens qu'il a ; il en feint quand

une

Il conIl a

teur.

il n'en a pas. Il ne va pas où on l'attend, il arrive tard où il n'est pas attendu. Il n'ose avouer un parent pauvre ou peu connu. Il se glorifie de l'amitié d'un grand à qui il n'a jamais parlé, ou qui ne lui a jamais répondu. du bel esprit, la suffisance et les mots satiriques ; de l'homme de qualité, les talons rouges, le coureur et les créanciers ; de l'homme à bonnes furtunes, la petite maison, l'ambre et les grisons. Pour peu qu'il fût fripon, il serait en tout le contraste de l'honnête homme. En un mot, c'est un homme d'esprit pour les sots qui l'admirent, c'est un sot pour les gens sensés qui l'évitent. Mais si vous connaissez bien cet homme, ce n'est ni un homme d'esprit, ni un sot; c'est un fat, c'est le modèle d'une infinité de jeunes sots mal élevés.

Desmahys, en entrant dans la carrière des lettres, se proposa Vol. taire pour modele. Né avec beaucoup d'esprit, il y réussit aussi bien qu'on peut imiter le ton et la manière d'un homme qui est su. périeur à tout dans son genre. Il nous reste de lui des poésies dont la versification est douce, légère et harmonieuse, le coloris frais et les pensées fines et délicates. Son voyage de Saint-Germain est un de ses plus jolis morceaux. Sa comédie intitulée l’Impertinent, of. fre quelques traits piquans et vrais des mœurs de cette époque. On trouve de l'élégance dans son style et un tour facile dans ces vers : mais le sentiment n'avait pas assez de part à ses inspirations. Sa prose a le caractere de ses poésies, et montre ce que Desmahys tut été, si une mort prématurée ne l'eut pas enlevé aux lettres dans le temps où son csprit dans sa force, pouvait imaginer avec hardiesse et exécuter avec facilité.

CLAUDE-FRANÇOIS-XAVIER

MILLOT,

né à Besançon en 1726, mort à Paris en 1785.

Louis XII, appelé le Père du peuple, mort en 1515.

Louis XII mérita et reçut de la nation le plus beau titre que les rois puissent porter, le nom de père du peuple. Il diminua les impôts de plus de moitié ; jamais il n'exigea de nouveaux subsides pour les dépenses de la guerre. S'il employa une ressource dangereuse, et jusqu'alors peu connue, la vénalité des charges, il ne l'étendit point aux offices de judicature, les moins susceptibles de vénalité. Les dignités de la robe ne se donnaient alors qu'au mérite. C'était l'usage que les parlemens présentassent trois sujets pour une place vacante, et que le roi en nommât un. Choisis entre les plus célèbres avocats, ils avaient en quelque sorte acquis le droit de juger, en se distinguant par leurs lumières et leurs vertus.

L'abbé Millot fut successivement jésuite, prédicateur du roi, grand vicaire à Lyon, professeur d'histoire à Parme, enfin précepteur du duc d'Enghien ; et il remplit ces différentes fonctions avec autant de talent et de zèle que de succès. Toutes ces occupations ne l'em. pêchèrent pas de composer plusieurs ouvrages rédigés avec soin, écrits dans un style pur, naturel et élégant; ils roulent presque tous sur l'histoire et sont très-estimés.

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