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nombre de ministres sacrés, qui, dans leurs périlleuses fonctions, avaient trouvé sous ses yeux le martyre et la couronne de la charité ; vrais héros mille fois reproduits par son example. N'en soyons point surpris: le ciel doit à de pareils chefs des disciples intrépides, pour ne point craindre de marcher sur leurs traces.

La Visclède se fit connaître dans le monde littéraire par le grand nombre de prix qu'il remporta dans les différentes Académies du royaume. Mais toutes ces couronnes ne lui auraient pas assuré un nom, si par son zèle pour les lettres, il ne s'était pas acquis des droits aux hommages de la postérité. Il n'y a dans ces ouvrages, soit en prose, soit en vers, rien qui le mette au-dessus d'une foule d'autres auteurs dont on ne parle plus. D'ailleurs il manquait de goút; la finesse de l'esprit était à ses yeux le vrai talent: les graces du naturel lui échappaient. Fontenelle et la Motte étaient ses auteurs favoris, et cela devait être ; il avait à peu près, quoique dans un degré bien in. férieur, la tournure de leur esprit. Mais ce qui doit le rendre cher à tous ceux qui aiment les lettres, c'est que pendant qu'il remplissait avec distinction la place de secrétaire perpétuel de l'Académie de Marseille, il ne cessa pas d'encourager le talent, de servir de guide aux jeunes gens qui le consultaient, et de répandre dans son pays l'amour des beaux-arts.

LOUIS RACINE,

né à Paris en 1692, mort dans la même ville en 1763.

Extrait du Poème de la Religion.
Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire ;
Mais tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire,
Quels témoins éclatans devant moi rassemblés !
Répondez, cieux et mers ; et vous, terre, parlez !
Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles :
Nuit brillante, dis-nous qui t'a donné tes voiles ?
O cieux ! que de grandeur, et quelle majesté !
J'y reconnais un maître à qui rien n'a couté,
Et qui dans vos déserts a semé la lumière
Ainsi dans nos champs il sème la poussière.
Toi qu'annonce l'aurore, admirable flambeau,
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,
Par quel ordre, o soleil ! viens-tu du sein de l'onde
Nous rendre les rayons de ta clarté féconde ?
Tous les jours je t'attends ; tu reviens tous les jours :
Est-ce moi qui t'appelle et qui règle ton cours ?

Et toi dont le courroux veut engloutir la terre,
Mer terrible, en ton lit quelle 'main te resserre ?
Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts ;
La
rage

de tes flots expire sur tes bords.
Fais sentir ta vengeance à ceux dont l'avarice
Sur ton perfide sein va chercher son supplice.
Hélas ! près de périr, t'adressent-ils leurs vœux ;
Ils regardent le ciel, secours des malheureux.
La nature qui parle en ce péril extrême,
Leur fait lever les mains vers l'asile suprême ;
Hommage que toujours rend un ceur effrayé
Au Dieu que jusqu'alors il avait oublié.

La voix de l'univers à ce Dieu me rappelle.
La terre le publie. Est-ce moi, me dit-elle,
Est-ce moi qui produis mes riches ornemens ?
C'est celui dont la main posa mes fondemens.
Si je sers tes besoins, c'est lui qui me l'ordonne :
Les présens qu'il me fait, c'est à toi qu'il les donne ....

Louis Racine, fils du grand Racine, ayant perdu son père de bonne heure, consulta Boileau qui lui conseilla de ne pas s'appliquer à la poésie; mais son penchant pour les muses l'entraina. Il débuta par le poème de la Grace, ouvrage médiocre, mais qui cependant lui fit honneur. Les chagrins que son père avait essuyés à la cour, lui fesaient redouter ce séjour. Cependant le chancelier d'Aguesseau l'engagea à paraître dans le monde, et il s'y fit des protecteurs qui contribuèrent à sa fortune. Le cardinal Fleury qui avait connu son père, lui procura une place dans les finances, et il coula dès lors des jours tranquilles et fortunée avec une épouse qui fesait son bonheur. Il continua par goût de cultiver les belles-lettres, et plusieurs ouvrages furent les fruits de son loisir. Ceux qui lui feront toujours honneur sont ses odes tirées de la bible, et son poème sur la religion, où il n'y point de chant qui ne renferme des traits excellens et de très-beaux vers. La justesse du dessin, l'heureuse disposition des parties, la noblesse des images, la vérité des couleurs le rendent aussi recommanda. ble que le mérite de la difficulté vaincue, et le choix intéressant des plus belles pensées de Pascal et de Bossuet, mises en vers qui ne leur Otent rien de leur force ni de leur sublimité. Cet ouvrage ne fut cependant bien accueilli que sous le rapport de la religion.

CHARLES FREY DE NEU VILLE,

né à Coutances (Manche) en 1693, mort à Saint-Germain.en-Laye

en 1774.

Portrait d'une Cour.

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Là, sur ce théâtre changeant et mobile, où, sous les apparences du repos, règne le mouvement le plus rapide ; dans cette région d'intrigues cachées, de perfidies ténébreuses, de méchanceté profonde et réfléchie ; dans cette région où l'on respecte sans estimer,où l'on sert sans aimer, où l'on nuit sans haïr; où l'on s'offre par vanité, où l'on se promet par politique ; où l'on se donne par intérêt, où l'on s'engage sans sincérité, où l'on se retire, où l'on abandonne sans bienséance et sans pudeur; dans ce labyrinthe de détours tortueux, où la prudence marche au hasard, où la route de la prospérité mène si souvent à la disgrâce ; où les qualités nécessaires pour s'avancer, sont souvent un obstacle qui empêche de parvenir; où vous n'évitez le mépris que pour tomber dans la haine ; où le mérite modeste est oublié, parce qu'il ne s'annonce pas ; où le mérite qui se produit est écarté, opprimé, parce qu'on le redoute ; où les

: heureux n'ont point d'amis, puisqu'il n'en reste point aux malheureux.

Entré dans la société des jésuites le père de Neuville s'y distingua par ses grands talens pour la chaire. Pendant trente ans, il prêcha avec le plus grand succès à la cour et dans la capitale. Après la destruction de la société à laquelle il appartenait, il obtint la permission de rester en France, quoiqu'il n'eut pas rempli les conditions imposées par le parlement de Paris : il dut cette grâce autant à ses vertus qu'à ses talens. Les sermons du P. de Neuville doivent être distingués de la foule des écrits de ce genre, par la beauté des plans, la vivacité des idées, l'heureuse application de l'écriture, par l'abon. dance d'un style pittoresque et original, et par la chaleur du sentiment. Il n'a manqué au P. Neuville que d'avoir su resserrer son éloquence dans de justes bornes, d'avoir su éviter les écueils du bel esprit et l'affectation de l'antithèse. C'est néanmoins un des meilleurs prédicateurs du second ordre.

MARIE-FRANÇOIS AROUET DE VOLTAIRE,

né à Paris en 1694, mort dans la même ville en 1778.

Preuve de l'Existence de Dieu tirée des causes finales.

Croire Dieu et les esprits corporels est une ancienne erreur métaphysique; mais ne croire absolument aucun Dieu, ce serait une erreur affreuse en morale, une erreur incompatible avec un gouvernement sage.

Newton était intimement persuadé de l'existence d'un Dieu, et il entendait par ce mot non seulement un Etre infini, tout puissant, éternel et créateur, inais un maître qui a mis une relation entre lui et ses créatures ; car sans cette relation, la connaissance d'un Dieu n'est qu'une idée stérile qui semblerait inviter au crime, par l'espoir de l'impunité, tout raisonneur né pervers.

Aussi ce grand philosophe fait une remarque singulière à la fin de ses principes. C'est qu'on ne dit point mon éternel, mon infini, parce que ces attributs n'ont rien de relatif à notre nature ; mais on dit et l'on doit dire mon Dieu, et par là il faut entendre le maître et le conservateur de notre vie, l'objet de nos pensées.

Plusieurs personnes s'étonneront peut-être, que de toutes les preuves de l'existence de Dieu, celle des causes finales fût la plus forte aux yeux de Newton. Le dessein, ou plutôt les desseins variés de l'infini, qui éclatent dans les plus vastes et les plus petites parties de l'univers, font une démonstration qui, à force d'être sensible, en est presque méprisée par quelque philosophes. Mais enfin Newton pensait que ces rapports infinis, qu'il apercevait plus qu'un autre, sont l'ouvrage d'un artisan infiniment habile.

Je ne sais s'il y a une preuve métaphysique plus frappante et qui parle plus fortement à l'homme que ce vordre admirable qui règne dans le monde ; et si jamais il y a eu un plus bel argument que ce verset : Coli enarrant gloriam Dei. Aussi Newton n'en apporte point d'autre. Il ne trouvait point de raisonnement plus convaincant et plus

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