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JACQUES ABBADIE,

né près de Pau (Basses-Pyrénées) en 1654, mort à Londres en 1727.

Extrait du Traité de la Vérité de la Religion

Chrétienne.

Il n'y a pas toujours eu des chrétiens dans le monde. Cela m'apprend qu'il faut remonter jusqu'anx siècles passés, pour trouver l'origine de ma religion. Je monte donc de siècle en siècle jusqu'à Constantin, sans trouver le moyen de m'éclaircir de ce doute.

Mais il faut un peu s'arrêter ici. La prospérité de ce prince donne d'abord quelques soupçons ; et l'on se défie d'un homme qui, étant le maître de la plus grande partie de l'univers, semble avoir pu établir la religion chrétienne par la force ou par l'adresse, la regardant peut-être corrme plus propre que la païenne à faire réussir les desseins de sa politique.

Ce soupçon ne dure pourtant pas long-temps; nous connaissons très-certainement qu'il y avait des chrétiens avant le siècle de Constantin. Les auteurs païens qui l'ont précédé, en parlent. Les historiens ecclésiastiques ne font que décrire leurs souffrances. Or, bien que ces historiens vécussent du temps de Constantin, ou même après lui, il faudrait, ou qu'ils eussent perdu la raison, ou qu'ils la supposassent perdue dans les hommes de leur siècle, pour leur donner une histoire de l'église chrétienne, depuis les apôtres jusqu'à Constantin, s'il était vrai qu'il n'y eût pas eu de chrétien avant ce prince. Il faut donc être tout à fait extravagant pour s'arrêter à ce soupçou.

Mais je trouve ici quelque chose de plus : c'est que d'un côié les chrétiens qui vivaient sous Constantin, avaient entre leurs mains les livres du nouveau testament; et que de l'autre, ces chrétiens étaient si persuadés de la résurrection de Jésus-Chris, de ses miracles, de l'effusion du Saint-Esprit sur les apôtres, et de tous les autres faits qui établissent la religiou clırétienne, qu'ils ne parlent pas

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d'autre chose ; leurs livres en sont remplis ; leur doctrine est toute établie sur ce fondement. Ainsi, afin que Constantin eût supposé les faits qui établissent le christianisme, il faudrait qu'il eût supposé non seulement les livres du nouveau testament, mais encore les écrits de Clément, de Justin, d'Irénée, d'Athénagore, de Clément Alexandrin, de Tertulien, d'Origène, et généralement de tous les pères qui l'ont précédé ; puisque ces écrits ont un rapport essentiel avec les faits qui établissent la vérité de la religion.

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Si ces docteurs s'étaient contentés de nous dire que J. C. et les apôtres ont fait des miracles, nous pourrions peut-être nous dispenser de les croire sur leur parole. Mais lorsqu'ils souffrent la mort pour défendre la vérité de certains faits dont il est impossible qu'ils ne fussent pas instruits; lorsque je vois que Clément et Polycarpe, disciples et contemporains des apôtres, vont à la mort pour défendre une religion essentiellement fondée sur ces faits ; c'est-à-dire, pour soutenir que les apôtre avaient reçu le don de faire des miracle, de parler des langues étrangères, et de communiquer ces mêmes dons, faits avec lesquels la religion chrétienne est essentiellement liée, j'avoue que je commence à être convaincu.

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Abbadie était ministre Calviniste. Après avoir fait avec distinction son cours d'études à Sedan, il voyagea pour son instruction en Hollande et en Allemagne. De retour en France, il y exerça les fonctions de son ministère. Sa réputation le fit appeler à Berlin, d'où il passa bientôt en Angleterre et ensuite en Irlande, où il obtint le doyenné de Killaloé. La pureté de ses meurs, la droiture et l'aménité de son caractère, l'étendue de ses connaissances, et son éloquence simple et naturelle le firent également rechercher des grands et des gens de lettres. C'est en Angleterre qu'il composa la plus grande partie de ses ouvrages. Les plus estimés sont ses Traités de la vérité de la religion chrétienne, de la Divinité de J. C., et de l’Art de se connaître soi-même. Ces traités, qui méritèrent également les suffrages des Catholiques et des Protestans, furent traduits dans toutes les langues; ce qui les distingue c'est la force dans les raisonnement et l'énergie dans le style.

Le mot calviniste, au commencement de cette notice, nous rappelant le nom d'un de nos plus célèbres écrivains du seizième siècle, nous nous fesons un plaisir et un devoir de lui donner place ici : la difficulté de nous procurer ses ouvrages dans cette ville, nous empêche J'en faire un article à part.

C'est JEAN CALVIN, né à Noyon (Oise) en 1509, et mort en 1564. Né dans la religion catholique, il était destiné au service de l'Eglise, et avait même reçu la tonsure lorsqu'il changea de resolution pour embrasser la profession d'avocat. Après avoir fini ses humanités à Paris, son père l'envoya à Orleans pour y étudier la jurisprudence sous la direction de Pierre L'Etoile, et puis à Bourges, où il continua cette étude sous André Alciat: scs ses progrès furent rapides. En étudiant la loi, il s'adonna également à l'étude du Grec, sous le professeur Wolmar. De retour à Paris, il y composa un commentaire sur le traité de Sénéque de Clementia: il n'avait pas encore 24 ans. Enfin il se fit connaître à ceux qui avaient secrètement embrassé la réformation, et les persécutions dunt ce parti devint l'objet, le forcèrent de se retirer à Bâle, où il étudia l'Hébreux. Après la publication de son Institution chrétienne, dé. diée à François I, Calvin rentra en France, mais il n'y resta pas long. temps. Dans la suite, il résida alternativement à Genève et à Strasbourg, où il se livra à la prédication, à l'enseignement de la théologie, et à la composition de ses ouvrages. Secondé par Bucer et Capiton, il fonda une église française à Strasbourg, et en fut le premier ministre. Il était si strict dans sa nouvelle doctrine, qu'il occasionna plus d'une fois des divisions dans son propre parti ; mais les difficultés ne

; servaient qu'a multiplier son courage et sa persévérance. Doué de beaucoup d'esprit, d'un jugement exquis, d'une mémoire fidèle, d'une éloquence noble et persuasive, plein de zèle pour sa croyance, possé. dant des connaissances immenses, toujours actif, ayant toujours la plume à la main, il semble être présent partout à la fois, en France, en Suisse, en Angleterre, en Pologne et en Allemagne. Ayant a lut. ter contre de si grands et si nombreux obstacles, et étant presque épuisé de fatigue, il faut tenté, dit Bayle, de revenir sur ses pas un jour on lui demanda si l'on pouvait être sauvé dans la religion catholique ? il répondit dans l'affirmative sans hésitation ; et commet on le sollicitait à se retracter, il dit que c'était malheureusement trop: tard.

On a de la peine à concevoir comment un homme a pu écrire tan de livres en si peu de temps : l'édition qu'on fit de ses oeuvres à Genève, comprend douze volumes in folro; celle d'Amsterdam (1667) les réduisit à neuf: ses lettres et ses commentaires sur la Bible en ferment la plus grande partie.

RENÉ AUBERT DE VERTOT D’EBEUF,

né au château de Bennerot, en Normandie, l'an 1655; mort à Paris

en 1735.

Mahomet.

Pendant que l'empereur Héraclius était aux mains avec les Scythes et les Perses, l'Arabie vit sortir de ses déserts un de ces hommes remuans et ambitieux, qui semblent nés pour changer la face de l'univers....

On voit assez que je veux parler de Mahomet, le plus habile et le plus dangereux imposteur qui eût encore paru dans l'Asie. Si nous en croyons Elmacin, historien arabe, Mahomet avait l'air noble, le regard doux et modeste, l'esprit souple et adroit, l'abord civil et caressant, et la conversation insinuante. D'ailleurs, il ne lui manquait aucune des qualités nécessaires dans un chef de parti : libéral jusqu'à la profusion, vif pour connaître les hommes, juste pour les mettre en usage selon leurs talens, toute la délicatesse pour agir, sans se laisser jamais apercevoir ; il fit paraitre depuis dans la conduite de ses desseins une fermeté, et un courage supérieurs aux plus grands perils. Bientôt, soutenu

. par quelques disciples, il ne fit plus mystère de sa doctrine, et, prenant de lui-même sa mission, il s'érigea en prédicateur, quoique sans aucun fonds de science; il se fesait écouter par la pureté de son langage, la noblesse et le tour de ses expressions. Il excellait surtout dans une certaine éloquence orientale, qui consistait dans des paraboles et des allégories dont il enveloppait ses discours.

Vertot entra chez les Capucins, malgré l'opposition de sa famille, mais les austérités de ce corps ayant dérangé sa santé, il passa chez les chanoines réguliers de Prémontré. Las de vivre dans des solitudes, il se rendit à Paris et y prit l'habit ecclésiastique. Ses talens, que le cloitre n'avait pas étouffés, l'y firent bientôt connaître, ét lui procurè. rent de puissans protecteurs. Le grand maître de Malte le nomma historiographe de l'ordre, l'associa à ses priviléges, lui permit de por

ter la croix, et lui donna même une commanderie. Vertot jouit dès lors tranquillement de sa fortune dans le sein des lettres et de l'amitié. C'était un homme d'un caractère aimable, qui avait cette dou. ceur de meurs qu'on puise dans le commerce des compagnies choisies et des esprits ornés. Son imagination était brillante dans sa con. versation comme dans ses écrits. Ami fidèle, sincère, officieux, empressé à plaire, il avait autant de chaleur dans le cæur que dans l'esprit.

Vertot connut bien le style de l'histoire : il sait écrire et narrer avec élégance et intérêt. Ses ouvrages sont encore lus, et ses Révolutions romaines sont fort estimées. Cependant jo leur préfèrerais ses Révolutions de Portugal.(La Harpe.) Selon le jugement du même, l'Histoire de Malthe, par Vertot, tient un peu du roman à cause des longues descriptions poétiques qu'on y trouve. Son Histoire de Suède est écrite avec beaucoup de gráce et d'élégance.

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