Page images
PDF
EPUB
[merged small][ocr errors]

né a la Ferté-Milon (Aisne) en 1639, mort à Paris en 1699.

Extrait d'une scène d'Esther.

Qnoi ! lorsque vous voyez périr votre patrie,
Pour quelque chose, Esther, vous comptez votre vie !
Dieu parle et d'un mortel vous craignez le courroux !
Que dis-je ? votre vie, Esther, est-elle à vous ?
N'est-elle pas au sang dont vous êtes issue ?
N'est-elle pas
à Dieu dont vous l'avez reçue

?
Et qui sait lorsqu'au trône il conduisit vos pas,
Si pour sauver son peuple il ne vous gardait pas ?
Songez-y bien: ce Dieu ne vous a point choisie
Pour être un vain spectacle aux peuples de l'Asie,
Ni pour charmer les yeux des profanes humains :
Pour un plus noble usage il réserve sés saints.
S'immoler pour son nom et pour son héritage,
D'un enfant d'Israël voilà le vrai partage :
Trop heureuse pour lui de hasarder vos jours !
Et quel besoin son bras a-t-il de nos secours ?
Que peuvent contre lui tous les rois de la terre ?
En vain ils s'uniraient pour lui faire la guerre:
Pour dissiper leur ligue, il n'a qu'à se montrer ;
Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer.
Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble;
Il voit comme un néant tout l'univers ensemble ;
Et les faibles mortels, vains jouets du trépas,
Sont tous devant ses yeux comme s'ils n'étaient pas. ...

Lettre à son Fils.

Fontainebleau, 4 oct. 1692. Je suis fort content de votre lettre, et vous me rendez un très-bon compte de votre étude et de votre conversation avec M. Despréaux. Il serait bien à souhaiter pour vous,

vous

[ocr errors]

;

que vous pussiez être souvent en si bonne compagnie, et

en pourriez retirer un grand avantage, pourvu qu'avec un homme tel que M. Despréaux, vous eussiez plus de soin d'écoûter que de parler. Je suis assez satisfait de votre version; mais je ne puis guère juger si elle est bien fidèle, n'ayant apporté ici que le premier tome des lettres à Atticus,* au lieu du second que je pensais avoir apporté : je ne sais même si je ne l'ai pas perdu ; car j'étais comme assuré de l'avoir ici parmi mes livres. Pour plus grande sureté, choisissez dans quelqu'un des six premiers livres la première lettre que vous voudrez traduire mais surtout choisissez-en une qui ne soit pas sèche comme celle que vous avez prise, où il n'est presque parlé que d'affaires d'intérêt. Il y en a tant de belles sur l'état ou était alors la république, et sur les choses de consé. quence qui se passaient à Rome. Vous ne lirez guère d'ouvrage qui soit plus utile pour vous former l'esprit et le jugement; mais surtout je vous conseille de ne jamais traiter injurieusement un homme aussi digne d'être respecté de tous les siècles que Cicéron. Il ne vous vient point à votre âge, ni même à personne, de lui donner ce vilain nom de poltron. Souvenez-vous toute votre vie de ce passage de Quinti ien, qui était lui-même un grand personnage : Ille se profecisse sciat, cui Cicero valdè placebit. Ainsi vous auriez mieux fait de dire simplement de lui qu'il n'était pas aussi brave ou aussi intrépide que Caton. Je vous dirai même que, si vous aviez su la vie de Cicéron dans Plutarque, vous auriez vu qu'il mourut en fort brave homme.

con

:

Extrait d'une autre Lettre au même.

F. 5 oct. 1602. La relation que vous m'avez envoyée m'a beaucoup diverti, et je vous sais bon gré d'avoir songé à la copier pour m'en faire part. Elle n'est pourtant pas exacte en beaucoup de choses ; mais il ne laisse pas d'y en avoir beaucoup de vraies, et qui sont écrites avec une fort grande

* C'était son livre favori, et son compagnon de voyage

+ Racine était alors gentilhomme du roi, et il était obligé de l'accompagner dans ses voyages.

ingénuité. .... Adieu, mon cher fils.

Dites à vos sæurs que je suis fort aise qu'elles se souviennent de moi, et qu'elles souhaitent de me revoir. Je les exhorte à bien servir Dieu, et vous surtout, afin que, pendant cette année de rhétorique que vous commencez, il vous soutienne et vous fasse la grâce de vous avancer de plus en plus dans sa connaissance et dans son amour. Croyez-moi, c'est là ce qu'il y a de plus solide au monde ; tout le reste est bien frivole.

Autre au même.

Je ne saurais m'empêcher de vous dire, mon cher fils, que je suis très-content de tout ce que votre mère m'écrit de vous.

Je vois par ses lettres que vous êtes fort attaché à bien faire, mais surtout que vous craignez Dieu, et que vous prenez plaisir à le servir. C'est la plus grande satisfaction que je puisse recevoir, et en même temps la meilleure fortune que je vous puisse souhaiter. J'espère que plus vous irez en avant, plus vous trouverez qu'il n'y a de véritable bonheur que celui-là. J'approuve la manière dont vous distribuez votre temps et vos études ; je voudrais seulement qu'aux jours que vous n'allez pas au collége, vous pussiez relire votre Cicéron, et vous rafraichir la mémoire des plus beaux endroits ou d'Horace, ou de Virgile, ces auteurs étant fort propres a accoutumer à penser et à écrire avec justesse et netteté.

On a cru que le lecteur ne serait pas faché de trouver ici les deux odes suivantes, comme étant un des premiers fruits du génie de ce grand homme: on ne les donne pas pour modèle, mais elles sont cu. rieuses et intéressantes, puisque le poète les composa à l'âge de quatorze ans. D'ailleurs, loin de pouvoir nuire aux jeunes élèves, de tels exemples semblent être propres à faire naître en eux des sentimens d'une noble émulation. D'un autre côté, ces essais font connaitre le point d'où Racine est parti pour arriver à ses chefs d'œuvre poétiques : ces premiers vers ne firent point soupçonner que cela méme plume sortiraient un jour Phèdre, Athalie, elc. etc.

11

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Là, l'on voit la biche légère,
Loin du sanguinaire aboyeur,
Fouler, sans crainte et sans frayeur,
Le tendre émail de la fougère.
Là, le chevreuil champêtre et doux,
Bondit aussi dessus les houx,

En courses incertaines;
Là, les cerfs, ces arbres vivans,

De leurs bandes hautaines,
Font cent autres grands bois mouvans,

C'est là qu'avec de doux murmures
L'on entend les petits zephyrs,
De qui les tranquilles soupirs
Charment les peines les plus dures.
C'est là qu'on les voit tour-à-tour
Venir baiser avec amour

La feuille tremblante;
Là, pour joindre aux chants des oiseaux

Leur musique éclante,
Ils concertent sur les rameaux.

Là, cette chaleur violente
Qui, dans les champs et les vallons,
Brule les avides sillons,
Se fait voir moins fière et plus lente.
L'ail du monde voit à regret
Qu'il ne peut percer le secret

De ces lieux pleins de charmes :
Plus il y lance de clartés,

Plus il leur donne d'armes
Contre ses brûlantes beautés.

ODE II.

Des Troupeaux, et d'un Combat de Taureaux.

C'est dans ces campagnes fleuries
Qu'on voit mille troupeaux errans
Aller, en cent lieux différens,
Ronger les trésors des prairies :
Les uns, charmés par leur aspect,
En retirent avec respect

Leurs dents comme incertaines;
Les autres, d'un cours diligent,

Vont boire en ces fontaines,
Qui semblent des coupes d'argent.

« PreviousContinue »