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L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure :
Le deuil enfin sert de parure,

En attendant d'autres atours.
Toute la bande des Amours

Revient au colombier; les jeux, les ris, la danse,
Ont aussi leur tour à la fin:

On se plonge soir et matin

Dans la fontaine de Jouvence.

Le père ne craint plus ce défunt tant chéri; Mais comme il ne parloit de rien à notre belle: Où donc est le jeune mari

Que vous m'avez promis? » dit-elle.

ÉPILOGUE.

Bornons ici cette carrière :
Les longs ouvrages me font peur.
Loin d'épuiser une matière,
On n'en doit prendre que la fleur.
Il s'en va temps que je reprenne
Un peu de forces et d'haleine
Pour fournir à d'autres projets.
Amour, ce tyran de ma vie,

Veut que je change de sujets :
Il faut contenter son envie.

Retournons à Psyché. Damon, vous m'exhortez
A peindre ses malheurs et ses félicités :
J'y consens; peut-être ma veine

En sa faveur s'échauffera.

Heureux si ce travail est la dernière peine
Que son époux me causera!

A MADAME DE MONTESPAN.
L'Apologue est un don qui vient des immortels;
Ou, si c'est un présent des hommes,
Quiconque nous l'a fait mérite des autels:

Nous devons, tous tant que nous sommes,
Ériger en divinité

Le sage par qui fut ce bel art inventé.

C'est proprement un charme : il rend l'âme attentive, Ou plutôt il la tient captive,

Nous attachant à des récits

Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits.
O vous qui l'imitez, Olympe, si ma muse
A quelquefois pris place à la table des dieux,
Sur ces dons aujourd'hui daignez porter les yeux;
Favorisez les jeux où mon esprit s'amuse!

Le temps, qui détruit tout, respectant votre appui,
Me laissera franchir les ans dans c t ouvrage :
Tout auteur qui voudra vivre encore après lui
Doit s'acquérir votre suffrage.

C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix :
Il n'est beauté dans nos écrits

Dont vous ne connoissiez jusques aux moindres traces.
Eh! qui connoît que vous les beautés et les grâces!
Paroles et regards, tout est charme dans vous.
Ma muse, en un sujet si doux,
Voudroit s'étendre davantage :

Mais il faut réserver à d'autres cet emploi;
Et d'un plus grand maître que moi
Votre louange est le partage.

Olympe, c'est assez qu'à mon dernier ouvrage
Votre nom serve un jour de rempart et d'abri;
Protégez désormais le livre favori

Par qui j'ose espérer une seconde vie :

Sous vos seuls auspices ces vers

Seront jugés, malgré l'envie,
Dignes des yeux de l'univers.

Je ne mérite pas une faveur si grande;
La fable en son nom la demande :

Vous savez quel crédit ce mensonge a sur nous.
S'il procure à mes vers le bonheur de vous plaire,
Je croirai lui devoir un temple pour salaire :
Mais je ne veux bâtir des temples que pour vous

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Un mal qui répand la terreur,
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisoit aux animaux la guerre.

Ils n'en mouroient pas tous, mais tous étoient frappés:
On n'en voyoit point d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante vie;
Nul mets n'excitoit leur envie;
Ni loups ni renards n'épioient
La douce et l'innocente proie;
Les tourterelles se fuyoient:
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit : « Mes chers amis,
Je crois que le ciel a permis

Pour nos péchés cette infortune.
Que le plus coupable de nous

Se sacrifie aux traits du céleste courroux;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidens
On fait de pareils dévouemens.

Ne nous flattons donc point; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.

Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,

J'ai dévoré force moutons.

Que m'avoient-ils fait? nulle offense;
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger.

Je me dévouerai donc, s'il le faut : mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi;
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.

Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché? Non, non. Vous leur fites, seigneur,
En les croquant, beaucoup d'honneur;

Et quant au berger l'on peut dire
Qu'il étoit digne de tous maux,

Étant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir

Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses :

Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples matins,
Au dire de chacun étoient de petits saints.
L'âne vint à son tour, et dit : « J'ai souvenance
Qu'en un pré de moines passant,

La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,

Je tondis de ce pré la largeur de ma langue;
Je n'en avois nul droit, puisqu'il faut parler net. »
A ces mots on cria haro sur le baudet.

Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue
Qu'il falloit dévouer ce maudit animal,

Ce pelé, ce galeux, d'où venoit tout leur mal.

Sa peccadille fut jugée un cas pendable.

Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable!
Rien que la mort n'étoit capable

D'expier son forfait. On le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugemens de cour vous rendront blanc ou noir.

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Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai femme;

Mais comme le divorce entre eux n'est pas nouveau,
Et que peu
de beaux corps, hôtes d'une belle âme,
Assemblent l'un et l'autre point,

Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
J'ai vu beaucoup d'hymens; aucuns d'eux ne me tentent:
Cependant des humains presque les quatre parts.
S'exposent hardiment au plus grands des hasards;
Les quatre parts aussi des humains se repentent.
J'en vais alléguer un qui, s'étant repenti,
Ne put trouver d'autre parti

Que de renvoyer son épouse,
Querelleuse, avare et jalouse.

Rien ne la contentoit, rien n'étoit comme il faut :
On se levoit trop tard, on se couchoit trop tôt;
Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose.
Les valets enrageoient; l'époux étoit à bout:
Monsieur ne songe à rien, monsieur dépense tout,
Monsieur court, monsieur se repose. »
Elle en dit tant, que monsieur, à la fin,
Lassé d'entendre un tel lutin,

Vous la renvoie à la campagne
Chez ses parens. La voilà donc compagne
De certaines Philis qui gardent les dindons,
Avec les gardeurs de cochons.

Au bout de quelque temps qu'on la crut adoucie,
Le mari la reprend. « Eh bien! qu'avez-vous fait!
Comment passiez-vous votre vie?

L'innocence des champs est-elle votre fait?
- Assez, dit-elle : mais ma peine
Étoit de voir les gens plus paresseux qu'ici :

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