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On employait au début les solutions assez concentrées à 5 p. 100, à 10 p. 100, dans l'eau alcoolisée, surtout lorsqu'il y avait des raisons de réduire autant que possible la quantité de liquide (larynx, voies aériennes); mais la solution à 10 p. 100, avantageuse à cet égard, peut entraver la guérison d'une plaie et produire une nécrose (E. KUMMER). Aujourd'hui, on tend à user des solutions plus faibles (à 2 p. 100); on a conseillé aussi la solution phéniquée contenant chlorhydrate de cocaïne 18,50; eau, 100 grammes; acide phénique pur, 5 gouttes, qui ne donnerait point lieu à la production d'accidents. La résorption de la cocaïne serait empêchée; l'empêchement résulterait d'une mince eschare sur la muqueuse (J. GLUCK, Semaine médicale, 1890; CARTAZ, Gaz. hebd., 1891).

b) Muqueuses du larynx et du pharynx. — C'est par MORENO-Y-MAIZ (1868) qu'a été signalée l'anesthésie du larynx et du pharynx par la cocaïne; JELINCK (1884) se servit des solutions fortes pour les besoins de la laryngoscopie et les petites opérations sur le larynx. A la même époque, STOERK a usé de la cocaïne pour l'ablation d'un polype des cordes vocales. MOURE et BARATOUx ont agi de même. On a encore employé le badigeonnage pour amender la douleur ou l'inflammation dans les amygdalites, ou pour pratiquer la cautérisation des amygdales. Rappelons enfin que, d'après BROWN-SÉQUard, la cocaïne, comme le chloroforme, le chloral et l'acide carbonique, projeté sur le larynx pourrait, par inhibition, provoquer l'anesthésie générale.

c) Muqueuse nasale. Muqueuse de l'oreille moyenne. Oreille externe. - Les badigeonnages ont été employés dans les fosses nasales pour l'ablation de polypes (solution à 2 p. 100); ZWAARDEMAKER (45) a eu recours à la pulvérisation avec mélange de poudre d'amidon au moyen d'un tube à ouverture latérale. Dans le catarrhe nasal chronique, on alterne ou on mélange les pulvérisations de cocaïne avec les pulvérisations au nitrate d'argent. Le traitement à la cocaïne serait utile dans l'acné de l'asthme nerveux dont l'accès commence par une sténose nasale et finit par une abondante sécrétion muqueuse.

La cocaïnisation de la muqueuse nasale a été employée pour divers usages.

1° On l'a pratiquée comme préventif des troubles respiratoires et cardiaques dans l'anesthésie chloroformique (ROSENBERG, Soc. méd. de Berlin, 1894-1895). On prévient de cette manière les réflexes inhibitoires cardiaques et les troubles respiratoires précoces que détermine le premier contact de la vapeur irritante de l'éther et du chloroforme avec la muqueuse des voies aériennes. On obtiendrait ainsi une narcose plus rapide et moins troublée. L'application se fait au moyen d'un pulvérisateur qui injecte dans chaque nárine 2 centigrammes de cocaïne en solution faible, puis, un peu après, 1 centigramme et ainsi de suite jusqu'à 6 centigrammes.

2o On l'a pratiquée encore pour faire disparaître la sensation de la nausée dans diverses circonstances (CH. W. INGRAHAM, 1896) et spécialement dans l'état nauséeux de la grossesse et du mal de mer. Mais, dans ce cas, les injections épigastriques de A. TIBONI seraient plus efficaces.

3o On l'a employée, enfin, pour faire disparaître ou du moins atténuer les douleurs menstruelles. W. FLIESS (de Berlin) badigeonne, dans ce but, une portion de la cloison des fosses nasales, à la fois vasculaire et glandulaire, telle que le tuberculum septi. Ces effets plus ou moins certains sont empiriques.

En otologie, on a employé la cocaïne pour amener la sédation de la douleur et pour faciliter le cathétérisme de la trompe d'Eustache (BOUCHEт, Thèse de Paris, 1889, no 395). KIESELBACH, BAUMGARTEN (4) ont employé des tampons d'ouate imbibés de la solution de cocaïne à 5 ou 10 p. 100 comme tympan artificiel. Ils ont constaté la diminution des bruits subjectifs à la suite d'injection dans la caisse du tympan. SCHWABACH (40), dans le cas de catarrhe chronique de l'oreille moyenne, conseille, pour faire disparaître les bruits subjectifs, l'injection, au moyen de la sonde, de 5 gouttes de la solution à 2 p. 100. La cocaïne paraît agir dans ces cas par sa propriété vaso-constrictive et antiphlogistique. VON STEIN (43) préconise, dans toutes les maladies de l'oreille avec phénomènes d'hyperhémie, des injections tympaniques ou des applications dans le conduit auditif, de la solution suivante résorcine, 1 décigramme; chlorhydrate de cocaïne, 20 à 50 centigrammes; eau distillée, 10 grammes; chlorhydrate de morphine, 1 à 5 centigrammes. On obtiendrait ainsi une guérison rapide de la myringite et une jugulation de l'otite moyenne.

WOLFENSTEIN (New-York), dès le début de l'otite moyenne aiguë, instille dans le conduit auditif externe 5 à 6 gouttes de chlorhydrate à 5 p. 100. La douleur disparaît au bout

d'un quart d'heure : on réitère dès qu'elle revient, et cela quatre ou cinq fois par jour pendant deux à trois jours. On abrégerait ainsi la durée de la maladie et l'on préviendrait la suppuration même imminente (1893).

Nous rappellerons que l'on a constaté fréquemment des accidents dans le cas d'injection de cocaïne dans l'oreille moyenne, même avec des doses de 2 à 5 gouttes de la solution à 5 p. 100. En tout cas, on observe sonvent des accidents légers tels que nausées, syncopes, pâleurs, vertiges, somnolence et des éruptions dans le voisinagc (eczéma, furonculose). d) Muqueuse œsophagienne et stomacale. On a employé la cocaïne en ingestion stomacale pour supprimer les spasmes œsophagiens (FREUD); CONSTANTIN PAUL (34) l'a donnée chez les gastralgiques et chez les cancéreux à la dose de 30 centigrammes par jour, en deux cuillerées de la solution à 1 p. 100. On l'a encore employée de la même manière contre les vomissements incoërcibles de la grossesse (HOLZ); contre ceux de la fièvre jaune THORINGTON); contre le mal de mer (HANTZ). A. TIBONI (de Turin) obtient de bons résultats dans le cas de vomissements incoercibles de la grossesse en injectant deux fois par jour, à la région épigastrique, 05,01 de chlorhydrate de cocaïne (1897).

On a encore employé les ingestions de cocaïne dans diverses affections.

S. R. WELLS et L. J. CARRÉ (de Londres) traitent la coqueluche par l'usage interne de la cocaïne (1895). Trois fois par jour, ils administrent à l'enfant une dose de solution contenant, au total, de 4 milligrammes à 20 milligrammes, suivant l'âge (8 mois à 6 ans); on abrégerait ainsi l'évolution de la maladie, on atténuerait les symptômes, vomissements, anorexie, quintes, insomnie. L'ingestion produirait un effet diarrhéique, sans inconvénient dans ce cas.

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e) Muqueuse uretrale. KNAPP, BLUMENTELD, EBERLE ont, les premiers, essayé d'émousser la sensibilité de la muqueuse urétrale au moyen d'une injection de 30 à 45 gouttes de la solution à 2 p. 100 que l'on fait retenir pendant quelques minutes. On réussit ainsi à faciliter les sondages et même les manœuvres de la lithotritie (WEIR). f) Muqueuse vaginale. De très bonne heure (1884), E. FRAENKEL et R. J. LEVIS ont eu recours aux badigeonnages de la muqueuse vulvovaginale, et de la partie vaginale du col, dans diverses circonstances; par exemple, pour permettre des opérations ou des manœuvres auxquelles la douleur crée un obstacle infranchissable; cautérisations; enlèvement de végétations superficielles, condylomes, caroncules; et aussi, pour diminuer l'excitabilité réflexe dans le vaginisme (LEJARS et DUJARDIN-BEAUMETZ). POLK, en Amérique, grâce à une solution à 4 p. 100, put pratiquer deux fois la suture du col (1884). g) Muqueuse anale. Pour ce qui concerne la muqueuse anale, la cocaïne a rendu des services très réels pour amender les douleurs dans les cas de fistule douloureuse (MIVART), pour permettre les manœuvres et pour diminuer l'excitabilité réflexe dans les cas de spasmes du sphincter anal (FRAENKEL).

h) Muqueuse préputiale. - H. WELLS a observé incidemment, à la suite d'applications pharyngiennes ou nasales, une rétraction considérable du pénis avec diminution de la sensibilité du gland et relâchement des testicules. D'où l'idée d'employer la cocaïne comme anaphrodisiaque (67). On a administré la cocaïne pour calmer l'excitation génésique, soit en ingestion, soit en injections urétrales, soit sous forme de lotions du gland et du prépuce avec la solution à 4 p. 100, soit en fin en pulvérisations pharyngées (5 centigrammes).

44. Emploi de la cocaïne en obstétrique. — FRAENKEL s'est également proposé de savoir si la cocaïne pourrait atténuer la douleur de la parturition. Les douleurs produites par la dilatation du col, au moment du passage de la tête, résultent d'une distension et d'une dilacération des parties profondes, qui ne semblent guère justiciables de la cocaïne, puisqu'elles viennent des nerfs iléo-inguinaux et des nerfs iléo-hypogastriques, par suite des tiraillements éprouvés par les nerfs sympathiques de l'utérus. Ce n'est donc qu'après la sortie de la tête de l'utérus que l'indication de la cocaïne devient rationnelle - Pourtant, DUBOIS, DOLERIS et BOISIEUX ont obtenu de très bons effets des badigeonnages avec la solution à 4 p. 100 (B. B., 17 janvier 1885). Plus tard (1886), JEANNEL a usé avec profit de la solution à 5 p. 100 appliquée au moyen d'un pinceau ou d'un tampon de ouate laissé à demeure. Enfin F. BOUSQUET (6) a utilisé avec succès la cocaïne dans 32 accouchements (dont 20 naturels et 10 qui nécessitèrent le forceps, le basiotribe, ou la version). Il se servait de tampons imbibés de cocaïne, ou bien il pratiquait l'injection dans chaque

grande lèvre, de 2 centigr. et demi de cocaïne (en solution à 5 p. 100) cinq à dix minutes avant l'expulsion spontanée ou l'intervention artificielle. On observe ainsi une atténuation considérable des souffrances. BARTON HIRST (Med. News., 30 décembre 1886) badigeonne la muqueuse vaginale et le périnée avec une pommade à 4 p. 100 quand la dilatation est complète et que la partie fœtale qui se présente commence à distendre l'entrée du vagin et du périnée. G.-R. DABS (British med. Journal, 30 avril 1887), en cas de col mince, rigide, place sur l'orifice un tampon de ouate imprégné de la solution à 4 p. 100 de cocaïne dans l'huile de ricin. Dans le cas de rigidité du périnée, lorsque la dilatation est lente; dans les présentations de siège, chez les primipares, la cocaïne serait précieuse. La douleur est aussi amoindrie considérablement par les applications d'une solution forte sur la vulve et le vagin. HARTZHORNE pousse le plus près possible du col, à l'aide d'une seringue, un mélange de 6 parties de cocaïne, 20 de glycérine et 24 de vaseline. CANTAB (1887) emploie la cocaïne contre les premières douleurs du travail, surtout chez les primipares. AUVARD et SECHEYRON réservent la cocaïne pour la période d'expulsion et l'appliquent aux organes génitaux externes (une demi-seringue de la solution à 5 p. 100 injectée dans chaque lèvre, près de la fourchette). Le moment favorable est cinq à dix minutes avant l'expulsion de la tête. En résumé, la cocaïne en badigeonnages, combat efficacement la douleur de la distension des portions sus-vaginale et intra-vaginale du col et du vagin (CHAIGNEAU, Thèse 1890). Plus récemment, L. AcCONCI a utilisé la cocaïne d'une autre manière. Il l'administre par la bouche, à la dose de 3 centigrammes, répétée deux fois en vingt minutes. De cette manière, la cocaïne n'aurait pas une action très manifeste sur l'utérus, mais elle serait un puissant excitateur de la contraction des muscles abdominaux, et pourrait être administrée avec profit dans les cas de fatigue occasionnée par la longueur de la période expulsive (3).

45. Emploi de la cocaïne dans l'art dentaire. La cocaïne a été extrêmement employée dans l'art dentaire. Le badigeonnage de la gencive n'en anesthésie que la surface; on n'atteint pas ainsi l'alvéole et la pulpe dentaire. Il faut avoir recours à l'injection intra-gingivale; mais celle-ci ne permet même pas toujours d'insensibiliser la pulpe et de rendre l'extraction indolore (MAGITOT, PRÉTERRE, etc.).

Nous noterons, de plus, que c'est surtout dans ces opérations dentaires, comme d'ailleurs dans toutes celles de la région céphalique, que l'on signale de graves accidents.

Quoi qu'il en soit, la pratique est aujourd'hui très générale. On opère de la manière suivante on a, pour l'injection sous-gingivale, une solution de chlorhydrate de cocaïne à 5 p. 100, ou même on la prépare extemporanément. Pour cela, dans une petite cupule où l'on a préalablement placé 5 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne, on vide une seringue de PRAVAZ (rendue aseptique) pleine d'eau bouillie. On remplit alors de nouveau la seringue avec la solution obtenue. On injecte, en général, 2 à 3 centigrammes de cocaïne, c'est-à-dire un peu moins ou un peu plus de la moitié de la seringue. Pour que la piqûre elle-même ne soit pas douloureuse, quelques praticiens recommandent de comprimer la gencive et de faire l'injection dans la partie voisine du doigt, rendue exsangue pour la pression; d'autres obtiennent une anesthésie suffisante de la gencive en plaçant pendant quelques instants, à l'endroit de la piqûre, un petit tampon de ouate imbibé d'une solution de chlorhydrate de cocaïne à 1/6. On pratique l'injection en déplaçant la seringue (injection traçante, comme dans les opérations chirurgicales) à mesure que l'injection pénètre. L'injection terminée, on comprime un peu la gencive avec le doigt pendant quelques secondes, pour éviter que le liquide ou le sang ne s'écoulent, et l'on altend généralement de cinq à dix minutes avant de pratiquer l'extraction.

Les contre-indications seraient, outre les contre-indications générales, la périostite aiguë; les abcès dentaires; l'extraction de la dent de sagesse. Malgré ces précautions, des irrégularités ou des accidents peuvent quelquefois survenir (Semaine médicale, 20 mars 1890).

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46. La cocaïne en chirurgie générale. Emploi de la cocaïne pour les opérations de la chirurgie courante. Injections dermiques. Quelques chirurgiens emploient la cocaïne pour produire l'insensibilisation dans un grand nombre d'opérations courantes: goître, résection de côtes, excision du sein, ouverture d'abcès, cure radicale des hernies, hydrocèle, anus artificiel, incision des foyers suppurés, extirpation des tumeurs sous-cutanées

(kystes sébacés, lipomes), amputation d'une phalange ou d'un métartasien; dilatation anale; extirpation des hémorroïdes, castration, etc.

D'autres chirurgiens, comme nous le verrons, redoutent la cocaïne et la considèrent comme un agent dangereux et infidèle.

a) Mode d'emploi. - Injections dermiques ou interstitielles.

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L'administration doit

être faite en injections dermiques ou interstitielles; nous parlerons tout à l'heure des injection sous-cutanées, dont l'action insensibilisatrice ne se produit pas au point où elles sont pratiquées. — En ce qui concerne les régions recouvertes d'une muqeuse, le badigeonnage, c'est-à-dire la simple application superficielle, ne produit qu'une insensibilisation de surface, très légère, iucomplète et peu durable. Le procédé ne peut convenir pour des opérations de profondeur. Si l'on veut obtenir une anesthésiation plus étendue en profondeur, plus durable et plus complète, il faut faire pénétrer la solution. cocaïnique dans l'épaisseur même du tégument muqueux.

Ces injections profondes, dermiques ou interstitielles, sont encore plus nécessaires, si l'on veut produire l'insensibilisation de la peau, de manière à pratiquer les opérations dans toutes les régions recouvertes par le tégument externe. En effet, les simples applications de cocaïne sur la peau saine ne produisent aucun effet. Même en employant la solution très concentrée à 1/6, PAUL BERT n'a rien obtenu (B. B., 17 janvier 1885). L'épiderme constitue une barrière à peu près infranchissable. On a essayé l'action sur des parties dénudées de leur épiderme, en appliquant le liquide sur une plaie de vésicatoire ou en l'injectant dans la sérosité de la cloque. On a observé alors une analgésie très marquée au bout de cinq minutes et disparaissant rapidement au bout de 12 minutes. L'anesthésie reste limitée; et, si l'application n'est pas extrêmement régulière, on trouve des points douloureux juxtaposés aux points insensibles. Ce n'est que dans le cas où la peau est dénudée ou très enflammée que l'absorption peut se produire. C'est de cette manière que BURCHARD a pu insensibiliser le doigt atteint de panaris en le trempant dans la solution de cocaïne, et que WEISS a pu panser d'une manière analogue des brûlures de la face.

L'anesthésie localisée par la cocaïne n'est donc possible, en général, qu'au moyen des injections dermiques ou interstitielles. Telle est la pratique des dentistes qui administrent le chlorhydrate de cocaïne en injections intra-gingivales, et des chirurgiens qui ont généralisé cette manière de faire à tout le tégument.

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b) Précautions. Le titre et la dose. Procédés de RECLUS et de KUMMER. Il est clair que les chances de pénétration dans la circulation et de diffusion dans l'organisme, et par conséquent d'intoxication cocaïnique générale, sont assez grandes avec ces injections, et qu'il faut prendre des précautions très attentives pour les écarter. Ces précautions se résument dans les quatre points suivants : dose faible, titre faible; injection traçante pour éviter la pénétration dans un vaisseau; restriction de la circulation, c'està-dire de l'absorption possible au moyen de la bande d'ESMARCK. Ces conditions sont réalisées dans les deux procédés.

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Le titre et la dose. - Pour ce qui concerne les doses, nous avons dit que, depuis le début de ces applications, on avait été amené à les diminuer de plus en plus. Les partisans de la cocaïne en chirurgie sont descendus par degrés de la dose 18,5 à celle de 50 centigrammes, 20 centigrammes, 15 centigrammes. On en est aujourd'hui à 10 centigrammes qui, convenablement employés, peuvent d'ailleurs parfaitement suffire. RECLUS (Voir no 36) considère qu'il n'y a pas de danger mortel au-dessous de 22 centigrammes. On a eu cependant des accidents ou des alertes avec 20 centigrammes, 11, 10, 7 centigrammes (P. Reynier); 12 milligrammes (SCHWABACH); 8 milligrammes (HALLOPEAU).

A la condition de dose, il faut donc joindre encore une autre condition: celle du titre ou degré de dilution. Les solutions concentrées créent des dangers plus grands que les solutions étendues. On doit éviter les solutions à 10 p. 100 dans l'eau alcoolisée, renoncer aux solutions à 5 p. 100, à 4 p. 100, et se borner aux solutions à 2 p. 100 et à 1 p. 100. Cette question offre une réelle importance au point de vue général. On comprendrait facilement que les solutions concentrées fussent plus énergiques que les solutions étendues; et cela, parce qu'elles amènent dans le même temps et les mêmes circonstances une saturation plus grande de l'organisme. Mais, en l'absence même de cette saturation

plus grande, le résultat semble le même. Une solution concentrée sera aussi toxique qu'une autre solution plus étendue qui introduirait dans le même temps cinq ou six fois plus de cocaïne dans l'économie totale. Le titre a, par conséquent, une influence indépendante de la dose; ce n'est pas seulement parce qu'il accroît la dose qu'il accroît l'effet. Il a son action propre.

Les choses se passent donc comme si la saturation forte d'une petite partie de l'économie avait par elle-même des conséquences toxiques graves; indépendamment de la saturation totale qui en résulte. Introduire dans le même temps la même dose totale ne produira pas toujours le même résultat. Celui-ci dépendra encore du titre. C'est pour rendre compte de cette sorte de paradoxe, que E. MAUREL a fait intervenir l'action leucocyticide et la dose leucocyticide de la cocaïne, et proposé sa théorie de l'embolie mécanique (no 32, obs. 1) d'ailleurs discutable et peu compatible avec l'expérience de la bande d'ESMARCK dont il va être question plus loin.

Quoi qu'il en soit, cette distinction du titre et de la dose est une idée nouvelle qui résulte assez distinctement de l'étude de la cocaïne. Les chirurgiens et les médecins n'ont pas pu ne pas en avoir quelque notion confuse. P. RECLUS l'a aperçue nettement. Les physiologistes l'ont mise en évidence. La pratique les a obligés à en tenir compte. Nous l'avions signalée nettement à propos de la cocaïne, et, plus anciennement, dans d'autres circonstances; E. MAUREL l'a bien mise en évidence.

a. Procédé de P. RECLUS. L'injection doit être faite suivant des règles précises sur lesquelles ont insisté RECLUS et WALL (Revue de chirurgie, 10 février 1889 et Société de chirurgie, 1891, 761).

Le liquide ne doit pas être poussé dans le tissu cellulaire sous-cutané, où il risquerait de se diffuser, mais dans le derme lui-même, où il est mieux retenu. On emploiera la solution à 2 p. 100 ou même à 1 p. 100. On ne dépassera point l'introduction de 10 centigrammes (15 à 17 au maximum) que l'on emploiera de manière à cerner le champ opératoire. L'injection sera traçante, c'est-à-dire que l'on poussera le piston de la seringue en même temps que l'on enfoncera l'aiguille dans le tissu. Le danger est, en effet, la pénétration de la solution dans une veine. L'injection a pour résultat de faire proéminer une ligne blanchâtre (d'anémie par constriction), de chaque côté de laquelle l'effet anesthésique s'étend sur une largeur d'un centimètre environ. Un moyen précieux d'étendre encore l'action de la cocaïne en largeur et en profondeur est le massage de la place injectée.

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L'injection doit tracer rigoureusement sur la peau la ligne même que suivra le bistouri; cette ligne, large d'environ 1 centimètre, est seule insensibilisée. Si l'on n'est pas sûr de la reconnaître au bourrelet blanc, puis rosé, qu'elle forme, il faudra la tracer au préalable à la teinture d'iode. On doit s'arranger de façon que la première piqûre seule soit douloureuse, les autres devant avoir lieu aux limites d'une traînée déjà anesthésique. Note. - Quant aux détails extrêmes du manuel opératoire, on les trouvera indiqués par RECLUS (Semaine médicale, 25 janvier 1893) pour les cas suivants : 1° extirpation de tumeur sous-cutanée; 2° cure radicale de la hernie inguinale; 3° cure radicale de l'hydrocèle; 4° castration; 5o dilatation anale et extirpation d'hémorroïdes; 6° amputations de doigts ou d'orteils; mais ces descriptions ne renferment rien d'essentiel en dehors de ce qui vient d'être dit.

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B. Procédé de KUMMER (de Genève). KUMMER (de Genève) a employé la cocaïne pour toutes les opérations sur les doigts et les orteils (panaris, ongles incarnés, etc.), toutes les fois, en un mot, que le champ opératoire peut être isolé du reste du corps par une ligature élastique.

Le danger des injections cocaïniques est évité grâce à deux précautions: La première consiste à pratiquer la constriction du membre au moyen de la bande d'ESMARCH. On empêche ainsi la résorption de la substance, et l'on renforce et prolonge son effet local (ROBSON, CORNING). La seconde précaution consiste à laisser saigner quelque peu la plaie avant de faire le pansement, afin de permettre l'élimination aussi complète que possible de la cocaïne retenue. Ce qui montre la nécessité de cette pratique, c'est, qu'à son défaut, dans le cas d'injections perdues, c'est-à-dire non suivies d'opérations sanglantes, les phénomènes d'intoxication sont la règle.

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