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eoagulation qu'au voisinage de la gaine de SCHWANN. Le contenu des fibres est devenu, dans le premier, d'un brun jaunâtre, coagulé et dissocié. C'est une action de ce genre qui se produirait dans tous les filets nerveux (terminaisons) quand elles entrent en contact avec l'agent toxique.

b) Action généralisée. Théorie du curare sensitif. - Passons maintenant au cas général où la cocaïne est introduite dans l'organisme, à l'intérieur, par l'injection veineuse, l'injection sous-cutanée, ou l'ingestion gastrique.

On sait qu'avec les doses fortes on a noté l'analgésie coïncidant avec l'agitation, ou, en d'autres termes, la disparition des réactions que provoque habituellement l'irritation des appareils périphériques coïncidant avec la persistance des mouvements volontaires.

Cette insensibilité, quelle en est la cause? Quelques physiologistes ont été amenés à prétendre qu'elle était la même que dans le cas précédent, que c'était une paralysie des terminaisons nerveuses sensitives, lesquelles, cette fois, seraient atteintes du dedans par l'irrigation sanguine au lieu qu'elles sont atteintes par le dehors à la suite de l'application directe. Dans cette hypothèse, l'action de la cocaïne porterait primitivement et spécifiquement sur les terminaisons sensitives : le cordon sensitif lui-même ne serait pas encore attaqué, les autres parties du système nerveux resteraient indemnes ou ne seraient intéressées que faiblement.

C'est la théorie de la cocaïne, curare sensitif. D'après les auteurs de cette théorie, l'analgésie cocaïnique, toute différente de celle du chloroforme et de l'éther, serait périphérique et limitée d'abord au tégument. Celui-ci, devenu une enveloppe inerte, établirait une barrière entre l'animal empoisonné et le monde extérieur. L'animal ne sent plus la douleur; puis, il devient indifférent au contact des objets. La même obtusion s'étendrait aux terminaisons des nerfs spéciaux, de la vue, du goût, de l'odorat.

La théorie du curare sensitif, mise en avant et soutenue par J. V. LABORDE, LAFFONT, ARLOING, BALDI, et que moi-même j'avais acceptée, dans mon livre sur les Anesthésiques, sur l'autorité de ces physiologistes, semble décidément mal fondée et doit être rejetée. Pour que la cocaïne formât le pendant du curare, qu'elle fût le poison des terminaisons sensitives comme celui-ci l'est des terminaisons motrices, il faudrait un certain nombre de conditions qui ne sont point remplies. Il faudrait : 1° que l'action portát réellement sur les terminaisons nerveuses sensitives; 2o qu'elle portât sur elles primitivement, sinon exclusivement, c'est-à-dire que celles-ci fussent atteintes avant les centres nerveux, moelle encéphale, et nerfs moteurs ou exclusivement à eux.

Or, quoi que l'on ait pu dire, ces conditions ne sont point réalisées : 1° pour l'atteinte prétendue des terminaisons nerveuses, on donnait comme preuve, chez le chien et le cobaye, l'absence de réaction aux excitations douloureuses qui provoquent ordinairement les mouvements de défense ou de fuite, mouvements qui n'ont pas lieu et qui sont cependant possibles puisque l'animal exécute encore des mouvements volontaires. Mais ce fait, qui n'est autre que le fait normal de l'analgésie, cadre parfaitement avec une action toxique portant seulement sur les centres nerveux, comme c'est le cas avec le chloroforme et l'éther.

Tout au contraire, il y a des expériences positives qui établissent les deux points suivants, à savoir: a, que les terminaisons nerveuses ne sont pas essentiellement atteintes; et ß, d'autres qui établissent que les centres nerveux le sont.

a. Pour établir que les terminaisons nerveuses sensitives ne sont pas essentiellement atteintes dans l'analgésie cocaïnique, U. Mosso irrite la peau des pattes chez un chien fortement cocaïnisé et il observe la conservation des réflexes vésicaux jusque dans une période très avancée de l'intoxication. Le tégument (à la condition que l'irritation y ait été exactement limitée) n'est donc pas une barrière rendue infranchissable par l'action de la cocaïne. La conservation de ces réflexes est, au contraire, parfaitement d'accord avec l'existence d'une analgésie d'origine centrale.

A la vérité, on pourrait objecter à cette expérience que l'excitant employé est l'électricité, c'est-à-dire le plus diffusible de tous. Si l'on admet, précisément, que les cordons sensitifs sont hyperexcitables dans ce cas, c'est-à-dire dans le même temps où les terminaisons sont paralysées (LAFFONT), c'est eux que l'on aurait excités. L'expérience

précédente perdrait toute valeur. Mais précisément l'exactitude de cette nouvelle hypothèse de l'hyperexcitabilité concordant avec l'analgésie est suspecte. On verra tout à l'heure (observation, no 32) d'autres objections à ces expériences de U. Mosso.

B. Pour établir que les cellules nerveuses de la moelle sont essentiellement atteintes par la cocaine, on coupe (grenouille) la moelle au niveau de la 4e vertèbre, et l'on injecte sous la peau de l'abdomen 3 à 4 milligrammes de cocaïne. Le but de cette préparation est de laisser arriver la cocaïne partout, sauf dans le segment inférieur de la moelle. La disposition des vaisseaux de la moelle est telle, en effet, qu'elle est irriguée du haut en bas par des vaisseaux partant du bulbe. Si l'on a coupé les vaisseaux et les artères vertébrales en sectionnant la moelle, le tronçon inférieur ne recevra que peu de sang cocaïné par les anastomoses des artères lombaires. Les autres organes et la peau en recevront tout autant qu'auparavant. On constate, dans ces conditions, que les excitations électriques, mécaniques, chimiques, portées sur le train postérieur, conservent leur effet pendant un certain temps, tandis que celles qui portent sur le train antérieur ne provoquent plus de réflexes. La sensibilité est donc conservée dans les parties qui correspondent à un segment de moelle non intoxiquée.

Inversement, si l'on empêche (au moyen de la ligature pratiquée selon le procédé de CL. BERNARD Sur un membre à l'exclusion des nerfs) la cocaïne à dose forte d'agir sur les membres postérieurs, sur les terminaisons sensitives et sur les nerfs, on n'en observe pas moins que le tégument et même le nerf sciatique sont rendus insensibles. Les réflexes sensitifs ont disparu.

7. Enfin, il ne serait pas exact de prétendre que le système nerveux qui préside à la sensibilité, qu'il s'agisse non seulement des terminaisons, mais même des cordons nerveux, ou des cellules nerveuses de la moelle, est frappé primitivement ou exclusivement. Un des premiers effets de la cocaine, à doses modérées, est d'agir sur les centres supérieurs, sur les hémisphères cérébraux. On en peut donner pour preuve les phénomènes d'ivresse, de subdélirium, les accès de fureur ou d'attendrissement, la loquacité, l'hilarité, les troubles intellectuels signalés chez l'homme dans les cas d'empoisonnement cocaïnique. Ce sont là des phénomènes presque constants; et ils se produisent alors que la sensibilité n'est pas atteinte. Le plus souvent même, dans les cas d'empoisonnement chez l'homme (ce qui a lieu avec des doses qui ne sont jamais très fortes), on n'observe pas de troubles de la sensibilité générale. MANtegazza, HeymanN, RICCI n'ont pas aperçu de troubles de cet ordre, et, sur 87 cas rapportés dans la Thèse de DELBOSC, 1889, il y en a un seul où ils aient été notés. Chez les animaux, où les constatations de ce genre sont difficiles ou impossibles, on constate que l'agitation, les troubles vaso-moteurs et respiratoires précèdent l'analgésie, c'est-à-dire que l'hyperexcitabilité du cerveau, du bulbe et des voies kinésodiques précède l'altération du système sensitif.

Les expériences de A. Mosso sur l'action excito-thermique de la cocaïne parlent dans le même sens, à savoir l'excitation directe du cerveau par la cocaïne à doses modérées. Cet expérimentateur a vu que chez un chien (d'ailleurs chloralisé) la cocaïne élevait au bout de deux minutes la température du cerveau. La dose était de 10 centigrammes pour un chien de forte taille. Ce fait peut se formuler en disant que la cocaïne a rendu plus intenses les processus chimiques et la production de chaleur dans le cerveau. Ce qu'il y a de singulier, c'est que l'animal ne s'éveille pas, c'est-à-dire que l'activité psychique n'est pas capable de rétablir la conscience. Il est vrai, et nous le dirons ici une fois pour toutes, que les expériences thermiques de A. Mosso n'écartent pas assez nettement une autre interprétation possible de l'élévation thermique; la constriction vasculaire périphérique avec refroidissement de la peau détermine une économie de la chaleur rayonnée qui pourrait suffire à expliquer l'élévation thermométrique, avec le maintien ou même l'abaissement réel des processus chimiques cérébraux.

On a cherché à mettre en évidence l'action excitante de la cocaïne sur les hémisphères cérébraux, en appliquant directement la substance sur la surface corticale mise à nu (CHARPENTIER, BIERNACKI, Archives de Physiologie, avril 1891). L'expérience réussit chez les animaux à sang froid (grenouilles avec solution faible). Chez les animaux à sang chaud, l'application locale est un procédé trop brutal pour montrer la première phase de l'action, c'est-à-dire l'effet excitant. On aperçoit seulement l'effet paralysant. La

cocaïne appliquée sur les centres psycho-moteurs affaiblit leur excitabilité (TUMASS, Bianchi, GIORGIERI, CARVALLO, ADUCCO). E. BELMONDO (4) arrive au même résultat. Il détermine le courant minimum agissant sur un point de la zone motrice : il applique la solution de cocaïne à 10 p. 100, et il cherche de nouveau l'excitabilité. Ou bien, laissant la zone motrice intacte, il badigeonne de cocaïne la substance corticale avoisinante, particulièrement celles des zones sensitives postérieures. Il constate dans l'un et l'autre cas la diminution de l'excitabilité des zones motrices. La cocaïne abaisse constamment l'excitabilité des centres moteurs. Augmentation ou abaissement prouvent ici, en tout cas, l'action directe sur le cerveau.

Le système nerveux moteur, lui-même, n'échappe pas à l'action de la cocaïne, comme l'ont cru les partisans de la théorie du curare sensitif. Les expériences d'application locale (c'est-à-dire action des doses fortes) ne laissent pas de doute à cet égard. A la vérité, les fibres sensitives sont paralysées avant le système moteur; mais celui-ci l'est à son tour. En voici les preuves: 1o H. ALMS (1886) irrigue un membre avec une solution de cocaïne; il constate que le nerf a perdu la propriété d'irriter le muscle à un moment où le muscle excité directement se contracte. 2o U. Mosso applique sur les nerfs phréniques du chien quelques gouttes d'une solution de cocaïne à 10 p. 100, et le diaphragme cesse de se contracter: la paralysie purement temporaire dure de dix à quinze minutes. L'excitation pratiquée à ce moment au-dessus du point touché par la cocaïne ne provoque plus de contraction de ce muscle. Bientôt après, ce dernier reprend ses contractions. 3o En appliquant directement la cocaïne sur un nerf mixte, on observe que la réaction à la douleur disparaît d'abord, tandis que la motilité persiste; c'est ce qu'avait vu FEINBERG (1886) en expérimentant sur le sciatique du lapin; mais celle-ci disparaît à son tour. En badigeonnant un segment de nerf sciatique de la grenouille avec une solution à 10 p. 100, on voit l'excitabilité du nerf s'éteindre successivement dans l'espace de six à sept minutes (KOCHS, ALMS, U. Mosso). FR. FRANCK (15) a proposé d'utiliser ces observations en employant la cocaïne pour remplacer la section des nerfs par instrument tranchant, avec l'avantage d'une restitutio ad integrum qui se fait graduellement et d'une manière complète. On peut pratiquer une injection interstitielle dans la gaine celluleuse du nerf ou, ce qui est plus lent, faire pénétrer la solution par imbibition au moyen d'un manchon d'ouate hydrophile entourant le cordon nerveux. L'action ne s'étend guère utilement au delà de 1 à 2 centimètres de part et d'autre du point atteint. Chez un chien de moyenne taille, il faut injecter 2 à 4 gouttes de la solution à 5 p. 100 pour paralyser le vague et le sciatique ; 2 gouttes suffisent pour le récurrent.

Lorsqu'on procède par injection dans le tissu cellulaire ou les vaissseaux, etc., on est empêché d'observer les résultats de l'action sur les nerfs moteurs par le développement des accidents concomitants et l'impossibilité d'employer des doses suffisantes. C'est ainsi qu'ANREP avait vu les fibres sensibles du nerf sciatique paralysées presque complètement sans que les fibres motrices le fussent, observation qui semble éminement favorable à l'idée d'une action exclusive de la substance sur le système sensitif périphérique. Mais la paralysie de la sensibilité est due, dans ce cas, non à la fibre sensitive, mais à la cellule médullaire correspondante, car on l'observe encore en empêchant la cocaïne d'agir sur les nerfs et leurs terminaisons périphériques (U. Mosso). Nous avons dit, d'autre part, que les cordons nerveux sensitifs et leurs terminaisons continuent à fonctionner (excitations provoquant les réflexes vésicaux) dans une période très avancée de l'empoisonnement.

Résumé.

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En résumé, la cocaïne agit sur le protoplasma en général et sur tous les protoplasmas nerveux en particulier, par excitation d'abord et paralysie ensuite. Les applications locales sur les muqueuses et les injections sous-cutanées montrent qu'elle paralyse les terminaisons nerveuses.

Les faits d'excitation cérébrale (ivresse, troubles intellectuels) et les expériences d'application directe montrent qu'elle atteint d'une manière très précoce les hémisphères cérébraux.

Les expériences de FREUD sur la perception des sons et celles de U. Mosso avec les excitations électro-cutanées montrant que la cocaïne abrège le temps de la réaction physiologique, alors qu'elle n'exerce pas une influence appréciable sur la conductibilité

DICT. DE PHYSIOLOGIE.

TOME IV.

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nerveuse, autorisent à penser qu'elle accélère la perception en excitant les fonctions psychiques des centres cérébraux.

Les troubles vaso-moteurs, respiratoires, circulatoires, prouvent l'action sur le bulbe: les applications directes fournissent la même démonstration, car, en appliquant chez le chien trois gouttes de la solution à 10 p. 100 sur le bulbe, on a vu la respiration s'arrêter en quelques secondes et les animaux mourir (U. Mosso).

L'action paralysante sur les cellules nerveuses de la moelle est démontrée par les expériences de disparition des réflexes sensitifs, dans une région du tégument non irriguée par la cocaïne si, d'ailleurs, le segment médullaire correspondant est irrigué. L'action irritatrice sur les mêmes cellules médullaires serait prouvée par l'hyperesthésie cutanée observée pour des doses faibles chez l'homme (en admettant, bien entendu, que les troubles de la sensibilité soient dus à l'intervention de ces cellules médullaires). Cette hyperesthésie cutanée, signalée comme l'un des symptômes de la cocaïnomanie, peut être observée chez l'homme à la suite d'ingestion gastrique de doses variant entre 5 et 8 centigrammes.

Les applications directes, les injections interstitielles montrent l'action sur les nerfs sensitifs et moteurs.

De même pour l'action sur le système sympathique; la cocaïne appliquée localement sur le cordon cervical annule plus ou moins rapidement l'irritabilité de ses fibres; employée en injections sous-cutanées ou veineuses (méthode faible), elle agit peu ou point (LANGLEY et DICKINSON. The Journal of the Physiology, x1, 509).

Reste à fixer l'ordre dans lequel ces actions se produisent. Les hémisphères cérébraux seraient les premiers atteints; puis la moelle, puis le bulbe qui en serait à la période d'excitation, tandis que les cellules sensitives de la moelle en seraient déjà à la phase de paralysie; puis, en dernier lieu, les terminaisons nerveuses et les nerfs sensitifs, et enfin les terminaisons motrices et les nerfs moteurs.

On remarquera que cet ordre est précisément celui qui correspond à l'action des anesthésiques, tels que le chloroforme et l'éther. Comme eux, la cocaïne intéresse d'abord les fonctions psychiques du cerveau, puis produit de l'agitation, puis éteint la sensibilité à la douleur, d'abord dans les extrémités, puis dans le tronc et en dernier lieu dans la conjonctive. La sensibilité disparaît avant la motilité.

Cet ensemble de faits amène donc à considérer la cocaïne, non plus comme un curare sensitif, mais comme un agent très voisin des anesthésiques (1). C'est un anesthésique général qui offre cette particularité de ne pouvoir pas servir à l'anesthésie générale.

32. Observations.

I. L'expérience capitale qui plaidait en faveur de la théorie du curare sensitif était celle de LAFFONT. On excite la peau : rien. On excite le nerf sensitif : réactions réflexes exagérées, ce qui montrerait que toutes les parties sont indemnes, sauf les terminaisons. « Son tegument (chien) est comme une enveloppe inerte et, cependant, à l'intérieur de cette enveloppe inerte, il peut parfaitement sentir et même plus vivement qu'à l'ordinaire. Les troncs nerveux sensitifs présentent une hyperexcitabilité notable; leur pincement, les irritations de toute nature que l'on peut porter sur eux provoquent des douleurs intenses et des mouvements réflexes peut-être exaltés. » C'est l'exactitude de cette observation qui est précisément contredite.

D'autre part, on peut faire aussi quelques objections aux expériences qui lui sont contraires. Par exemple, en ce qui concerne la conservation des réflexes vésicaux (constatée par U. Mosso) — on remarquera que toutes les fois que l'expérimentateur faisait une injection de cocaïne au chien curarisé, la vessie cessait, pendant quelques minutes, de répondre aux excitations cutanées par la contraction habituelle. Ce n'est qu'après cette période que les réflexes sensitifs reparaissent. Mosso néglige précisément cette première période. Inversement, dans les expériences de section de la moelle, il n'attache précisément d'importance qu'à la persistance de l'excitabilité du train postérieur pendant les dix à quinze premières minutes et non à la phase ultime. De même dans l'expérience avec le nerf phrénique. Comme les effets sont inverses dans les deux périodes consécutives (excitation, paralysie), il est clair qu'en choississant arbitrairement celle des deux périodes que l'on voudra, on aura aussi les effets que l'on voudra. On voit que le champ des controverses n'est pas fermé absolument.

II. Théorie mécanique.

E. MAUREL (1895) a proposé une théorie nouvelle de l'action cocaïnique, et même, en général, de l'action anesthésique.

Les leucocytes (ou au moins certains d'entre eux) sont très sensibles à l'action de la cocaïne.

Sous cette influence ils deviennent sphériques et sont capables d'entraver la circulation des hématies dans les capillaires les plus fins.

Cette obstruction plus ou moins complète est encore renforcée par une seconde propriété de la cocaïne, propriété vaso-constrictive, qui consiste à amener le resserrement des petites artères. En résumé, la cocaïne n'exercerait d'action élective initiale que sur les leucocytes et les nerfs vaso-moteurs; ses effets seraient ceux qui résultent de l'arrêt du cours des globules sanguins; ce seraient ceux de l'ischémie par cause mécanique.

L'auteur avait été frappé de ce que, comme nous le disons plus loin (n° 46, B.), le titre des solutions de cocaïne a plus d'importance que la dose. Une solution à titre élevé, leucocyticide, produit la mort, mort accidentelle, à faible dose, si l'introduction a lieu par la voie sanguine; une dose plus forte ne produit pas la mort si le titre n'est pas si élevé. Il se ferait, par action de la solution concentrée sur les leucocytes, un arrêt embolique de la circulation dans le poumon qui entraîne une mort rapide.

Les observations seraient les suivantes: 1° il y aurait un rapport entre la sensibilité des leucocytes à la cocaïne et la sensibilité de l'animal lui-même; ces deux phénomènes seraient variables et varieraient dans le même sens; 2° il y a diminution des leucocytes circulants, à la suite de l'emploi de la cocaïne; 3° les leucocytes seraient plus sensibles à l'action de la cocaïne que les éléments nerveux et musculaires; 4° l'obstruction des vaisseaux capillaires par la poudre de lycopodes produit des phénomènes analogues à celle des injections de cocaïne perte de sensibilité, excitation puis résolution musculaire. Tous les autres leucocyticides agissent d'ailleurs de la même façon; exemples : l'eau froide, l'eau à 56°, le bromhydrate de quinine, le sublimé, etc. Les anesthésiques généraux seraient dans le même cas.

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Tableau de l'intoxication cocaïnique. L'étude physiologique qui précède intéresse la médecine et la chirurgie en expliquant les accidents auxquels les malades sont exposés en cas d'applications maladroites ou malheureuses de la cocaïne.

Si les précautions ne sont pas convenablement prises pour limiter la pénétration de la cocaïne à la région qui doit subir l'opération; si l'alcaloïde est diffusé par le sang dans l'économie tout entière, on voit survenir des accidents qui reproduisent quelques traits de l'empoisonnement cocaïnique. Deux séries de faits plus ou moins nettemeut distincts. se succèdent il y a une phase d'excitation marquée par les trois symptômes: excitation cérébrale, constriction vasculaire, convulsions; puis une phase de collapsus.

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Phase d'excitation. Dans la première phase et surtout dans les cas légers, ont voit souvent apparaître des troubles intellectuels, du délire, des hallucinations. Ces phénomènes sont dus à l'action spécifique du toxique sur les centres corticaux et aussi à l'anémie produite par la constriction des vaisseaux encéphaliques qui est également un phénomène de début. C'est cette excitation cérébrale que recherchent les cocaïnomanes; elle se manifeste par une sorte d'ivresse, de loquacité, de l'hilarité, des hallucinations de la vue et de l'ouïe, un subdélirium, des conversations avec des êtres imaginaires, du délire.

Les phénomènes de constriction vasculaire sont encore des phénomènes précoces. Ils sont dus à une excitation bulbaire du centre vaso-moteur. Ils se traduisent par une paleur livide des mains et de la face.

En troisième lieu, le sujet est pris de tremblements convulsifs, d'excitation violente qui peut aller jusqu'aux crises tétaniformes et à l'opisthotomos. Les muscles des extrémités se contractent et cet état peut durer de une à sept heures. Ces convulsions se succèdent à intervalles plus ou moins réguliers; elles semblent spontanées, provoquées non par des stimulations extérieures, mais par des modifications centrales dues à l'action du toxique sur les centres nerveux. On discute encore la question de savoir quels sont les centres atteints: quelques auteurs ont pensé qu'il s'agissait de la moelle épinière. Mais, si l'on accepte l'expérience de DANINI, il faudrait, au contraire, exclure la moelle proprement dite, car en séparant la moelle de l'encéphale on les ferait disparaitre. En admettant donc pour ces convulsions l'origine encéphalique, quelques auteurs les font partir de l'écorce cérébrale excitée (FEinberg, Ch. RichET); d'autres, excluant l'excitation corticale, parce que l'expérience directe aurait montré qu'à la période des convulsions, l'excitabilité de l'écorce est diminuée, placent leur origine dans l'excitation de la région bulbo-pro tubérantielle (TUMASS). C'est l'opinion la plus vraisemblable.

Il est à noter que le plus souvent, ainsi que nous l'avons déjà dit, les convulsions ne se montrent pas chez les animaux à sang froid; la période d'hyperexcitabilité fait défaut.

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