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est tout à fait différente. La cocaïne ne localise nullement son action à la périphérie; ce n'est pas un poison essentiellement sensitif; c'est un poison universel comme les véritables anesthésiques, produisant l'analgésie par le même mécanisme que ceux-là; intermédiaire entre le chloroforme et l'éther d'une part et la strychnine d'autre part; agissant sur les éléments pour les exciter d'abord et les paralyser ensuite.

3° Vaso-constriction. — Il y a suractivité des nerfs vaso-constricteurs.

Les muqueuses sont décolorées : chez l'homme, la face et les mains sont d'une pâleur extrême : l'oreille et les extrémités sont froides. Le sujet ressent une impression de froid, quoique, comme dans le premier stade de la fièvre, la température centrale soit élevée.

b. Effets spéciaux.

17. Action sur le pouls. La constriction vasculaire s'observe même avec des doses très faibles; par exemple dans le cas d'ingestion stomacale de 10 centigrammes. Les expériences pléthysmographiques montrent, dans ce cas, la diminution de volume de l'avant-bras, diminution très notable el qui atteint son maximum une heure après l'ingestion, au moment où la respiration est le plus ralentie. On nole, en même temps, la 'disparition des oscillations respiratoires et des ondulations de TRAUBE et HERING que l'on observe généralement dans les tracés pléthysmographiques (U. Mosso). Les graphiques du pouls montrent également la disparition du rebondissement dicrote, et des oscillations dans la partie descendante de la courbe de chaque pulsation.

L'action vaso-constrictive résulte d'une excitation du centre vaso-moteur général ou des plexus nerveux intra-vasculaires, ou des unes et des autres simultanément. On voit qu'elle s'accompagne d'une diminution de l'élasticité des vaisseaux. Le pouls est d'ailleurs accéléré et rendu intermittent. Ce n'est qu'à la fin, lorsque les phénomènes d'excitation font place à la dépression générale et au coma. que le cœur se ralentit et s'arrête définitivement (voN ANREP); mais seulement après la respiration.

18. Action sur la pression sanguine. Quant à la pression sanguine, elle est considérablement accrue, et ce fait est précisément en rapport avec la vaso-constriction universelle. Toutefois, l'élévation (voir DASTRE, Anesthesiques, 216) est précédée d'un abaissement passager. Cet effet, fugace dans le cas des doses moyennes ou fortes, devient plus durable et plus facile à saisir avec les doses faibles (voN ANREP, LABORDE, U. Mosso). Il est sans importance dans le tableau de l'empoisonnement; mais il est intéressant pour la physiologie du cœur. On en doit la connaissance à VULPIAN. Comme exemple : chez un chien, la pression carotidienne étant de 13 centimètres s'abaisse à 9 centimètres pendant quelques instants, pour se relever et se fixer aussitôt après à 21 centimètres de mercure. La chute passagère de pression coïncide d'ailleurs avec un ralentissement du cœur, passager luimême. Ces phénomènes fugaces seraient dus à l'action de la cocaïne sur la surface de l'endocarde. Ils font bientôt place aux phénomènes durables et caractéristiques: l'élévation de pression et l'accélération cardiaque.

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19. Action sur le cœur. Le cœur est accéléré; tout au moins, ses battements ne sont pas ralentis; il présente des irrégularités, des intermittences. Chez la grenouille, la force et la fréquence des battements sont augmentées. A haute dose, les contractions deviennent de plus en plus toniques, et finalement le cœur s'arrête en systole. Ces symptômes d'excitation sont passagers, et le cœur reprend ses battements quand on y fait passer du sang frais. D'après cela, la cocaïne serait un tonique du cœur. Quelques médecins l'emploient dans cette vue. W. HAMMOND (52) l'administre à la dose de 3 centigrammes par jour en trois fois dans le cas de faiblesse du cœur. Au bout de quelques jours les doses sont doublées.

On observe un arrêt des cours lymphatiques, dù, comme nous le verrons, à la paralysie de la moelle épinière.

Quant à l'action du nerf vague sur le cœur, elle est conservée et même augmentée (LABORDE). On aurait, cependant, observé une phase courte d'excitabilité diminuée (U. Mosso). ANREP et DURDUFI ont obtenu des effets de paralysie complète. Ces assertions diverses peuvent se concilier en admettant que les uns ont observé la phase d'excitation correspondant au début et aux petites doses, et les autres la phase de paralysie correspondant à la fin ou aux fortes doses. Dans ce dernier cas, il y aurait paralysie des termi

naisons périphériques des vagues, c'est-à-dire, en définitive, une action favorable sur le muscle cardiaque.

20. Action sur la respiration. La cocaïne, comme l'atropine et la strychnine, appartient à la catégorie des stimulants respiratoires, accroissant la quantité d'air qui traverse les poumons, et exerçant leur action par une influence directe sur les centres nerveux qui président aux mouvements respiratoires.

Avec les doses fortes, la fréquence des respirations s'accroît; on note une accélération. Les graphiques accusent cette accélération avec conservation de la forme des courbes, mais diminution notable de l'amplitude. Chez les animaux qui ont reçu des doses toxiques, les choses vont ainsi jusqu'à ce qu'enfin la respiration s'arrête (un peu avant le cœur), par suite d'une immobilisation tétanique du diaphragme.

Avec les doses physiologiques fortes, il peut y avoir diminution des processus respiratoires, probablement par suite de dépression générale (U. Mosso).

A petites doses, chez l'homme, la fréquence des mouvements respiratoires reste la même ou peut diminuer. C'est ce qui arrive, par exemple, à la suite de l'ingestion stomacale de 10 centigrammes de chlorhydrate de morphine. Mais, en tout cas, la quantité d'air inspiré augmente, et cette augmentation est un fait constant, tant que les doses employées n'engendrent pas des troubles dans les fonctions générales du système nerveux. Cette augmentation de l'oxygène inspiré est confirmée par l'examen du sang et de la température centrale.

21. Action sur le sang.

CH. BOHR (Skandin. Arch. für Physiol., ш, 101, 1891) a constaté que dans l'empoisonnement par la cocaïne, la teneur spécifique en oxygène du sang artériel est légèrement augmentée; elle est diminuée dans le sang veineux, de sorte que l'écart normal se trouve exagéré.

22. Action sur la température centrale.

La production calorifique est accrue.

La température centrale est augmentée.

Chez le chien qui a reçu en injection veineuse environ 7 à 40 milligrammes par kilog. d'animal, la température s'élève à mesure que l'agitation se prolonge, et elle peut atteindre de 38° à 43°, au moment des convulsions cloniques. Inversement, d'ailleurs, les convulsions surviennent d'autant plus vite et par suite, avec une dose d'autant moindre que la température de l'animal est déjà plus élevée. P. LANGLOIS et CH. RICHET (Arch. de Phys., 1889)1.

Il faut noter que l'élévation thermique n'est pas due seulement à la suractivité musculaire. Chez un chien fortement curarisé et dont les muscles inertes se refroidissaient continuellement, ANGELO MOSSO a vu l'injection de cocaïne produire une augmentation de 2o dans la température, en une demi-heure. Elle s'éleva de 38° à 40° sans que l'animal eût fait aucun mouvement; notons, en passant, que la température du cerveau reste pendant ce temps supérieure à celle du rectum.

Le refroidissement que l'on constate en touchant la peau pâle et exsangue des sujets cocaïnés est donc purement périphérique; il y a, en réalité, économie ou surproduction thermique. Cette élévation thermique subsisterait encore après que la moelle aurait été séparée du cerveau par une section (U. Mosso).

23. Action sur la digestion. On a signalé une augmentation des mouvements péristaltiques de l'estomac et de l'intestin, aboutissant quelquefois à des vomissements (voN ANREP). En ce qui concerne l'intestin, SPRIMONT a observé des borborygmes et de la diarrhée consécutive. Les médecins qui ont administré la cocaïue à l'intérieur ont souvent noté l'effet diarrhéique.

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24. Action sur l'œil. La cocaïne est aujourd'hui l'un des plus précieux auxiliaires de la chirurgie oculaire. On la fait agir sur l'œil, en l'employant en instillations locales (5 à 10 gouttes en solutions à 1/100 ou 7 à 12 gouttes de la solution à 1/200). Prise à l'intérieur, à dose suffisante, c'est-à-dire considérable, l'action générale serait la même.

Le phénomène qui apparaît le premier, c'est l'insensibilisation de la cornée et de la 1. A propos de cette action de la température sur l'activité de la cocaïne, on peut noter l'observation faite par quelques médecins et chirurgiens, que la solution de cocaïne est d'autant plus efficace qu'on l'emploie plus chaude en applications locales. Par exemple, T. COSTE (de Gênes) obtient une anesthésie plus rapide, plus intense, plus durable et plus étendue, en faisant usage de solutions chauffées de 50° à 55°. On peut ainsi réduire beaucoup le titre des solutions.

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Nous

conjonctive. On a étudié la marche et les circonstances de cette insensibilité. verrons tout à l'heure, à propos de l'action sur les muqueuses de la bouche et de la langue, que les sensibilités disparaissent dans l'ordre suivant: sensibilité spéciale gustative, puis sensibilité électrique, puis enfin sensibilité thermique.

Lorsqu'on agit sur la conjonctive, on voit les effets se succéder dans le même ordre; la sensibilité tactile disparaît avant la sensibilité thermique (DONALDSON, GOLSCHEIDER); la sensation thermique est encore nette après la disparition du tact; plus tard, elle devient obtuse et le patient peut confondre le chaud avec le froid (E. BERGER).

Avec l'insensibilité de la conjonctive, les autres phénomènes qui résultent de l'application locale de la cocaïne sur l'œil sont les suivants : la dilatation de la pupille qui suit l'anesthésie et qui lui survit; la dilatation de la fente palpébrale, ou écartement des paupières et la fixité du globe oculaire due à la contraction de la capsule lisse de l'orbite. En même temps on observe un aspect terne de la cornée.

V. LIMBOURG (1892) a étudié en détail et comparativement cette action de la cocaïne sur l'œil. La cocaïne, comme l'atropine, paralyse d'emblée les terminaisons de l'oculomoteur commun, tandis que la muscarine, la pilocarpine, la nicotine les excitent. La mydriase cocaïnique est moindre en général (c'est l'inverse chez le lapin) que la mydriase atropinique. La pupille cocaïnisée réagit à l'éclairement, ce qui n'a pas lieu pour l'atropine qui rend l'iris inexcitable à tous les agents. C'est même cette influence d'un éclairement trop intense qui atténue et masque, en partie, la mydriase cocaïnique. L'iris est légèrement analgésié si l'on attend un temps suffisant. L'acuité visuelle et la réfraction ne sont point altérées (24).

La pression intra-oculaire est un peu abaissée (A. WEBER). La tension des milieux oculaires est cependant moins diminuée que lorsqu'on fait usage du chloroforme, et cette circonstance permet de vider plus facilement, dans l'opération de la cataracte, la chambre antérieure des débris de la substance corticale (SCHWEIGGER). Il y a constrictiou des vaisseaux de l'œil; il y a une légère paralysie de l'accommodation.

En résumé, la cocaïne excite les nerfs dilatateurs de la pupille: elle paralyse les nerfs sensitifs; elle modifie les phénomènes de l'excitation directe de l'iris. Elle affecte les éléments musculeux et nerveux de l'iris, les nerfs sensibles de la cornée et la partię antérieure de la rétine.

25. Action sur la muqueuse bucco-linguale et sur le sens du goût. L'action sur la sensibilité de la muqueuse buccale est l'une des plus anciennement connues. Elle a été observée par les indigènes qui employaient les feuilles de coca, et en 1857, elle a été signalée expressément par S. R. PERCY.

On enseignait, jusqu'à ces derniers temps, que la cocaïne détruisait à la fois le goût et la sensibilité tactile (L. BRUNTON). En réalité (L. E. SHORE (42), si l'on badigeonne la langue avec la solution à 1 p. 100 ou 3 p. 100 on constate la disparition de la sensation à la douleur, du goût de l'amer, avec conservation de la sensibilité tactile. En prolongeant l'action, l'ordre de disparition des diverses sensibilités est le suivant : 1° disparition de la sensibilité à la douleur; 2o disparition du goût de l'amer; 3° du goût du sucré; 4° du goût du salé; 5o du goût de l'acide; 6o de la perception tactile, qui résiste le plus longtemps. On perçoit clairement la pointe d'une épingle, alors que l'on ne sent point la douleur qu'elle produit, et l'on distingue nettement deux points à 1 millimètre de distance. La sensibilité tactile disparaît enfin. Toutes les sensibilités, y compris, à la fin, la sensibilité électrique acide sont alors abolies. La sensibilité thermique subsiste seule si l'on excite avec le courant électrique, on n'observe que des sensations thermiques [HERMANN (21)].

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26. Action sur les réflexes. Réflexe rotulien. Les faibles doses exaltent ce réflexe. Chez les chiens, la section de la moelle allongée le fait disparaître l'injection de 15 milligrammes par kilogramme, dans la veine jugulaire de l'animal soumis à la respiration artificielle, le fait reparaître plus fort qu'à l'état normal. Une dose plus élevée (20 milligrammes par kilogramme) chez le chien ou le lapin supprime temporairement (pendant quatre à cinq minutes) le réflexe qui se remontre ensuite (U. Mosso).

Il en est de même des Réflexes vésicaux. U. Mosso notait pléthysmographiquement les variations de volume de la vessie. Toutes les fois que, chez le chien curarisé, l'on

faisait une injection de cocaïne, la vessie pendant quelques minutes cessait de répondre aux excitations douloureuses par la contraction habituelle.

27. Action sur les sécrétions. Eufin, dans la phase d'excitation, presque tous les observateurs ont signalé une augmentation des sécrétions, particulièrement de la salivation sous-maxillaire et en général du ptyalisme (HALLSTED HALL, ARLOING, etc.). Mais dans la phase qui suit, on observe, au contraire, fréquemment, une diminution des sécrétions et une sécheresse marquée de la bouche.

La sécrétion urinaire mérite une mention spéciale. Les mictions fréquentes ont été signalées par un grand nombre d'observateurs à la suite des empoisonnements cocaïniques. Il s'agit quelquefois d'une véritable polyurie 'persistant assez longtemps [LORENZ (25)]. 28. Action sur les muscles. On avait méconnu, au début, l'action musculaire de la cocaïne. En réalité, la cocaïne exerce une action sur les muscles lorsqu'elle est mise en contact avec eux. SIGHICELLI (1885) avait observé qu'instillée dans l'œil du lapin, elle abolit, outre la sensibilité, la contractilité des muscles striés du bulbe oculaire (et il ajoutait des muscles lisses de l'iris). De même, si on l'applique sur l'intestin, le courant d'induction n'en provoque plus la contraction. La même chose s'observe, enfin, pour les muscles lisses des vaisseaux.

U. Mosso a étudié l'action de la cocaïne sur les muscles de la grenouille, du chien et de l'homme. Chez la grenouille, l'emploi de doses faibles favorise la contraction des muscles soustraits à l'influence nerveuse (par le curare); des doses plus fortes (20 milligrammes dans l'abdomen) empêchent la contraction. Cette paralysie n'est que temporaire, puisqu'en lavant le muscle avec la solution physiologique de chlorure de sodium en circulation artificielle, celui-ci récupère ses propriétés. Si l'on inscrit, chez le chien, la contraction du muscle gastro-cnémien, on constate qu'à doses faibles (1 milligramme par kilogramme d'animal), la cocaïne exerce une action excitante sur la contraction; la dose de 3 milligrammes est déjà une dose forte et produit un effet paralysant. En pratiquant la circulation artificielle dans le train postérieur, on observe mieux encore les phénomènes de paralysie, sans être troublé par toute la symptomatologie de l'empoisonnement. On constate ainsi que les doses de 5 milligrammes par kilogramme du poids de l'animal produisent une augmentation de la contraction musculaire; des doses plus fortes produisent une diminution.

Chez l'homme, U. Mosso a fait connaître les modifications provoquées par la cocaïne dans l'activité d'un groupe de muscles convenablement choisis pour l'étude, les fléchisseurs du doigt médius. Il en a observé avec soin la contraction volontaire et la contrac. tion provoquée. Il a constaté ainsi que la cocaïne agit sur le système musculaire comme excitant, à doses faibles (1 décigramme par la voie de l'estomac); elle agit comme paralysant si elle passe rapidement dans la circulation sanguine en doses plus fortes. L'effet de renforcement de la cocaïne sur le muscle apparaît plus nettement sur le muscle fatigué, où après le jeûne. On s'assure encore que cet agent améliore temporairement l'activité des muscles épuisés par la fatigue.

En résumé, la cocaïne, indépendamment de son action sur le système nerveux, exerce une action directe sur les muscles, augmentant à petites doses la force des contractions; tandis qu'à doses fortes elle la fait diminuer.

Lorsque l'animal cocaïnisé ne succombe pas à l'empoisonnement, et lorsqu'il se rétablit, on observe, dans la période de retour, une certaine maladresse du système musculaire (neuro-musculaire) et des phénomènes de titubation qui ne se rattachent pas directement à l'état des muscles, mais que l'on a expliqués par une obtusion persistante de la sensibilité tactile.

29. Action sur le foie. Comme d'autres alcaloïdes, la cocaïne serait retenue, puis fixée ou détruite partiellement par le foie. GLEY (19) s'assure que le chlorhydrate de cocaïne est toxique pour le chien à la dose de 2 centigrammes par kilogramme d'animal, en injection dans une veine de la circulation générale. Or, si l'on injecte dans la veine porte, il faut 4centigr, 23, d'où la conclusion que le foie retient plus de la moitié du poison; de plus, les convulsions sont plus tardives et moins violentes. Dans le bout périphérique de l'artère fémorale il faudrait 3centigr,48. CHOUPPE a contesté la précision de ces expériences, sans en apporter de contraires.

D'autre part, le foie subit du fait de la cocaïne des modifications importantes.

EHRLICH (15) aurait découvert une sorte d'action spécifique de la cocaïne sur le foie; ou, pour parler plus exactement, une lésion caractéristique de l'intoxication cocaïnique. Ses observations ont été faites sur des souris. La lésion serait une dégénérescence vacuolaire des cellules hépatiques. Celles-ci sont énormément augmentées de volume; le protoplasma raréfié est refoulé autour du noyau lui-même atrophié. Le glycogène a disparu. Il y a aussi dégénérescence graisseuse de quelques cellules hépatiques et des cellules des voies biliaires et sanguines. Macroscopiquement, le foie présente une hypertrophie considérable et une coloration pâle, anémique, avec quelques taches de congestion et des foyers de nécrose.

Des substances très voisines de la cocaïne ne produisent pas de lésions semblables. 30. Action sur le système nerveux. Le point capital de l'histoire de la cocaïne est relatif à son action sur le système nerveux. C'est précisément à l'occasion de cette action que se sont produites les deux théories de la cocaïne, curare sensitif et de la cocaïne, anesthésique général.

Nous avons dit que la cocaïne administrée à dose convenable (forte) produisait une analgésie générale. La question est de savoir si cette analgésie est d'origine centrale ou bien d'origine périphérique.

Il faut examiner successivement les deux cas : (a) le cas de l'application localisée, celui où la cocaïne agit localement sans passer dans la circulation générale; puis, en second lieu, (b) le cas de l'action généralisée où la cocaïne pénètre et se répand à l'intérieur de l'économie.

a) Application localisée. — Indépendance de l'anesthésie d'avec la vaso-constriction. - Dans le cas d'application locale de la cocaïne sur une muqueuse, la conjonctive par exemple, la question ne fait de pas doute. Il s'agit d'une action périphérique exercée par le poison sur les terminaisons nerveuses. On avait d'abord proposé d'autres explications. Partant de ce fait que l'application locale, en même temps qu'elle supprime la sensibilité, provoque une constrition énergique des vaisseaux, on avait voulu rattacher les deux effets l'un à l'autre et expliquer le premier par le second, la cocaïne atteignant la sensibilité en anémiant le tissu et en abaissant ainsi sa vitalité. C'est à tort. La cause véritable est ailleurs. La démonstration en est facile à donner :

L'insensibilité de la conjonctive n'est pas due au resserrement des vaisseaux (voir Dastre, Anesthésiques, 221-222). Si, en effet, chez un lapin dont l'œil a été insensibilisé par la cocaïne, on coupe le cordon sympathique du même côté, une vascularisation énorme remremplace l'anémie, et cependant l'analgésie locale persiste (ARLOING). La démonstration peut être donnée autrement au moyen de la pilocarpine dont les effets sont antagonistes de ceux de la cocaïne sur les vaisseaux qu'elle dilate et sur la pupille qu'elle contracte; et cependant l'insensibilité cocaïnique persiste encore (M. LAFFONT). - D'une autre manière encore, les opérations pratiquées au moyen de la bande d'ESMARCH (ROBSON, CORNING, KUMMER), prouvent que l'insensibilité n'est pas due à l'anémie. La bande produit, il est vrai, de l'anémie artérielle, mais, en même temps aussi, l'hyperhémie veineuse, et la sensibilité persiste parfaitement. Si l'on injecte de la cocaïne, il y a insensibilité; l'insensibilisation est même plus complète que dans le cas de l'injection simple sans emploi de la bande (insensibilisation renforcée). La cocaïne avec hyperhémie veineuse (cas de la bande) a agi plus énergiquement sur la sensibilité que la cocaïne avec anémie (cas où l'on n'emploie pas la bande).

Action sur les terminaisons nerveuses. La cause véritable de l'analgésie cocaïnique réside dans une action nerveuse spéciale exercée par la substance sur les terminaisons nerveuses sensitives. La cocaïne, dans le cas d'application locale, porte incontestablement son effet sur les éléments nerveux, délicats, dissociés, des terminaisons. Lorsqu'on l'applique sur une muqueuse, le résultat est, en effet, d'autant plus accentué que le contact avec l'élément nerveux est mieux assuré. La muqueuse la plus atteinte est celle de la conjonctive et de la cornée où les terminaisons nerveuses sont intra-épithéliales. Il se produit vraisemblablement un changement temporaire, une altération passagère des éléments nerveux directement touchés. ARLOING a assayé de saisir cette altération. Il immerge un fragment de nerf sciatique de grenouille dans une solution forte de cocaïne comparativement à un autre qui est plongé dans l'eau distillée; celui-ci ne présente de

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