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fois, à la différence de l'iodothyrine qui n'agit qu'en augmentant l'excitabilité normale ou diminuée de ce nerf, l'hypophysine constitue elle-même un excitant très énergique. Introduite dans le sang, elle augmente considérablement la force des battements du cœur en produisant un notable ralentissement rarement précédé d'une accélération passagère. Ce ralentissement est accompagné d'une élévation de la pression sanguine. Les pulsations provoquées par les extraits de l'hypophyse, surtout ceux préparés à une température d'ébullition, ont le caractère des contractions renforcées (Aktionspulse) telles que nous les avons décrites plus haut. Elles persistent souvent pendant 5 à 15 minutes.

Tout récemment, CYON (107) a signalé une curieuse particularité de ces contractions : c'est leur tendance à se manifester par groupes ou séries dont chacune dure 60 à 100 secondes et plus, et qui sont interrompues par des pulsations normales ou par de petites pulsations accélérées, comme les produit l'excitation des nerfs accélérateurs. La figure 22 représente une pareille série chez un chien. (Voir aussi plus loin fig. 23.)

Voici les traits caractéristiques de ces séries (Hypophysenreihen): 1) Les excitations ainsi que la section des pneumogastriques sont impuissantes à les empêcher de se produire ou à en interrompre la continuation. 2) L'atropine, susceptible de paralyser entièrement les pneumogastriques, ne parvient pas toujours à interrompre une série produite par l'extrait de l'hypophyse. 3) Dans les cas où l'introduction préalable de l'hypophyse a

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FIG. 22.

Série des pulsations renforcées chez un chien (Voir 107). (Ce tracé se lit de droite à gauche, comme les figures qui suivent.)

empêché l'action paralysante de l'atropine sur les pneumogastriques, l'influence de ce poison peut néanmoins modifier le caractère des contractions renforcées, tantôt en les interrompant par des pulsations accélérées, tantôt en diminuant leur amplitude et en les rendant trop fréquentes pour qu'elles puissent conserver le caractère des pulsations renforcées. Souvent, dans de pareils cas, les pulsations affectent le caractère de pulsus bigemini. 4) L'excitation des nerfs accélérateurs parvient à interrompre les séries par des pulsations accélérées. 5) Souvent l'excitation d'un nerf cardiaque quelconque provoque une nouvelle série de ces pulsations (107).

Des extraits préparés à une température de 38° à 40° C. produisent rarement de telles séries. Plus souvent la courbe de la pression légèrement augmentée présente des oscilliations périodiques dans le genre de celles décrites par TRAUBE. Les pulsations renforcées atteignent leur maximum au point culminant de ces oscillations et déclinent dans a partie descendante de la courbe.

L'action antagoniste de l'hypophysine contre l'atropine et la nicotine est encore plus forte que celle de l'iodothyrine. Pourtant, elle aussi est incapable de rendre au pneumogastrique la faculté d'amener un arrêt complet du cœur. Par contre, l'hypophysine parvient quelquefois à prévenir l'action de l'atropine sur le pneumogastrique.

Des expériences comparatives sur l'effet des extraits de l'hypophyse et celui de la muscarine ont montré qu'il existe de nombreuses analogies entre ces deux poisons. Abstraction faite de la supériorité des premiers comme antidote de l'atropine, la diffé 'rence d'action des deux substances se manifeste surtout en ceci, que la muscarine abaisse la pression sanguine, tandis que l'hypophysine la relève plutôt. En ajoutant de l'iodure de sodium à la muscarine afin de combattre la baisse de la tension artérielle, CYON a obtenu des courbes presque identiques à celles que produisent les extraits de l'hypophyse. Bien plus, il a provoqué de la sorte des séries de grandes pulsations renforcées qui ne se distinguaient des séries dues à l'hypophysine que par leur plus courte

durée (fig. 23). Même résultat quand la muscarine agit au moment où la pression sanguine est surélevée par une autre cause, par exemple, après l'excitation du pneumogastrique (fig. 24).

Quoique l'action des extraits de l'hypophyse et celle de l'iodothyrine sur les termi

lapin sous l'influence de muscarine et d'iodure de sodium. FIG. 23. Pulsations renforcées chez un

naisons centrales et périphériques des pneumogastriques présentent entre elles certaines analogies, CYON (107) est disposé à admettre la possibilité que ces substances n'agissent pas sur les mêmes filets intracardiaques. L'hypophysine exercerait son action sur les cellules ganglionnaires de BIDDER, qui servent à augmenter la force des contractions ventriculaires, tandis que l'iodothyrine influencerait de préférence les filets des pneumogastriques qui diminuent la tonicité du muscle cardiaque (Voir plus loin lettre M). L'hypophysine possède, d'après CYON (191) comme l'iodothyrine la faculté d'augmenter les oxydations dans l'organisme. Là aussi la question, s'il s'agit d'une action nutritive directe ou non, est restée en suspend.

c) Extrait des capsules surrénales. - L'action des extraits des capsules surrénales sur les organes de la circulation a été, dans ces dernières années, l'objet de nombreuses recherches de la part d'OLIVER et A. SCHÄFER (140), de SZYMONOWICZ (141), de CYBULSKI (142), puis de VELICH (143), FRÄNKEL, GOTTLIEB (144), LANGLOIS (145) et autres.

A quelques détails secondaires près, tous sont d'accord sur la nature de cette action: une augmentation considérable de la pression sanguine avec un ralentissement des battements du cœur. Les pneumogastriques étant préalablement sectionnés, plusieurs auteurs ont souvent constaté une accélération très persistante des pulsations. L'augmentation de la pression sanguine durait plusieurs minutes (5 à 15).

Sur l'explication des phénomènes observés l'accord est moins complet. OLIVER et A. SCHÄFER attribuent l'augmentation de la pression à une excitation violente des muscles vasculaires et cardiaques; la section préalable de la moelle épinière ne modifierait aucunement, selon ces auteurs, l'action de l'extrait sur la pression sanguine. Pour SZYMONOWICZ, au contraire, cette action serait due uniquement à une excitation des centres médullaires et vaso-constricteurs. D'après GOTTLIEB, l'extrait des capsules surrénales agirait, en première ligne, sur les ganglions moteurs intra-cardiaques et ensuite sur les cellules ganglionnaires situées dans les parois vasculaires. Les autres auteurs se partagent entre ces diverses opinions. Quant au ralentissement des battements du cœur, tous l'attribuent d'un commun accord à une excitation des centres des pneumogastriques dans la moelle allongée.

CYON (146 et 108), dont les recherches sont de date plus récente, a surtout étudié l'action de l'extrait surrénal au point de vue de la théorie de l'innervation du cœur. Les résultats obtenus par lui diffèrent très notablement de ceux des auteurs précédents, surtout en ce qui concerne les effets de cette substance sur les contractions cardiaques.

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La puissante action de l'extrait surrénal sur la pression sanguine, CYON l'a observée

comme ses prédécesseurs. Mais, pour ce qui est du ralentissement des pulsations, il ne l'a constaté au cours de ses recherches que très rarement, et encore uniquement comme effet ini

tial et passager aussitôt après l'injection intraveineuse de l'extrait. L'effet dominant sur le cœur se manifestait, au contraire, par une très forte accélération des battements. Chez les lapins aussi bien que chez les chiens, cette accélération était très persistante et durait presque toujours jusqu'à la fin de l'expérience. L'introduction de la muscarine modifie l'action des capsules surrénales en ceci que l'élévation de la pression sanguine est moins importante; l'accélération disparait entièrement et fait place à un léger [ralentissement, avec augmentation de l'amplitude des pulsations.

Pendant l'action maximale de l'extrait sur

rénal, l'excitabi

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FIG. 24. Pulsations renforcées; muscarine (en c) après l'excitation du pneumogastrique (en a).

lité des dépresseurs et des pneumogastriques est considérablement diminuée. Même des excitations puissantes ne produisent que des effets très amortis: la dépression est insigni

fiante, de très courte durée, quelques secondes à peine; elle est brusque et atteint immédiatement son maximum après une phase latente un peu prolongée. L'excitation des pneumogastriques comporte aussi une latence extrêmement longue; le ralentissement obtenu par les plus fortes excitations n'est que très insignifiant; en revanche, la baisse de la pression sanguine par suite de cette excitation est souvent assez considérable. La phase latente diminue avec les excitations successives.

La pression sanguine tombe généralement après plusieurs minutes fort au-dessous de la hauteur normale, mais l'accélération des pulsations persiste souvent jusqu'à la fin de l'expérience. Pendant cette phase l'excitation des dépresseurs est généralement sans effet sur la pression sanguine; celle des pneumogastriques est plus accentuée. L'extirpation préalable des ganglions cervicaux inférieurs et thoraciques supérieurs, qui par elle-même diminue notablement la fréquence des pulsations, modifie les effets de l'injection intraveineuse et de l'extrait surrénal : l'élévation de la pression se manifeste toujours, quoique dans des dimensions un peu moindres; l'accélération des pulsations est moins importante et manque quelquefois.

La section d'un nerf splanchnique, pendant le maximum de l'élévation de la pression, abaisse assez notablement la pression sanguine, mais cette baisse est passagère; la section du second splanchnique produit une nouvelle baisse d'une durée un peu plus longue; toutefois la pression sanguine reste-encore fort au-dessus de la normale.

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De ces expériences CYON tire les conclusions suivantes: 1o L'extrait surrénal excite très violemment tout le système sympathique vaso-constricteur, aussi bien les centres vaso-constricteurs situés dans la moelle allongée que les centres périphériques, ceux des ganglions du grand sympathique et ceux des cellules ganglionnaires terminales. 2o Cet extrait excite également les centres des nerfs accélérateurs, et cela aussi bien dans le cerveau que sur le parcours de ces nerfs et à leur terminaison. 3o Il produit, par contre, une dépression notable de l'excitabilité des nerfs modérateurs pneumogastrique et dépresseur. 4° Le ralentissement initial qui se manifeste souvent est dû à deux causes: au début, quand l'élévation de la pression est encore insignifiante, il est provoqué par une excitation des terminaisons des nerfs dynamiques (Aktionsnerven) et probablement du ganglion de BIDDER; au moment où la pression commence à monter notablement, l'élévation passagère de la pression cérébrale produit une compression de l'hypophyse, qui de son côté provoque une excitation des pneumogastriques (Voir plus haut, p. 135). Mais celte pression cérébrale est transitoire, elle diminue bientôt, et les nerfs accélérateurs prennent le dessus sur les pneumogastriques; les pulsations deviennent plus fréquentes et plus petites. 5° Si les centres vaso-constricteurs, et probablement aussi ceux des nerfs accélérateurs, sont paralysés par l'introduction de fortes doses de chloral, la pression sanguine reste basse, les pulsations deviennent rares et fortes, comme celles qu'habituellement produit le chloral.

En somme, l'extrait surrénal exerce une action excitante sur le système sympathique central et périphérique et une action opposée sur le pneumogastrique et le dépresseur. Il agit donc dans un sens opposé à l'action de l'iodothyrine et de l'hypophysine. L'entretien de la tonicité des nerfs accélérateurs et vaso-constricteurs est en grande partie l'œuvre des capsules surrénales.

M. Théorie de l'innervation du cœur. Nous avons analysé les mécanismes automatiques et régulateurs, connus jusqu'à ce jour, qui permettent au cœur de remplir sa fonction vitale avec une perfection sans pareille. Depuis qu'au commencement de ce siècle la doctrine de GALIEN et de HALLER, qui considéraient le cœur comme indépendant du système nerveux, a été ébranlée jusque dans ses fondements par les travaux de LEGALLOIS, de nombreuses découvertes scientifiques, mettant à la disposition de l'expérimentateur des méthodes d'une précision irréprochable, ont rendu possible une étude plus approfondie des mécanismes nerveux extra- et intra-cardiaques. La découverte des ganglions du cœur (REMAK, LUDWIG, BIDDER) et de leur mode de fonctionnement (VOLKMANN, STANNIUS), la découverte des fonctions inhibitrices des pneumogastriques (frères WEBER), celle des nerfs vaso-moteurs (CLAUDE BERNARD, SCHIFF), du nerf dépresseur (CYON et LUDWIG), des nerfs accélérateurs (E. et M. CYON) ont créé des bases solides et inébranlables pour la théorie de l'innervation du cœur. Le retour aux idées de GALIEN, qui se manifeste dans les recherches de plusieurs physiologistes contemporains, ne peut être considéré que

comme un mouvement passager et sans avenir. Nous disons «< retour aux idées de GALIEN » et non à celles de HALLER, car, ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut (p. 105), le grand physiologiste du xvine siècle reconnaissait aux nerfs du cœur une part dans l'entretien de l'excitabilité du muscle cardiaque. Or les jeunes protagonistes des théories myogènes, à l'exemple de GALIEN, ne veulent concéder aux nerfs du cœur que les propriétés des nerfs sensibles.

Les arguments sur lesquels on s'appuie pour attribuer une origine myogène au rythme et à l'automaticité du cœur sont de natures diverses: les principaux sont empruntés à l'embryologie et à l'anatomie comparée; les autres reposent sur des faits de pharmacologie et de physiologie expérimentale.

Les observations embryologiques qui paraissent plaider en faveur des facultés rhythmiques et automatiques des muscles cardiaques sont exposées très au long dans les chapitres suivants. Il est donc inutile de les reproduire. Le point culminant de ces observations est le fait que le cœur commence à se contracter d'une manière rythmique dès les premiers jours de la vie embryonnaire, quand on ne réussit pas à constater la présence d'aucun élément nerveux dans ses parois. Ce qui ôte à ce fait un peu sa signification au point de vue de la théorie myogène, c'est cet autre fait, connu depuis bien longtemps (ECKHARD, PREYER et autres), que certaines contractions cardiaques d'un embryon commencent aussi avant la formation des cellules musculaires. Si le premier fait pouvait être invoqué contre l'origine nerveuse des contractions cardiaques chez les adultes, le second devrait l'être avec un droit égal, et nous amènerait à cette seconde conclusion que l'origine des contractions cardiaques des adultes ne réside pas non plus dans les fibres musculaires. L'étrangeté de ces conclusions démontre en réalité que des manifestations premières de la vie embryonnaire on ne peut rien induire, en aucun sens, relativement aux fonctions vitales chez les adultes. Nous ignorons à peu près tout sur l'origine et la nature des forces inhérentes aux embryons dans le premier stade de leur développement. Ce serait donc un étrange raisonnement que celui, qui de notre impuissance à reconnaître cette origine à l'aide de nos moyens d'investigation actuels, conclurait à l'inaninité de toutes les données physiologiques acquises sur la vie des adultes. A l'état de germes embryonnaires, le cerveau d'un futur Shakespeare et celui d'un candidat à l'imbécilité ne présentent point de différences matérielles accessibles à nos organes de sens; mais l'insuffisance de ces organes ou de nos instruments d'optique ne nous autorise pas à conclure que ces germes sont identiques ou que les qualités des deux cerveaux ne diffèrent en rien.

De pareils arguments tirés de notre ignorance des conditions de la vie embryounaire sont d'une faiblesse qui saute aux yeux. Aussi a-t-on cherché à étayer la thèse myogène sur des faits positifs puisés dans le développement de nos organes. Ainsi His jeune et ROMBERG croient avoir trouvé, dans le développement des ganglions sympathiques, une preuve irréfutable que les cellules ganglionnaires du cœur ne sont que des organes de sensibilité. Déjà, en 1850, KöLLIKER avait attiré l'attention sur les ressemblances de structure entre les ganglions spinaux et les ganglions sympathiques. Il avait alors émis l'hypothèse que ces derniers descendent des premiers; ONODI parait avoir prouvé dernièrement cette descendance. « Les ganglions sympathiques, écrit His, appartiennent par conséquent, d'après leur développement embryonnaire, au domaine des racines postérieures. Toutes les fibres nerveuses de ces racines, leurs cellules ganglionnaires, leurs terminaisons sont, d'après l'opinion générale, sensibles. Donc les ganglions sympathiques doivent appartenir au système sensible. » (p. 4.) « Nos recherches sur la structure intime des ganglions cardiaques ne sont pas encore achevées. Il est à supposer que ces ganglions se comportent comme les ganglions sympathiques dont ils descendent... Le principal résultat de nos recherches est que les ganglions sont toujours sympathiques... Donc les ganglions du cœur sont aussi sensibles. Il ne peuvent pas avoir en même temps des fonctions motrices. » (p. 8, Klinische Beiträge, etc. von Curschmann, 1893.)

Voilà le raisonnement qui sert de base principale aux preuves embryologiques de l'origine myogène des contractions cardiaques chez les adultes. En raisonnant de la même manière on prouverait avec autant de raison que tous les nerfs sensibles qui passent par les racines postérieures, ainsi que les ganglions spinaux, sont « des nerfs moteurs et ne peuvent pas avoir en même temps des fonctions sensibles ». En effet, le grand

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